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Cannes 2020 : les films labélisés reflètent un Festival qui veut exister coûte que coûte

L’annonce d’une sélection officielle de 56 films bénéficiant d’un label Cannes2020 est dans la droite ligne de la tradition cannoise.

Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 12min
Le présentateur de Canal+Laurent Weil aux côtés du délégué général du festival de Cannes Thierry Fremaux (C) et du président Pierre Lescure (G) présente la sélection officielle du 73e festival de Cannes (2020). (SERGE ARNAL / STARFACE)

Festival de Cannes 2020 pas mort ! ne cesse de scander son délégué général Thierry Frémaux depuis l’annonce de son annulation sous sa forme habituelle. La sélection annoncée mercredi 3 juin est à l’image des exigences du festival. Malgré des absences cuisantes, pour certaines comblées l'an prochain, on y retrouve la fidélité à des réalisateurs majeurs, la reconnaissance de cinéastes confirmés pour la première fois présents, la présence de nombreux premiers films, et la continuité de l’intérêt porté au documentaire et à l’animation.

Les absents

Thierry Frémaux a commencé l’annonce de cette sélection en précisant que nombre de cinéastes majeurs ont préféré garder leur film pour la 74e édition en 2021, sans toutefois les nommer. Il l’avait toutefois déjà fait en citant le nouveau film de Paul Verhoeven (Elle), Benedetta, avec Virginie Efira en nonne du XVe siècle faisant des miracles. Il sera donc présent sur la Croisette en mai prochain.

Virginie Efira dans "Benedetta" de Paul Verhoeven. (Copyright Guy Ferrandis - SBS Productions)
Mais d’autres précédemment annoncés n’apparaissent plus dans la cette sélection officielle, sans confirmation de leur présence l’année prochaine. Ainsi Nanni Moretti avait été retenu avec Trois paliers (Tre Piani) qui recoupe en trois chapitres les déboires de familles bourgeoises vivant dans le même immeuble en Italie. Il y avait aussi Bruno Dumont avec Par un demi-clair matin, interprété par Léa Seydoux en journaliste de terrain vedette mise sur la sellette. A ses côtés : Blanche Gardin et Benjamin Biolay.
Léa Seydoux dans "Par un demi-clair matin" de Bruno Dumont. (Copyright 3B Productions)
C’était également le retour annoncé de Léos Carax avec Annette, où sont réunis Adam Driver, Marion Cotillard, Simon Helberg et la chanteuse Angèle qui fait ses premiers pas au cinéma. L'histoire d'un couple hollywoodien et de leur fille Annette, une enfant mystérieuse au destin exceptionnel.

Les fidèles

Parmi les "habitués" du Festival de Cannes figure en tête de liste François Ozon qui présente Eté 85. L’histoire de la rencontre sentimentale de deux adolescents (Félix Lefebvre et Benjamin Voisin), aux côtés de Valeria Bruni-Tedeschi, Melvil Poupaud et Isabelle Nanty. Le film est attendu sur les écrans le 14 juillet.

Autres gros morceau, le très attendu The French Dispatch de Wes Anderson (Moonrise Kingdom, à Cannes en 2012), tourné en France avec un casting dix étoiles : Bill Murray, Tilda Swinton, Timothée Chalamet, Owen Wilson, Frances McDormand, Adrien Brody, Benicio Del Toro, Mathieu Amalric, Léa Seydoux et Willem Dafoe. Un film monté comme un recueil de nouvelles, dont la sortie est prévue le 14 octobre. Thierry Frémaux a souligné la forte influence de la bande dessinée sur la mise en scène, ce qui rappelle le magnifique The Grand Budapest Hôtel (2014) du même Wes Anderson. Inattendu : c’est un film Disney. 

Cette 73e sélection voit également le retour de la Japonaise Naomi Kawase (La Forêt de Mogari, Grand prix 2007) avec True Mothers où des parents adoptifs sont harcelés par la mère biologique de l’enfant. Naomi Kawase a vu pratiquement tous ses films projetés à Cannes depuis sa Caméra d’or remporté en 1997 avec Suzaku.

Venu à Cannes en 2008 avec Hunger, Steve McQueen se distingue avec deux films sélectionnés. Lovers rock traite de la communauté noire à Londres dans les années 1970, et Mangrove, un film de procès sur le harcèlement policier visant les Afro-Américains aux Etats-Unis, un sujet on ne peut plus d’actualité.

Letitia Wright dans "Mangrove" de Steve McQueen. (Copyright BBC)
Venue à Cannes en 2012 avec Polisse (Prix du jury), puis en 2015 avec Mon roi, la talentueuse Maïwenn revient avec ADN, où elle est derrière et devant la caméra aux côtés de Fanny Ardant et Louis Garrel. Un film consacré aux racines algériennes de l’actrice-réalisatrice.
Fanny Ardant, Louis Garrel, Maïwenn dans "ADN" de Maïwenn. (Wild Bunch Distribution)

Le réalisateur danois Thomas Vinterberg (Prix du jury en 2008 avec Festen) est de retour avec Druk (Drunk sans "n", saoul en français), avec son compatriote Mads Mikkelsen. Un groupe de professeurs décident de boire en continu pendant leurs heures de travail, avec de graves conséquences à la clé. On n’est pas loin de La Grande Bouffe

Jonathan Nossiter, venu à Cannes avec son documentaire Mondovino en 2004, présente Last Words, avec Charlotte Rampling, Nick Nolte, Stellan Skarsgård. Un drame d’anticipation, où en 2085 la Terre est devenue un immense désert. Les derniers survivants se rejoignent à Athènes, appelés par un ultime espoir. Une fin du monde, vécue de manière tendre et joyeuse, par les cinq derniers êtres humains.

Nick Nolte, Charlotte Rampling,et Stellan Skarsgård dans "Last Words" de  Jonathan Nossiter. (DR)
Après La Raison du Plus Faible (2006), le Belge Lucas Belvaux revient avec Des Hommes interprété par Gérard Depardieu, Catherine Frot, Jean-Pierre Darroussin, excusez du peu. Un groupe d’amis se retrouvent 40 ans après "les événements d’Algérie" en faisant le bilan de leur conscience.

La sélection fait également bonne place aux films asiatiques. Ainsi reviennent les Coréens Im Sang-soo (The Housemaid, 2010) avec Heaven : To The Land of Happiness, une comédie sur l’amitié, et Yeon Sang-ho, qui, avec Peninsula, donne une suite à son formidable film de zombies politiques Dernier train pour Busan (2016).

"Peninsula" de Yeon Sang-ho. (ARP Sélection)
Le Japonais Koji Fukada (Prix du jury Un certain regard en 2016 avec Harmonium), revient avec Suis-moi, je te te fuis, fuis-moi je te suis (The Real Thing), où la vie d’un homme est bouleversée par la femme dont il vient de sauver la vie.

Rare présence des Pays de l’Est, la Lituanie est enfin représentée grâce à Sharunas Bartas (The House, 1997) qui présente In the Dusk (Au crépuscule). En 1948, un jeune Lituanien résiste à l’hégémonie soviétique. Entre la découverte de ses sentiments et de sa sexualité, il fait face à la violence et à la traitrise, au risque de la perte de son innocence et de sa vie. 

Les inattendus

Les films à sketches n’ont plus vraiment la cote, mais les sélectionneurs ont retenu Septet : The Story of Hongkong, que cosignent Ann Hui, Johnnie To, Tsui Hark, Sammo Hung, Yuen Woo-Ping, Patrick Tam et Ringo Lam. Une présence asiatique venue de Chine, plus précisément Hongkong. Produit par le fidèle cannois Johnnie To (Vengeance, 2009, Election 1, 2005), comme son titre l’indique, le film retrace l’histoire de la péninsule chinoise restée longtemps sous protectorat britannique, qui, depuis sa rétrocession, fait l’objet, encore aujourd’hui, de régulières révoltes contestataires pour le maintien de la démocratie.

Très attendue, la venue de Bruno Podalydès avec Les Deux Alfred où se retrouvent le réalisateur avec son frère Denis Podalydès et Sandrine Kiberlain. Alexandre est chômeur et interdit bancaire. Alors que sa femme Albane est en mission sur un sous-marin nucléaire, il doit s’occuper seul de leurs deux jeunes enfants. Alexandre a deux mois pour trouver du travail et prouver qu’il est capable de s’occuper de ces derniers.

Parmi les surprises de cette 73e sélection figurent plusieurs premiers films d’acteurs passant à la réalisation. Au premier chef, l’Américain Viggo Mortensen (même s’il est crédité d’un film en 2015, The Horsecatcher, non distribué) qui présente Falling. Il en est également l’interprète au côté du trop rare Lance Henrinksen (Aliens, Terminator 2), dans une histoire de famille, où deux générations vont tenter de se comprendre et de se rapprocher.

Lance Henriksen et Viggo Mortensen dans "Falling" de Viggo Mortensen.  (|Copyright Caitlin Cronenberg)
Autre très bonne surprise, la première réalisation du pensionnaire de la Comédie-Française Laurent Lafitte, L’Origine du monde. Une comédie dramatique qu’il interprète aux côtés de Karin Viard, Vincent Macaigne, Nicole Garcia et Hélène Vincent. Formidable casting qui reflète son goût pour les acteurs. Il y interprète Jean-Louis qui s’aperçoit que son cœur a cessé de battre, alors qu’il est toujours vivant. Est-il mort, en vie ? Son entourage fait appel à sa coach de vie, un peu gourou, très connectée aux forces occultes. Elle a une solution qui va mettre Jean-Louis face au tabou ultime...

L’actrice Caroline Vignal présente son deuxième film, Antoinette dans les Cévennes, où elle part sur les traces du récit de voyages de Robert Louis Stevenson Voyage avec un âne dans les Cévennes (1879), en l’actualisant à l'époque contemporaine.

Laure Calamy dans "Antoinette dans les Cévennes" de Caroline Vignal. (Copyright Diaphana Distribution)
Autre actrice passée à la réalisation, Danielle Arbid signe Passion Simple d’après le roman éponyme d’Annie Ernaux (1992). Le synopsis : à partir du mois de septembre l'année dernière, je n'ai plus rien fait d'autre qu'attendre un homme : qu'il me téléphone et qu'il vienne chez moi. Tout de lui m'a été précieux, ses yeux, sa bouche, son sexe, ses souvenirs d’enfant, sa voix...
Laetitia Dosch et Sergei Polunin dans "Passion simple" de Danielle Arbid. (Copyright Magali Bragard)

Documentaires et films d’animation

Souvent hors compétition, mais pas systématiquement, documentaires et films d’animation sont reconnus à Cannes. Cette année encore on y retrouve la crème de la crème.

The Truffe Hunter de Michael Dweck et Gregory Kershaw retracent la vie de chasseurs de truffes en Italie, partagés entre la protection de leurs coins secrets jalousement préservés, et la continuité d’une tradition. Un sujet pointu, traité avec humour et tendresse.

9 jours à Raqqa de Xavier de Lauzanne traite de la rencontre entre une écrivaine française et Leila Mustapha, kurde et syrienne, maire à tout juste 30 ans de Raqqa, plongée dans un monde d’homme. Elle a pour mission de reconstruire sa ville, de réconcilier, et d’y instaurer la démocratie.

Côté animation, la France est représentée par Aurel, jeune réalisateur qui présente Josep. Il joue de la frange documentaire du genre (Valse avec Bachir) en évoquant Josep Bartoli (Barcelone 1910 - New York 1995), combattant antifranquiste et dessinateur. Complètement submergé par le flot de Républicains fuyant la dictature de Franco, le gouvernement français parque ces Espagnols dans des camps de concentration, soumis à la famine et l’insalubrité. Dans un de ces camps, deux hommes séparés par un fil de fer barbelé se lient d'amitié.

"Josep" de Aurel. (Copyright Sophie Dulac Distribution)
Bonne surprise : le fils du maître de l’animation japonaise Aki Miyazaki, Goro Miyazaki, présente Aya et la sorcière (Aya to Majo ou Earwig and The Witch). En continuité avec son père, le film est un conte pour enfants, cette fois situé en Angleterre, un autre héritage du père, dont la culture est très européenne, tout en respectant ses racines nipponnes.

Enfin, last but not the least, Pixar fait une fois de plus partie de la sélection avec Soul de Pete Docter (Vice versa, 2015, Là-haut, 2009) et Kemp Powers. Film autour du jazz à New York : son héros, Joe, qui est sur le point de réaliser son rêve, passe dans une autre dimension et se demande ce que signifie avoir une âme… Tout Cannes.

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