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[DEAUVILLE] "Uncertain Terms": désordre amoureux dans un foyer de jeunes filles
Réalisateur, scénariste et acteur de "Uncertain Terms", Nathan Silver signe son quatrième long métrage, pour la première fois en compétition à Deauville. Son sujet délicat reflète son intérêt pour la place de la jeunesse dans la famille américaine, décelable dans ses autres films. Il fait appel ici à un casting d'actrices qui mériteraient un Prix d'interprétation collectif.
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Temps de lecture : 4min
La note Culturebox
3 / 5 ★★★☆☆
3 / 5 ★★★☆☆
De Nathan Silver (Etats-Unis), avec : David Dahloom, Adinah Dancyger, Casey Drogin - 1h15
Synopsis : Lorsqu'il surprend sa femme avec un autre homme, Robbie quitte Brooklyn et décide de s'installer à la campagne chez sa tante. Cette dernière gère un foyer d'accueil pour adolescentes enceintes. Seul homme parmi toutes ces femmes, Robbie devient malgré lui l'objet de toutes leurs attentions… Il rencontre alors Nina. Leur relation se complique au fur et à mesure que Robbie se rapproche d'elle, et que leur amitié suscite la jalousie des autres jeunes filles. Tout en essayant d'empêcher Nina de commettre la plus grosse erreur de sa vie, Robbie se retrouve pris au piège d'un triangle amoureux, entre Nina et Chase, le père immature de son enfant.
Vengeance juvénile
Nathan Silver signe un film sur le passage de l’enfance à l’âge adulte avec une belle perspicacité. Il plonge un homme de trente ans dans l’univers de jeunes filles à peine majeures. On se rend vite compte qu’elles sont plus matures que lui. Même si Robbie (David Dahborn) est en phase de divorce, elles, sont prêtes à enfanter, alors que lui n’est pas père. Comme si elles avaient une longueur d’avance.
Mais ne sont-elles pas aussi bien juvéniles pour être potentiellement mère, par idéalisme, par erreur, par convention… ? Nombre d’entre-elles sont manipulatrices, et l’adulte Robbie, semble charmé d'en être la "victime". Aux confins de l’enfance et de l’âge adulte, il y trouve son compte. Une sorte de cure de jouvence. Peut-être à ses dépends, mais comment le savoir ? Dans cet univers de femmes, il est adulé. Lui, rejeté par l’adultère de sa femme, n’espère-t-il pas se prouver à lui-même qu’il est encore capable de séduire et en tirer quelque vengeance ? La femme "meschine"
Aussi tombe-t-il sous le charme de Nina, Salvor Menuez, que l’on a pu voir dans "Après mai" d’Olivier Assayas, et dont le visage ovale et la longue chevelure rousse en fait la sosie d’Elisabeth Sidhal, l’égérie des peintres préraphaélites, John Everett Millais ("Ophélie") et surtout Gabriel Dante Rossetti. Si une biographie devait être consacrée à ce personnage au destin incroyable (cela vaudrait vraiment le coup), elle y serait parfaite. Mais revenons à nos moutons…
Nina est la séductrice, mais elle a une rivale, amoureuse (?) de Robbie, et qui va tout précipiter. C’est la femme "meschine" des contes médiévaux, qui œuvre à l’échec des amours idéaux, l’ancêtre de la femme fatale. C’est elle qui par une manœuvre facile va les empêcher de s’aimer. Mais au bout du compte, l’amour fantasque qu’entrevoit Robbie avec Nina est d’emblée irréaliste. Elle a déjà un amant, père de l’enfant qu’elle porte. Lui, s’interpose entre eux. Robbie ne s’avère qu’un "vieux", qui les empêche de se réaliser. Même si cette réalisation reste encore bien hypothétique, vue le manque de maturité de ce jeune couple, elle s’avèrera gagnante, et lui un "vieux con".
Nathan Silver ne tire aucune moralité de ce qui s’avère au final un conte. Il dispose les pions, les confronte et se retire. Non sans un coup de théâtre final qui remet les choses en place. Dans l’ordre d’une tradition bourgeoise qui aime se faire bousculer, mais pas trop. On pense à Bunuel. Beau et subtil.
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