Cannes 2015 : au Marché du film, les "nanars" font recette
Ces "nanars" sont surtout prisés par les chaînes de télévision et les plateformes de diffusion de vidéos à la demande. Les professionnels du créneau en parlent avec lucidité. "Il y a de très bons films de série B, qui valent le coup, et il y a aussi pas mal de merdes", tranche Lawrence Silverstein, vice-président des ventes de la société américaine "Osiris Entertainment".
Dans les travées du Marché du film, des affiches aux couleurs criardes tentent de capter le regard. "House of Bad" (La Maison du mal) raconte l'histoire de trois soeurs en fuite avec une valise d'héroïne volée qui se cachent dans une maison hantée par leurs parents... "Ce n'est pas un film d'horreur génial, mais c'est pas mauvais", juge M. Silverstein.
La comédie d'horreur "Clinger" (Pot de colle) promet de raconter l'histoire d'un adolescent décapité qui revient harceler son amour de jeunesse ... Egalement sur le marché, les prometteurs "3-headed shark attack" (L'attaque du requin à trois têtes) ou "Mom, Tommy made a dinosaur" (Maman, Tommy a fait un dinosaure).
La désaffection pour les DVD et l'engouement pour la VOD (vidéo à la demande) a fragmenté le marché.
Autre tendance, les satires à petits budgets dont les titres font allusion à de grands succès du box-office, genre "White Swann" ou "Apocalypse Pompei". Les studios hollywoodiens apprécient peu. "Ils pensent qu'on cannibalise leur marché, mais ce qui cannibaliserait leur marché ce serait une copie pirate de leur film", souligne David Rimawi, producteur pour la société américaine "Asylum". La société compte un catalogue de 200 films et réalise tous les ans une quinzaine de films dont les budgets oscillent entre 500.000 et 2 millions de dollars, contre plusieurs dizaines de millions pour une grosse production (le dernier Mad Max projeté à Cannes a coûté 150 millions). Elle réalise aussi des films d'horreur décalés, comme son succès "Sharknado", où des requins tueurs arrivent à la faveur d'un ouragan.
Reportage dans les coulisses du Marché du film de Cannes : D.Delahay, F. Cerulli, C.Espanol
Acteurs repérés sur Facebook et Twitter
"Il y a un gros marché pour la VOD en Chine", note Douglas Price, président de "D3 Telefilm". Pour tenter de contourner les quotas imposés par les Chinois sur l'importation de films étrangers, il se lance dans des co-productions. Dans le monde des nanars, la tendance est aussi au repérage d'acteurs via Facebook et Twitter.
Quand Ted Chalmers, president de "Tom Cat Films", a vu sur Facebook la très tatouée Rachelle Nicole Hoffman, il savait qu'elle serait parfaite pour son nouveau film "Angel of Darkness" (Ange des ténèbres). Elle avait 200.000 "amis" sur Facebook (aujourd'hui plus de 330 000) et a finalement interprété une artiste de tatouages possédée par une force démoniaque dans un club sado-maso qui sera tuée par une vierge. "Tous ses tatouages sont des films de zombies, c'était un rêve devenu réalité de l'avoir dans le film", indique-t-il. Grâce à son fan club sur les réseaux sociaux, l'actrice peut en outre faire la promotion du film quand il sort. "J'obtiens des noms d'acteurs et je regarde immédiatement sur Twitter pour voir combien d'abonnés ils ont. Cela devient un critère de casting", confirme David Rimawi.
Cette tendance s'est d'ailleurs développée dans l'ensemble de l'industrie du cinéma. Les producteurs faisaient auparavant tout leur marché dans la base de données d'acteurs IMDB Pro, détrônée désormais par Twitter, selon lui. Pour sa série sur des zombies "Z-nation", il a par exemple embauché Tara Reid, dotée d'un demi-million d'abonnés. Lorsque la série a été diffusée en 2013 sur la chaîne SyFy, 318.000 tweets ont été générés. Reste que les acteurs avec les meilleurs profils sociaux ne détrôneront jamais un dinosaure, tempère Ted Chambers. "Tout se vend avec un dinosaure!".
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