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Après "Quai d'Orsay", ces BD qui mériteraient d'être adaptées au cinéma

On a plein d'idées pour Blake et Mortimer, Akira, Achille Talon et Alix.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
La couverture de l'album "Quai d'Orsay", adaptée au cinéma par Bertrand Tavernier en 2013.  (CHRISTOPHE BLAIN ET ABEL LANZAC / DARGAUD)

Quai d'Orsay, adaptation de la bande dessinée à succès de Christophe Blain et Abel Lanzac, sort sur les écrans mercredi 6 novembre. La semaine passée, Thor 2 et le Transperceneige s'invitaient dans les salles obscures. Avant eux, Boule et Bill, Tintin, Astérix, Michel Vaillant, Blueberry, L'élève Ducobu, Iznogoud ou les Schtroumpfs avaient les mêmes honneurs, longtemps après La famille Illico, première BD adaptée au cinéma, en 1915.

Histoire d'éviter quelques désastres passés, anticipons les prochains classiques du neuvième art qu'on verrait bien dans les salles obscures. Amis producteurs, si vous nous lisez !

L'arlésienne Blake et Mortimer

En 2009, tout semblait bien parti. Un réalisateur espagnol passionné : Alex de la Iglesia. Des acteurs avec le physique de leur personnage : Hugh Laurie en Mortimer, Mark Strong en Olrik, Kiefer Sutherland en capitaine Blake. Un site internet lancé. Un album en béton armé : La marque jaune, considéré comme le meilleur de la série. Et puis Hugh Laurie n'a pas eu le temps, Kiefer Sutherland a trouvé autre chose à faire, le site internet a fermé en catimini et le réalisateur s'est fait discret. Le projet est tombé à l'eau. 

Proposition : qui mieux que le très shakespearien Kenneth Brannagh pour donner corps à l'atmosphère théâtrale de la série d'Edgar P. Jacobs ? Qui mieux que lui pour incarner le docte professeur Mortimer, ses favoris et son éternelle pipe à la bouche ?

L'acteur Kenneth Brannagh à la coupe Cartier de la reine, à Londres, le 17 juin 2012. (JON FURNISS/AP/SIPA)

Pour assurer un minimum de visibilité au film, et parce que Kenneth Brannagh ne peut pas jouer tous les rôles, suggérons Daniel Brühl (Rush) pour le rôle de Francis Blake, Benoît Poelvoorde pour incarner un Olrik sous acide (comme dans la BD) et Niels Arestrup en professeur Septimus, le génie du mal de l'album. Un rôle qui lui va comme un gant : déjà, dans Quai d'Orsay, l'acteur incarne le génie du mal du ministère des Affaires étrangères et, dans Un prophète, le génie du mal de la prison de la Santé.

Sylvester Stallone est Achille Talon

C'est la productrice américaine Lynda Obst qui le dit dans Libération : "Une bonne idée d’histoire trouvée par un jeune scénariste, ça n’existe plus. Les seuls pitchs possibles sont ceux fondés sur une 'IP' ou 'propriété intellectuelle' comme on dit maintenant. (…) On présente notre idée sur un poster, le concept doit tenir en une ligne, avec des chiffres prouvant que l’IP s’est très bien vendue, qu’elle est une marque reconnue dans le monde entier."

Prenez la BD Achille Talon : un concept qui tient en une ligne (un bourgeois bavard et son voisin grincheux) et un succès international (les BD de 46 pages ont été lancées à la demande des lecteurs allemands). En outre, quelques semaines après la publication du premier strip, paru pour remplacer un annonceur qui s'était désisté, René Goscinny, rédacteur en chef de Pilote, appelle le dessinateur, Greg : "Depuis que ton imbécile est dans le journal, tout le courrier des lecteurs parle comme lui. Maintenant tu as deux pages [par semaine] et quinze jours de retard !" Achille Talon est un blockbuster hollywoodien qui s'ignore.

Proposition : quelle est la substantifique moelle du pitch d'Achille Talon ? La guerre des voisins. Le réalisateur Bertrand Tavernier, qui signe Quai d'Orsay au cinéma, explique sur France 5 comment procédait le scénariste Jean Aurenche : "Il faut prendre des romans pas très bons, pouvoir les démolir et pouvoir s'en inspirer. Ainsi, pour Le mariage de chiffon, il ne reste rien du roman de madame Gyp. Il reste une héroïne, un nom, et à partir de là, il va bâtir un des plus jolis films de l'époque de l'Occupation."

Imaginez l'affiche : Sylvester Stallone, qui a déjà incarné cette année un héros de BD, en Achille Talon dur à cuire qui n'hésite pas à jeter des sacs de ciment à la tête de son voisin, le sournois Lefuneste, incarné par Robert Downey Jr., la fine moustache et les lunettes teintées les plus célèbres d'Hollywood. Le côté un rien verbeux (oui, verbeux !) de la BD est mis à profit pour enchaîner les punchlines. Hop !

Akira, pour une adaptation vraiment originale

Chaque année, le forum du cinéma de Monaco décerne le prix de la meilleure BD adaptable au cinéma. Un appel du pied aux studios pour acquérir les droits des bandes dessinées du moment. Un manga comme Quartier lointain a décroché le prix en 2004 avant d'être transposé, pour le grand écran, dans les Alpes françaises au lieu du Japon original. Une grande partie de son charme s'est évaporée avec le changement de pays, le reste a disparu avec les flashbacks, coupés au montage.

C'est aussi ce qui pend au nez d'Akira. Hollywood (et la société de production de Leonardo DiCaprio) a acquis les droits et s'emploie à américaniser l'histoire. Le manga post-apocalyptique qui se déroule dans Neo Tokyo ravagée par une explosion nucléaire à l'horizon 2020 pourrait être transposé dans un Neo Manhattan. Mais le projet, bâti autour du réalisateur espagnol Jaume Collet-Serra, traîne depuis 2007 dans les cartons. Il reste donc un espoir de ne pas le voir jeté aux ordures de sitôt.

Proposition : pourquoi pas un film japonais ? Akira n'est pas qu'un manga ultra-efficace, il traite aussi de la peur d'une guerre nucléaire, omniprésente au Japon, mais assez éloignée des considérations américaines. On peut aussi y voir une métaphore de la reconstruction du pays après la seconde guerre mondiale. Imaginez l'acteur japonais le plus connu, Ken Watanabe, pour incarner le méchant colonel Shikishima, et Keiko Kitagawa, aperçue dans l'épisode tokyoïte de Fast and Furious, pour le rôle de Kay, l'héroïne.

Car lorsque l'on confie les stars du manga à Hollywood, ça donne le calamiteux Dragon Ball Evolution, avec une histoire qui n'a plus rien à voir avec le scénario original et des personnages à peine ressemblants. 

Alix, ce beau gosse qui s'ignore

En plus d'être une bonne BD, Alix était le conseil lecture de votre prof de latin quand vous étudiiez la vie à Rome. Moins rébarbatif qu'un ouvrage savant sur la question, la fresque très documentée de Jacques Martin permettait de se familiariser avec le monde romain un peu plus sérieusement qu'avec Astérix.

Mais les aventures du jeune Gaulois, flanqué de son ami égyptien Enak, feraient aussi d'excellents films d'aventure, entre quête au trésor et machinations politiques. Les séries comme Rome ou Spartacus l'ont montré : le succès de Gladiator en 2000 n'était pas qu'un feu de paille. Bref, il est plus que temps de faire un film divertissant et historiquement irréprochable, pour faire taire les critiques qui clamaient sur France Inter, en 2012 (à 38'11) : "Je n’ai rien contre la BD, mais c’est quand même pas le genre littéraire le plus lumineux…"

Proposition : je suis un héros gaulois fraîchement sorti de l'adolescence, avec une certaine prestance et la propension à tout sacrifier pour sauver la veuve et l'orphelin… je suis, je suis…Vincent Lacoste, héros du film Les beaux gosses (adapté d'une BD, déjà) ! Pourquoi ne pas lui adjoindre son comparse du film de Riad Sattouf, Anthony Sonigo, dans le rôle d'Enak ?

Les deux héros boutonneux des "beaux gosses", de Riad Sattouf (2009). (PATHE DISTRIBUTION)

Et derrière la caméra ? Le site Universalix avait pensé, pour son poisson d'avril 2013, à Luc Besson et Wolfgang Petersen (Troie). Ce sera sans doute plus rythmé que les cinq adaptations de la Bible actuellement en chantier.

Les BD que vous verrez bientôt en salles

Au rythme où sont adaptées les bandes dessinées (4 000 en 2004 selon le site spécialisé IMDB, 14 000 aujourd'hui), la liste des classiques oubliés par le 7e art devrait rétrécir rapidement. Sont en chantier, entre autres : un Benoît Brisefer avec Gérard Jugnot et Jean Reno, une adaptation du Tueur par David Fincher (Seven, House of Cards) ou encore un Valérian signé Luc Besson (il doit bien ça aux auteurs, qui l'ont bien aidé sur le Cinquième élement).

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