Des féministes perturbent la rétrospective Polanski à la Cinémathèque de Paris
"Apprécier un artiste ne signifie pas taire ses crimes !", lance une manifestante devant la Cinémathèque à Paris. Comme quelques dizaines de personnes, elle a répondu à l'appel d'associations féministes, en protestant lundi soir contre la rétrospective consacrée à Roman Polanski, accusé par plusieurs femmes d'agressions sexuelles. "Pour nous, l'important c'est d'annuler la rétrospective, des excuses de la Cinémathèque et une prise de conscience", avait indiqué lundi matin la porte-parole du groupe féministe, Raphaëlle Rémy-Leleu.
Le réalisateur franco-polonais de 84 ans est venu présenter son dernier film "D'après une histoire vraie" lors d'une soirée privée lançant cette rétrospective de son oeuvre. Montant sur scène aux côtés de son épouse Emmanuelle Seigner, qui tient un des deux rôles importants du film, Roman Polanski a été chaleureusement applaudi par le public, certains lui réservant même une ovation debout. Il s'est livré à un éloge du numérique qui permet aux films de se "perpétuer", contrairement à une époque "on pouvait brûler (les films) comme Hitler brûlait les livres", se gardant de tout commentaire direct sur les manifestations.
Intervention de deux Femen
Torse nu, deux Femen ont fait irruption dans la Cinémathèque, scandant "pas d'honneur pour les violeurs" au passage du réalisateur. Les deux femmes, portant sur le corps l'inscription "Very Important Pedocriminal", ont été évacuées du bâtiment. "Le temps du silence est terminé, on va les chasser, la peur et la honte doivent changer de camp", a déclaré Inna Shevchenko, l'une des deux Femen, dénonçant "une certaine arrogance et violence de la Cinémathèque" d'avoir maintenu cet hommage. "Si violer est un art, donnez à Polanski tous les César", pouvait-on lire aussi sur les banderoles s'affichant devant l'institution culturelle, tandis que des manifestants scandaient "Assez de ceux qui veulent protéger les agresseurs".La Cinémathèque française a exclu d'annuler la rétrospective
"Il n'a jamais été question une seconde de renoncer à cette rétrospective sous la pression de je ne sais quelle circonstance étrangère à la Cinémathèque et à Roman Polanski", a affirmé lundi soir son président, le réalisateur Costa-Gavras, devant un public rassemblant journalistes, équipe du film et abonnés de l'institution culturelle. "Nous sommes persuadés que les films de Roman Polanski sont plus que jamais indispensables à notre compréhension du monde et du cinéma. Nous ne sommes pas prêts à nous en priver", a-t-il insisté."La rétrospective Polanski est prévue depuis très longtemps", avait dit vendredi dernier la ministre de la Culture Françoise Nyssen. "Il s'agit d'une œuvre, il ne s'agit pas d'un homme, je n'ai pas à condamner une œuvre", a-t-elle affirmé.
Schiappa ne veut plus "dérouler le tapis rouge" aux auteurs d'agressions sexuelles
En revanche, la secrétaire d'Etat en charge de l'Égalité entre les femmes et les hommes a estimé mardi qu'il fallait cesser de "dérouler le tapis rouge" aux auteurs d'agressions sexuelles et d'en faire "des héros", en allusion à l'hommage de la Cinémathèque à Roman Polanski.
"C'est compliqué de faire des gens qui ont été auteurs de viols ou d'agressions sexuelles, ou qui sont accusés de cela, des héros. De la même manière que j'ai trouvé compliqué de faire des posters ou des Unes avec Bertrand Cantat" (condamné pour avoir tué sa compagne Marie Trintignant en 2003), a déclaré Marlène Schiappa. "Je n'appelle pas à la censure (...) mais c'est difficile de dire aux femmes +vous devez libérer votre parole+ et dans le même temps dérouler le tapis rouge pour des auteurs d'agressions sexuelles."
"Minimiser ou relativiser les viols ou les agressions sexuelles selon le talent ou la notoriété de la personne mise en cause" contribue à "la culture du viol", a poursuivi la secrétaire d'État.
Affaire Polanski, des rebondissements incessants
Le cinéaste a été inculpé en 1977 aux États-Unis pour le viol d'une adolescente de 13 ans, Samantha Gailey. Alors âgé de 43 ans, Roman Polanski avait reconnu avoir eu des relations sexuelles illégales avec une mineure. Le juge avait accepté de ne pas retenir d'autres incriminations, dont le viol. Après avoir passé 42 jours en prison, Roman Polanski s'était enfui des États-Unis en janvier 1978, redoutant d'être condamné, contrairement à un accord à l'amiable.Depuis cette affaire et le scandale de l'affaire Weinstein, plusieurs femmes sont sorties de l'ombre pour accuser le cinéaste d'agression sexuelle. Son avocat a qualifié ces accusations comme étant "sans fondement".
Osez le féminisme veut aussi interdire une rétro Jean-Claude Brisseau
Osez le féminisme reproche aussi à la Cinémathèque de prévoir en janvier 2018 une rétrospective consacrée à Jean-Claude Brisseau. Celui-ci avait été condamné en 2005 pour le harcèlement sexuel de deux jeunes actrices qui espéraient décrocher un premier rôle dans son long-métrage "Choses secrètes".De son côté, Marlène Schiappa s'est dite "choquée" par cet autre événement programmé à la Cinémathèque mettant à l'honneur "un autre cinéaste (Jean-Claude Brisseau) qui a été condamné deux fois pour harcèlement et agression sexuelle".
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