Cannes 2019 : "Lillian" d'Andreas Horvath, le road movie fatal d'une russe qui rentre chez elle à pied depuis New York
La Quinzaine des Réalisateurs a projeté lundi 20 mai "Lillian", de l'Autrichien Andreas Horvath. L'histoire véridique d'une émigrante russe partie à pied de New York pour rejoindre la Russie et qui a disparu en Alaska..
L'histoire est authentique et elle se situe dans les années 1920. Une jeune Russe ayant émigré aux Etats-Unis se retrouve à bout de ressources. Elle décide de retourner dans son pays avec le seul moyen de locomotion qui lui reste : la marche à pied. Elle quitte donc New York et suit le télégraphe direction l'Ouest. Accompagnée de plusieurs chiens, elle n'arrivera jamais à destination et disparaîtra en vue de l'Océan Pacifique.
Andréas Horvath s'est saisi de ce fait-divers vieux de presque un siècle, et en a fait un road movie de 2h08 dans l'Amérique contemporaine. Son héroïne, s'appelle toujours Lillian (Patrycja Planik) mais elle voyage seule. Pas de chiens. Pas de mots non plus, son rôle est quasiment mutique. Partie au printemps de la côte ouest, son aventure se terminera de l'autre côté du pays, en plein hiver. Entre temps, elle aura volé pour s'habiller, pour se nourrir ou fait les poubelles, elle aura manqué se faire violer, rencontré un shériff humain et disputé des saumons à un ours occupé à pêcher lui aussi à proximité...
Sept périodes de deux semaines
Au fil du tournage découpé en sept périodes de deux semaines, Andréas Horvath et Patrycja Planik étaient donc régulièrement rejoints par les trois autres membres de l'équipe, là où leur progression les avaient menés. Entre temps, ils continuaient en effet leur marche vers l'ouest, mettant en boîte d'autres séquences.
Un tournage épique donc, véritable aventure en soi qui a duré le temps du récit. L'équipe très réduite a saisi les occasions et les rencontres pour nourrir son récit. C'est ainsi que le fameux shériff occupe effectivement cette fonction, que la rencontre avec des Sioux Lakotas révoltés contre la construction d'un pipe-line sur leurs terres donne l'occasion d'une très belle scène, de même qu'une course de stock cars, véritable passion des habitants du midwest. A noter que dans cette Amérique d'aujourd'hui, Lillian ne croise aucun Noir !
Un parallèle actuel ?
Au delà du récit romancé d'un véritable drame, on ne voit pas très bien à quelles conclusions aboutit le film. Il ne faut peut-être pas y voir autre chose que la tentative de ne pas laisser la véritable Lillian sombrer dans un oubli total après s'est dissoute dans sa propre mésaventure. La dernière séquence, une vieille femme inouite racontant une légende à un enfant, élargit un peu le propos vers l'universel. Comme si le cinéaste avait senti qu'il fallait ajouter une dimension à cette histoire, aussi tragique que finalement banale aujourd'hui.
Immigants, immigrés, migrants, réfugiés, quel que soit le nom qu'on leur donne, ils sont en effet nombreux à connaître le même sort que Lillian, disparaissant dans les profondeurs de la Méditerranée plutôt que dans le désert immaculé des neiges du Nord. Andreas Horvath y a-t-il pensé ? Rien ne le laisse soupçonner.
Lillian
Film autrichien d'Andras Horvath,
Avec Patrycja Planik
Durée : 2h08
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