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Avec "Rengaine" Rachid Djaïdani filme l'amour comme un "uppercut"

Une histoire d’amour et un mariage entre une jeune algérienne et un homme noir sont-ils possible ? C’est la question que pose « Rengaine », un film signé Rachid Djaïdani qui sera sur les écrans le 14 novembre. Une œuvre sans concessions qui évoque avec beaucoup de vérité les conflits intercommunautaires. Réalisé sans financement, sans scénario, « Rengaine » a mis neuf ans à exister. Il a été présenté à Cannes 2012 lors de la Quinzaine des réalisateurs
Article rédigé par franceinfo - Chrystel Chabert
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Stéphane Soo Mongo et Sabrina Hamida, amoureux contrariés de "Rengaine"
 (Haut et Court)

"Rengaine", l'affiche du film
 (Haut et Court)

L’intrigue est simple : Sabrina, une jeune algérienne émancipée (elle travaille) est amoureuse de Dorcy, un jeune comédien noir et chrétien. Ils veulent se marier. Mais cette future union est loin de plaire à leur famille respective et notamment aux quarante frères de Sabrina. L’un d’eux, Slimane, va tout faire pour s’opposer à ce projet.

En choisissant de filmer les problèmes intercommunautaires et le refus d’un mariage entre musulman et noir chrétien, Rachid Djaïdani aurait pu tomber dans les clichés et les discours bien-pensants. Mais le cinéaste, qui signe avec « Rengaine » son premier long-métrage de fiction, n’a choisi ni la facilité ni la mièvrerie tant dans le fond que dans la forme.

Filmer au plus près des acteurs

Commençons par la forme. Rachid Djaïdani, a choisi de filmer ses acteurs au plus près, n’hésitant pas à faire des gros plans sur eux. L’image est parfois floue et toujours en mouvement car Rachid Djaïdani a tourné caméra à l’épaule en permanence. Soyons honnêtes : ce parti-pris est parfois difficile à apprécier pour le spectateur. Et les dix premières minutes du film sont assez déstabilisantes. « Comme je ne voulais pas avoir d’arrière-plan qui perturbe  le déroulement de l’action » explique le réalisateur, « j’ai adopté le parti-pris d’être en très gros sur les visages…Dans l’épiderme des acteurs se lit toute une histoire». Si on est sceptique sur l’efficacité de ces gros plans chaotiques, on apprécie par contre les autres prises de vue, plus larges, qui vont à l’essentiel, tout comme le montage, qui ne dit pas tout. Il y a quelque chose d’âpre et de violent dans la façon de filmer Rachid Djaïdani, une volonté de montrer les choses telles qu’elles sont : « je n’avais pas envie de me faire plaisir : ce film est un uppercut » dit celui qui fut aussi boxeur. Et comme un boxeur, il est allé au combat pour mener à bien ce film. Neuf ans de travail, 200 heures de rush et zéro financement. Ecriture, tournage, montage, production. Il a tout fait avec une modestie de moyens qui ne lui a pas facilité la vie mais qui va dans le sens de ce qu’il voulait : un film « sans gras, sans fioritures ».

Slimane Dazi dans le rôle du grand frère de Sabrina
 (Haut et Court)


"L'amour en terre hostile"

Vient ensuite le propos du film. Ce rejet quasi viscéral d’une communauté vis-à-vis d’une autre et vice versa. D’où vient ce refus qu’une jeune musulmane épouse un noir chrétien ? Personne ne le sait, c’est comme ça. Rachid Djaïdani ne met pas de longs discours et des arguments dans la bouche de ses personnages. Il montre juste leur façon d’accepter -ou pour certains de refuser- de suivre la tradition. C’est Slimane, le grand frère de Sabrina, qui va cristalliser ce refus. Il fait appel à chacun de ses frères pour voir comment ils réagissent à l’annonce de ce mariage. Des frères tantôt de son côté, tantôt gênés, tantôt agacés, tantôt hypocrites. Slimane le premier, qui vit une histoire d’amour en secret avec Nina, une juive.

Des personnages en proie à leurs contradictions
 (Haut et Court)

De frère en frère, on suit le cheminement physique de Slimane qui marche dans Paris et son parcours intérieur. Rien n’est écrit d’avance et on craint à chaque instant que l’histoire tourne au drame, au geste fatal. Rachid Djaïdine a d’ailleurs inclus une séquence de séquestration qui déroute, horrifie avant de faire sourire le spectateur.

Le réalisateur sait aussi remettre chacun des personnages en face de ses contradictions, qu’ils soient arabes, noirs, juifs, hommes, femmes, mères, frères, ami(es). On est Arabe, pote avec un Noir chez qui on mange et qu’on appelle « mon frère » à tour de bras. Mais impossible d’imaginer que ce même frère puisse demander la main de notre sœur…Et vue de l’autre côté, la réaction sera la même.

Derrière l'amitié, le poids de la tradition et des préjugés
 (Haut et Court)

Heureusement, au milieu de tout cela, il y a la beauté de Paris, la bienveillance d’un grand frère homosexuel ou d’une mama africaine, et la volonté sans faille de Sabrina de vivre sa vie comme elle l’entend.

Au final, "Rengaine" est un film extrêmement attachant, qui bouscule et fait réfléchir. Si les maladresses existent, elles sont supplantées par l'énergie du cinéaste et par des comédiens qui sont parfaitement justes. 
 

Le réalisateur 

Rachid Djaïdani est ce qu'on appelle un autodidacte. Né en 1974 d'un père ouvrier chez Peugeot et d'une mère d'origine soudanaise  il grandit en banlieue parisienne avec dix frères et sœurs. En marge de ses deux CAP, un maçonnerie et un plâtrier-plaquiste, il s’entraine à la boxe et devient champion d’Ile de France.

A 20 ans, il rencontre Mathieu Kassovitz lors du tournage de "La haine", où il est engagé comme vigile. Il va ensuite devenir acteur et jouer des petits rôles ciné et TV. Au théâtre, il rencontre Peter Brook avec qui il a effectuer plusieurs tournées. Il écrit son premier roman, Boumkoeur en 1999, publié aux éditions du Seuil. Un best-seller qui sera vendu à plus de 100 000 exemplaires.

Il publie ensuite "Mon Nerf" et "Viscéral", puis se lance dans le documentaire avec "Sur ma ligne", et "La ligne brune". Avec Rengaine, il a obtenu le prix FIPRESCI de la critique internationale pour les sections parallèles.

Rengaine les avant-premières :

Samedi 3 novembre, festival d’automne de Gardanne, Gardanne, casino, 21h00

Lundi 5 novembre, ugc ciné cite bordeaux, en présence du réalisateur.

Mardi 6 novembre, Lyon, cinéma le Comedia, avant-première en présence du réalisateur.

Mercredi 6-7 novembre, Festival de Montauroux, ciné festival en pays de Fayence .

Mercredi 7 novembre, AVP, Strasbourg Star/ St Ex, en présence du réalisateur.

Hérouville saint clair café des images, 19h30.

Vendredi 9 novembre : Festival ARTE à l’Etoile Lilas, en présence du réalisateur.

Lundi 12 novembre, avant-première à Lille ugc ciné cité.

Lundi 12 novembre, avant-première à Grenoble, le club.

Lundi 12 novembre, avant-première Paris, ugc les halles,20h15.

Lundi 12 novembre, Lyon, cinéma ugc ciné cité confluence, 20h00.

Mardi 13 novembre, Clermont Ferrand les ambiances, 20h00

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