Cannes 2022 : mon Cannes à moi, avec les cinéastes belges Luc et Jean-Pierre Dardenne
A Cannes les cinéastes belges Luc et Jean-Pierre Dardenne sont chez eux, doublement lauréats de la Palme d'or (en 1999 et en 2005). Heureux de concourir, pour la neuvième fois, avec "Tori et Lokita" présenté mardi. Ils évoquent pour nous leur Festival de Cannes à eux.
Ils sont une figure du septième art belge… et du Festival de Cannes. Membres du club très restreint de réalisateurs doublement palmés (pour Rosetta en 1999 et pour L'enfant en 2005), ces représentants d'un cinéma social (au même titre Ken Loach) ont également été primés pour Le Silence de Lorna (Prix du scénario en 2008), Le Gamin au vélo (Grand prix en 2011) et Le Jeune Ahmed (Prix de la mise en scène en 2019). Impressionnant.
Le duo de réalisateurs (dont on finirait par oublier le prénom à force de les appeler "les frères", comme les Taviani et les Coen) est de retour pour une neuvième participation à la compétition avec Tori et Lokita projeté mardi 25 mai. Rencontre à Cannes rue des Belges (ça ne s'invente pas) dans une des terrasses dédiées aux interviews, avec Luc et Jean-Pierre Dardenne qui nous racontent leur Festival de Cannes.
Franceinfo Culture : Que représente Cannes pour vous ?
Luc Dardenne : Cannes pour nous c'est un pays. Un moment, durant quinze jours dans l'année, où le cinéma est au centre du monde. Et pour nous c'est une manière de venir placer au centre du monde deux visages, dans ce cas-ci, deux jeunes qui sont des personnes faibles, inconnues, marginalisées, qu'on ne voit pas dans la rue, qu'on évite de voir, qui sont exploitées dans différents réseaux souterrains, et justement comme ils sont souterrains, on ne les voit pas.
Ce sont les personnages de "Tori et Lokita", votre dernier film…
Oui. C'est ça Cannes pour nous, une opportunité extraordinaire de venir montrer des visages qu'on ne voit pas. Alors qu'ils existent. Evidemment, je parle ici dans le sens moral de l'art, du cinéma. Mais il y aussi un aspect industriel. Et donc c'est aussi espérer donner au film une renommée : avoir tous ces exploitants qui sont dans la salle, tous ces critiques qui sont là, qui vont aimer, pas aimer, mais qui vont en tous les cas commenter et essayer de comprendre, critiquer même violemment, c'est bien, on discute, tant que la parole circule, c'est bon. Ça, ça fait exister le film. Parce qu'un film, on le voit en salle une fois, et puis on le voit une deuxième fois en en parlant.
C'est ce qu'on est en train de faire avec vous les journalistes et les gens qui vont vous lire… Vous êtes 3000 à Cannes, critiques, plus les exploitants. C'est formidable, c'est le lieu vraiment, d'une renommée… qu'on ne peut pas acquérir avec une plateforme par exemple. Il faut vraiment que les gens soient présents, qu'on se rencontre, que ça discute vraiment, qu'on puisse s'opposer, que les mots puissent empiéter les uns sur les autres, c'est vivant.
Quel est votre lieu à Cannes ?
Jean-Pierre Dardenne : Il n'y a qu'un point, c'était mardi après-midi, la salle de projection.
Depuis 1999, la plupart des projections de vos films au festival ont été accompagnées de débats et notamment celles des deux films ayant reçu la Palme d'or. Est-ce encore le cas ? Et plus globalement, Cannes a-t-il évolué selon vous ?
Luc Dardenne : Ça me semble toujours un lieu de débat, de discussion, d'échanges conflictuels, c'est ça qui est bien, les films sont très différents. Peut-être que cette année c'est plus cosmopolite, même si les Chinois ne peuvent pas être là malheureusement. Mais j'ai l'impression que les films viennent d'un peu partout. Et ça, d'un tel nombre de pays, avoir à ce point des gens du monde, c'est la première fois, j'ai ce sentiment.
Jean-Pierre Dardenne : Mais il y a toujours aussi peu de films africains…
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