Cannes 2013 : "La Vénus à la fourrure" de Polanski clôt en beauté la compétition
De Roman Polanski (Frabnce), avec : Emmanuelle Seigner, Mathieu Amalric, Louis Garrel - 1h30 - Sortie : non déterminée
Synopsis : Seul dans un théâtre parisien après une journée passée à auditionner des comédiennes pour la pièce qu’il s’apprête à mettre en scène, Thomas se lamente au téléphone sur la piètre performance des candidates. Pas une n’a l’envergure requise pour tenir le rôle principal et il se prépare à partir lorsque Vanda surgit, véritable tourbillon d’énergie aussi débridée que délurée. Vanda incarne tout ce que Thomas déteste. Elle est vulgaire, écervelée, et ne reculerait devant rien pour obtenir le rôle. Mais un peu contraint et forcé, Thomas la laisse tenter sa chance et c’est avec stupéfaction qu’il voit Vanda se métamorphoser. Non seulement elle s’est procuré des accessoires et des costumes, mais elle comprend parfaitement le personnage (dont elle porte par ailleurs le prénom) et connaît toutes les répliques par cœur. Alors que l’« audition » se prolonge et redouble d’intensité, l’attraction de Thomas se mue en obsession…
Roman Polanski a une autre actualité cannoise, avec la projection dans le cadre de Cannes Classic d'un documentaire inédit de sa patte, "Week-end of a Champion", consacré à son ami coureur de Formule 1 écossais Jackie Stewart, filmé lors du Grand Prix de Monaco en 1971.
Huis-clos
Une scène de théâtre, deux comédiens – Emmanuelle Seigner et Mathieu Amalric -, et entre les deux le pouvoir de domination/soumission. Cinéaste du Huis-Clos (« Le Couteau dans l’eau », « Répulsion », « Cul de sac », « Rosemary’s Baby », « Le Locataire », « Carnage »), Roman Polanski n’est jamais allé si loin dans l’épure de ce contexte, mis ici au service d’une approche des rapports entre l’auteur et ses alter ego scéniques. Le théâtre s’offre plus à cet exercice qu’un plateau de cinéma, où la notion d’équipe est plus ample qu’à la scène. Un exercice parfaitement maîtrisé par un réalisateur qui n’a cessé de passer du théâtre au cinéma et inversement.
En raison de cet environnement, il était très judicieux de programmer « La Vénus à la fourrure » comme dernier film de la compétition cannoise. Film sur l’alchimie créatrice, il met en équation ce qui ressort du concept et sa de matérialisation. L’adaptation du roman éponyme de Sacher-Masoch, objet de la pièce, devient le support d’une métaphore autour du dominant présumé (l’auteur) sur son dominé présumé (l’acteur). Le film démontre que la distribution des rôles n’est pas aussi manichéenne, et qu’ils passent de l’un à l’autre, avec une facilité déconcertante.
Le tout et son contraire
Venu du théâtre avant d’être cinéaste, auteur, metteur en scène et comédien, Roman Polanski sait de quoi il parle. Et il en parle bien. C’est la deuxième fois consécutive qu’il adapte une pièce au cinéma, après « Carnage » de Yasmina Reza. L’original, de David Ives, a été joué à Broadway et reste inédite en France. Emmanuelle Seigner – épouse du cinéaste – interprète une actrice en mal d’un rôle qui s’affiche sous un jour superficiel pour finalement s’avérer fulgurante dès qu’elle endosse un rôle. Mathieu Amalric d’abord autoritaire et moqueur va virer sa cuti et devenir l’objet de la comédienne. Tout fonctionne par deux dans « La Vénus à la fourrure », pour au bout du compte révéler une troisième voix, synthétique.
Aussi, Seigner et Amalric, passant d’un sentiment à l’autre et son contraire, développent une palette de jeu d’autant plus vaste, avec justesse, tout en caricaturant subtilement le trait. Et c’est l’humour qui prend le dessus par les situations successives qui s’alternent, et les dialogues souvent d’une drôlerie irrésistible. La mise en scène de Polanski exploite parfaitement l’espace scénique, dynamisant constamment le propos par des trouvailles visuelles, échappant ainsi à tout théâtre filmé. La beauté d’Emmanuelle Seigner que son mari dirige visiblement avec amour, mais aussi un rien d’exhibitionnisme (euphémisme), et la folie de Mathieu Amalric qui, pour l’occasion, s’est fait une tête à la Polanski, font le reste. Ce qui n’est pas rien. Eloquent.
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