"Sébastien Tellier : Many Lives" : le documentaire qui dévoile les mille facettes d'un caméléon de la "crazy pop"
Le documentaire présenté à l'occasion du Festival digital ArteKino plonge les spectateurs dans l'univers d'un Sébastien Tellier excentrique et sensible.
Diffusé gratuitement en ligne à l'occasion du Festival digital Européen ArteKino du 1er au 31 décembre 2020, le documentaire Sébastien Tellier : Many Lives, de François Valenza, est en lice pour le Prix du Public Européen ou le Prix du Jury Jeune.
“C’est une porcelaine au pays des éléphants”. Mathieu Tonetti, Marc Teissier du Cros, Nicolas Godin, Rob, Christophe, ou encore Philippe Zdar, décédé en 2019, face à la caméra de François Valenza, les interviews de ses compagnons de route s'enchaînent. Chacun tente à son tour de décrire, par une anecdote ou un souvenir, la personnalité débordante et le parcours atypique de Sébastien Tellier. Les témoignages se mêlent à d’autres supports vidéo dévoilant un génie de la composition à l’univers décalé.
La réalisation de ce documentaire est une sorte de collage de différentes matières et couleurs, à la fois très juste et farfelu, qui rappelle l'univers excentrique de Sébastien Tellier. Des scènes connues du grand public, comme des extraits de clips ou d’interviews viennent se croiser à des images d’archives plus rares. Le public entre ainsi un peu plus dans l’intimité d’un homme dont on connaît finalement peu de choses.
Destin d'un "clochard céleste"
“Bonjour, je m’appelle Sébastien Tellier et j’ai 25 ans”. La voix de l’artiste vient habiller une image tournée au caméscope datant de ses débuts. Les cheveux longs et la barbe sont déjà là, le talent aussi, mais la reconnaissance attend encore patiemment. Les pieds noirs de crasse, assis dans un siège, l’homme sourit. À cette époque, Sébastien Tellier cohabite avec Mathieu Tonetti dans un petit appartement parisien sans fenêtre. “Un duo de clochards célestes à la fois bourgeois et extrêmement dégingandés et sales” se remémore Rob, proche ami et musicien.
“J’ai passé 4 ans dans un appartement à Paris à regarder une télé sans son. Pendant 4 ans, au lieu de faire de la musique, je réfléchissais à ce qu'était être un artiste, comment en devenir un et essayer de créer un art différent” raconte celui qui définit son style comme de la "crazy pop". Un genre qu'il définit dans un article du magazine Marie-Claire comme étant "une musique qui obéit aux lois de la pop mais dans le désordre !". Les yeux rivés sur sa télé, Sébastien Tellier va s’arrêter sur le clip Sexy Boy de Air et décide de relever le nom du label de production qui figure dans les crédits. Il ne connaît personne, mais va réussir à décrocher un rendez-vous avec le directeur artistique. “Les gens qui ont produit ça vont comprendre ma musique. C’est sa démarche” détaille Marc Teissier du Cros, qui finira par le faire entrer dans son label Record Makers, fondé avec Air. Sébastien Tellier sort alors son premier album, L'incroyable vérité.
Le miracle de "La ritournelle"
Mais le début de sa popularité attendra la sortie de l’album Politics. Un projet mythique qui renferme une histoire quasi-biblique. À l’époque Sébastien Tellier enregistre au fond du Motorbass de Philippe Zdar. Son matériel est installé de façon rudimentaire sur un tréteau. Une fois l’album terminé, le manager écoute et enregistre les morceaux sur un disque dur. Le lendemain, après une nuit de grêle, la partie du studio occupée par le compositeur s’est retrouvée inondée. Intuition, ou pur hasard, l’idée a permis de sauver l’un des plus beaux morceaux de cette décennie : La Ritournelle.
7 minutes de vertiges et de poésie, nées d’une collaboration avec le batteur Tony Allen et qui marquent un tournant dans la carrière de Sébastien Tellier. “Il nous fait ce truc, pendant 6 minutes. Puis en fait, on est en transe, je m’en souviendrai toute ma vie. Et au bout de 6 minutes, il s’est mis à chanter. Avec Hubert, on s’est regardé, on s’est dit : cette chanson est folle" se remémore le producteur, Philippe Zdar.
Un "showman" punk
Sébastien Tellier est aussi un performer. Sur scène, ses personnages jouent avec les limites de chacun, tentent de faire rire au risque de parfois s’y perdre. L'homme s’illustre dans des shows décalés, quasi-absurdes. “Il y a eu des concerts complètement fous, où Sébastien se cachait sous le piano et mangeait des cendriers” se souvient Rob.
Le public s’invite parfois à ses côtés et participe à son tour à une forme de trip commun. Comme lorsque des spectateurs déshabillés dansent autour de Sébastien Tellier qui apparaît comme un gourou. Un artiste décalé et à la “radicalité tournée vers les gens et vers le plus grand public possible”, comme le démontre sa participation à l’Eurovision en 2008 avec son morceau Divine tiré de l’album Sexuality.
Un diamant aux multiples facettes
Les images défilent et ses multiples vies apparaissent peu à peu. Des extraits délirants viennent s’entrechoquer à des passages plus émouvants. Sébastien Tellier est finalement "comme un diamant avec des facettes" considère Laurent Brancowitz, membre du groupe Phoenix. À chaque album, un concept et un nouveau personnage. Une façon de ne “pas tomber dans les automatismes, les habitudes” d'après Marc Teissier du Cros. Plusieurs vies, plusieurs visages et toujours cette même capacité à mêler “le sublime au minable”.
Une recherche éternelle d’un équilibre entre poésie, profondeur et popularité que le film dépeint et qui poursuit Sébastien Tellier depuis ses débuts. “Pour que l’on soit finalement fier de moi, il faut attendre que j’ai 57 ans ?" demande-t-il à son amie à la fin du documentaire, d'un air anxieux, une cigarette entre les doigts. "Qu'est ce qu'il faut pour être fier de toi ?" lui répond t-elle. "Un succès populaire" lâche l'artiste. Une façon de dire qu'il compte bien continuer "à faire le gugusse" à travers des personnages toujours plus décalés. "Tout ça finalement ce n'est que des essais, il n'y a aucun de mes disques que j’ai sorti comme étant une conclusion. C’est des tentatives. Et les personnages, c’est pareil, c’est des tentatives."
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