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Eric-Emmanuel Schmitt : Danielle Darrieux était "intense et profonde, elle était du côté de la joie"

Le dramaturge Eric-Emmanuel Schmitt est revenu, jeudi pour franceinfo, sur la disparition de l'actrice Daniel Darrieux, décédée à l'âge de 100 ans, et leur collaboration sur la pièce "Oscar et la dame rose", en 2003.

Article rédigé par franceinfo
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Daniel Darrieux interprétant, le 7 février 2003, la pièce "Oscar et la dame rose" écrite par Eric-Emmanuel Schmitt. (ERIC FEFERBERG / AFP)

Daniel Darrieux "a montré qu'une femme peut être belle à tous les âges de sa vie", a lancé le romancier et dramaturge Eric-Emmanuel Schmitt dans un vibrant hommage rendu, jeudi 19 octobre sur franceinfo. L'actrice française, décédée mardi à son domicile de Bois-le-Roi (Eure), avait interprété sa pièce Oscar et la dame rose. L'artiste morte dans sa centième année "était intense et profonde, elle était totalement du côté de la joie", selon l'artiste.

franceinfo : Est-ce vous qui avez pensé à Danielle Darrieux pour le texte d'Oscar et la dame rose ?

Eric-Emmanuel Schmitt : Oui, d'ailleurs, le texte lui est dédié. Dans toutes les éditions, dans le monde entier, il y a marqué : "pour Danielle Darrieux". Pour moi, cela a été une magnifique rencontre. Elle incarnait ce que j'aimais, c'est-à-dire, la profondeur, qui ne prend pas l'allure de la profondeur, mais de l'élégance, de la légèreté. Danielle était tout sauf superficielle. Elle était intense et profonde, mais elle offrait toujours un visage aimable, un visage riant. Elle avait connu de grandes douleurs dans sa vie, celle de ne pas pouvoir avoir d'enfants, celle de perdre son fils adoptif, mais elle ne parlait pas de ça. Elle était totalement du côté de la joie, elle savait célébrer chaque instant.

Avez-vous été surpris par son interprétation ?

Oui. Elle avait perdu son fils adoptif quelques années auparavant et elle remontait sur la scène, chaque soir, pour faire revivre un enfant. Elle incarnait aussi bien la Dame rose que l'enfant. Elle a montré qu'une femme peut être belle à tous les âges de sa vie. Elle a été belle à 15 ans, à 30 ans, à 60 ans, à 90 ans. Elle a su traverser le temps au cinéma. Un jour je lui ai demandé : "Comment as-tu fait pour traverser tout le cinéma en ayant toujours des rôles ?" Elle a répondu : "Je n'ai jamais accepté de jouer le rôle d'une femme plus jeune que moi, et pourtant, je faisais plus jeune que mon âge".

Au moment de jouer votre texte Oscar et la Dame rose, elle avait 86 ans. Elle montait sur scène seule, tous les soirs. Comment ça s'est passé pour elle ?

Elle avait très peur, elle avait peur de sa mémoire. En fait, elle avait une excellente mémoire. Des années après, quand on se parlait au téléphone, elle me montrait qu'elle savait toujours le texte. Mais elle n'avait jamais fait de "seule en scène". C'était son premier, à 86 ans. Elle déployait une énergie folle. Elle sortait de scène épuisée et une demi-heure plus tard, c'était de nouveau le rire, la joie, le plaisir d'être avec les gens qu'elle aimait. Elle avait une force de vie incroyable. C'est parce qu'elle aimait la vie que la vie l'a aimée. Elle aimait profondément la vie.

"Elle avait perdu son fils adoptif, quelques années auparavant et elle remontait sur la scène, chaque soir, pour faire revivre un enfant", Eric-Emmanuel Schmitt

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