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Cinémas en colère contre Disney : "Sans les grosses productions comme 'Star Wars', c'est la mort assurée"

Contrairement à de nombreuses salles art et essai, privées du prochain épisode de la saga par les distributeurs, Boris Spire, directeur de L'Ecran à Saint-Denis, diffusera le film de J.J. Abrams. Il nous explique pourquoi.

Article rédigé par franceinfo - Propos recueillis par Estelle Walton
France Télévisions
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Le film, réalisé par J.J. Abrams, doit sortir le 16 décembre dans les salles françaises. (BRIAN ACH / GETTY IMAGES NORTH AMERICA)

A dix jours de la sortie de Star Wars : Le Réveil de la Force, le 16 décembre, plusieurs salles d'art et essai ont décidé de dénoncer publiquement la politique des studios Disney, qui leur a refusé une copie du film le plus attendu de l'année au profit des multiplexes. Signataires d'une pétition, leurs directeurs sont toujours dans l'attente d'une décision de la médiatrice du cinéma, Laurence Franceschini.

Mais certains cinémas ont tout de même réussi à mettre la main sur la précieuse bobine. C'est le cas de Boris Spire, directeur du cinéma L'Ecran à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Interrogé par francetv info, il voit à travers ce combat le symptôme d'une guerre plus profonde : celle de la survie du cinéma d'auteur.

Francetv info : Pourquoi avez-vous choisi de diffuser Star Wars : Le Réveil de la Force ?

Boris Spire : On a toujours diffusé une petite proportion de films grand public, en particulier pendant les vacances. Nous ne le diffuserons qu'à partir de la deuxième semaine de sortie, pour laisser à l'affiche Le Voyage d'Arlo, un film d'animation pour enfants qui nous tient à cœur. Mais projeter le prochain épisode de Star Wars permet d'attirer un nouveau public qui n'a pas forcément les moyens d'aller dans des grandes salles. Nos tarifs vont en effet de 3,5 à 7 euros maximum.

C'est un pari de notre part, mais nous avons quelques spectateurs qui ont déjà réservé des places. Il y a un engouement. Et puis, les publics évoluent. Les cinéphiles vont tout autant voir des films d'auteurs que le dernier James Bond. Notre mission n'est pas remise en cause par le fait de diffuser des blockbusters.

Avez-vous eu des difficultés à obtenir le film ?

Non, pas vraiment. Nous sommes très implantés sur le territoire de Saint-Denis, et le multiplex Gaumont installé depuis 1998 s'adresse à un public très différent en ne diffusant quasiment jamais de films en version originale. Nous ne sommes pas en concurrence directe et nous avons de très bons rapports avec les distributeurs qui nous connaissent depuis 30 ans. Ces derniers savent qu'en diffusant leur film dans notre cinéma, nous touchons un public qui n'irait de toute façon pas au Gaumont du Stade de France.

Comprenez-vous la colère des cinémas n'ayant pas eu accès à la fameuse copie ?

Cela peut paraître contradictoire que des salles d'art et essai montent au créneau pour un film comme Star Wars. Il y a toujours eu des films grand public dans les salles d'art et essai, mais aujourd'hui la lutte est devenue très rude pour obtenir la moindre copie. Depuis quelques années, les distributeurs privilégient les très grands groupes qui rassemblent le plus d'entrées. Les petites salles indépendantes ont du mal à faire le poids dans ce rapport de force.

Le paradoxe, c'est que des salles qui défendent le cinéma d'art et essai se mobilisent de façon nationale pour diffuser un film aussi grand public. Mais c'est nécessaire pour la survie de nos salles. Si on ne programme pas des films comme Star Wars, on passe à côté de recettes énormes qui nous permettent de programmer des films moins populaires. Et nous en avons besoin dès les premières semaines, car ce sont les plus lucratives. Sans ces grosses productions qui font beaucoup d'entrées en très peu de temps, c'est la mort assurée. On ne survivra pas avec les films d'auteur, on n'aurait plus qu'à mettre la clé sous la porte.

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