Mort d'Alain Delon : l'homosexualité, les femmes, les violences conjugales... Quand l'acteur multipliait les prises de parole polémiques
La mort d'Alain Delon, dimanche 18 août, a suscité une vague d'hommages, de la part de personnalités comme de milliers d'anonymes. Mais la presse, ainsi que certains observateurs, n'ont pas manqué de rappeler les nombreuses prises de position discriminantes de l'acteur star, qui s'est aussi distingué par des propos racistes, homophobes et sexistes. Libération estime, par exemple, qu'il était le "pur fantasme pour tous les réacs de l'Hexagone, leur Clint Eastwood à eux", le qualifiant de "libre, macho, sauvage, farouchement individualiste (...) mais 'patriote avant tout'."
Des propos qui font écho à la polémique née en 2019 au Festival de Cannes, qui lui remettait une Palme d'or d'honneur. Des associations féministes s'y étaient opposées et une pétition avait recueilli près de 30 000 signatures. "Pas d'honneur pour les agresseurs", avait déclaré le collectif "Osez le féminisme". "Aucun talent d'acteur ne rachète une vision du monde si étroite. Il n'y a pas de place dans un événement de cette envergure pour les racistes, les sexistes et les homophobes", dénonçait le texte. "On ne remet pas le prix Nobel à Delon, c'est une Palme d'honneur pour sa carrière. Le Festival condamne certains propos, mais pas la liberté d'expression", avait alors répondu le délégué général du Festival de Cannes, Thierry Frémaux. Mais qu'a déclaré Alain Delon pour que la presse, à l'heure des hommages, rappelle qu'il était aussi "grand acteur" que "grand réactionnaire" ?
"Je suis fasciste, si vous voulez"
Interrogé sur sa vision politique par le magazine L'Express en 1977, Alain Delon est qualifié d'"homme d'ordre" par le journaliste, avant d'être repris par l'acteur : "Fasciste, disons le mot. Je suis profondément anticommuniste, c'est tout. Dès qu'on dit quelque chose, on est étiqueté. Alors bon, je suis fasciste, si vous voulez, tant pis."
Alain Delon a manifesté à de nombreuses reprises son soutien à Jean-Marie Le Pen, qu'il considérait comme un ami, sans toutefois jamais appeler à voter pour le Front national, ni pour le Rassemblement national. Mais en 1984, dans Paris Match, il déclarait à propos du fondateur du FN : "C'est un ami. (...) Il dit tout haut ce que beaucoup de gens pensent tout bas." En 1987, il affirmait sur Antenne 2 : "L'extrême droite, c'est quand même la droite", ajoutant être "très sympathisant de M. Le Pen". L'acteur, qui a plusieurs fois déclaré avoir "toujours été gaulliste", a soutenu Valéry Giscard d'Estaing puis Raymond Barre ou Nicolas Sarkozy aux élections présidentielles, rappelle Libération.
En octobre 2013, dans le quotidien suisse Le Matin, Alain Delon comparait la progression du MCG, parti d'extrême droite suisse, à celle du Front national. "Le Front national, comme le MCG à Genève, prend une place très importante et ça, je l'approuve, je le pousse et le comprends parfaitement bien." Ses déclarations lui ont valu un rappel à l'ordre de l'organisation Miss France, dont il présidait le jury du concours depuis 2011. "En 2013, après plusieurs déclarations polémiques par lesquelles il fait état de son soutien au Front national, je dois rappeler par communiqué : 'Nous demandons au jury de l'élection, ainsi qu'aux candidates elles-mêmes, de ne pas faire état de leur couleur politique, religieuse et idéologique'", écrivait la directrice du concours, Sylvie Tellier. Alain Delon s'était ensuite démis lui-même de ses fonctions après ce communiqué.
Revenant sur ces prises de position politiques, il avait conclu : "On a voulu me coller l'étiquette extrême droite parce que j'ai raconté que j'étais copain avec Le Pen depuis l'armée. Non, je suis de droite, point", dans une interview accordée au JDD en 2019.
L'homosexualité, "c'est contre-nature"
Pour la première émission de la rentrée pour "C à vous" sur France 5, en septembre 2013, la nouvelle animatrice, Anne-Sophie Lapix, reçoit Alain Delon et le confronte à ses propos tenus dans Le Figaro Magazine. Il y regrettait la disparation des "modèles masculins" dans le cinéma et la société française. "Je ne suis pas contre le mariage gay, je m'en fiche éperdument, mais je suis contre l'adoption des enfants. On va encore me dire que je dois m'adapter et vivre avec mon temps… Eh bien, je vis très mal cette époque qui banalise ce qui est contre-nature. Quitte à passer pour un vieux con, ça me choque !", déclarait-il.
Devant Anne-Sophie Lapix, l'acteur ne renie pas ses propos : "Il n'y a plus de différence, il n'y a plus de respect maintenant. Je suis désolé de le dire. Je n'ai rien contre les gays qui se mettent ensemble, mais, pour moi, c'est contre-nature. On est là pour aimer une femme, pour courtiser une femme, pas pour draguer un mec ou se faire draguer par un mec."
Ces propos homophobes avaient surpris sa propre fille, Anouchka, présente sur le plateau. "Tu ne dis pas que l'homosexualité est contre-nature, peut-être le mariage ?", avait-elle tenté. Elle avait ensuite pris ses distances, en tweetant : "Les propos tenus par mon père ne concernent que lui, et n'ont aucun rapport avec les causes que je défends."
"De plus en plus de femmes sont devenues des hommes"
Dans la même interview donnée au Figaro Magazine en 2013, Alain Delon ajoutait aussi des propos sexistes. "J'en connais effectivement qui disent qu'il n'y a plus de mecs... Il y en a moins parce que de plus en plus de femmes sont devenues des hommes. Les femmes se sont battues pour avoir des droits, elles ont eu ce qu'elles voulaient, très bien… Mais pourquoi aller jusqu'à se comporter comme des hommes, pourquoi vouloir leur ressembler ?", répond l'acteur.
"Il faut faire attention aux limites, aux équilibres entre hommes et femmes", ajoutait-il. Pour Alain Delon, les femmes essayent de dissimuler et gommer leurs "qualités féminines". "Il fut un temps où, dans la rue, on distinguait les hommes et les femmes, maintenant, on ne sait plus qui est qui. Les rôles sont moins définis, ils se sont parfois même inversés, comme avec le congé paternité", développe l'acteur. Selon lui, les femmes incarnant "l'essence même de la féminité" sont Brigitte Auber, Michèle Cordoue, Romy Schneider, Mireille Darc, ou encore les Miss France. "Une vraie femme qui a l'air d'une femme...", ajoute Delon.
"Le Kenya est un pays de quelle race ?"
Alors que la chaîne France 3 diffusait, en novembre 2015, un documentaire intitulé Alain Delon, cet inconnu, l'acteur donnait une interview à TV Magazine. Le journaliste faisait réagir Alain Delon sur la polémique du moment impliquant Nadine Morano, candidate à la primaire des Républicains. Dans un débat sur l'immigration dans l'émission "On n'est pas couché" sur France 2, elle avait déclaré que la France était un "pays de race blanche". Cette déclaration lui avait valu les foudres de Nicolas Sarkozy, alors président du parti les Républicains, qui l'avait ensuite privée de son investiture aux élections régionales.
"Je n'ai pas envie de juger ou d'en discuter. Juste une question : le Kenya est un pays de quelle race ? Les gens sont noirs. C'est une polémique ridicule, grotesque, qui n'a aucun sens. Elle a des c*** de tenir comme elle tient et de dire : 'Je vous emmerde tous, je dis ce que je pense et je continuerai à le dire.' Chapeau !", avait défendu Alain Delon.
"Si une gifle, c'est machiste, oui, j'ai dû être machiste"
En 2013, son fils, Alain-Fabien Delon, rapportait dans les colonnes de Vanity Fair Italia que sa mère, Rosalie van Breemen, avait subi des violences physiques, alors qu'il était enfant et vivait encore à Douchy, dans le Loiret. "Huit côtes cassées et un nez fracturé par deux fois. Méritait-elle tout cela ?", demandait-il. Des déclarations démenties par Alain Delon dans Le Parisien : "Ce sont des insanités. Mon fils est complètement paumé et ne donne des interviews à sensation que pour l'argent."
L'animatrice Catherine Ceylac recevait Alain Delon en novembre 2018 pour l'avant-dernière émission de "Thé ou café". Interrogé sur ses relations avec les femmes et sur de potentiels comportements machistes, Alain Delon répondait alors : "Machiste ? Ça dépend de ce que vous appelez machiste. Si une gifle, c'est machiste, oui, j'ai dû être machiste. Mais j'en ai reçu moi aussi des gifles, même de la part de femmes !"
Rosalie van Breemen n'a jamais pris la parole à ce sujet. Mais d'autres membres de la famille ont témoigné de violences. En 2022, le fils aîné de l'acteur, Anthony, racontait dans son autobiographie, Entre chien et loup, avoir été fouetté pour s'être mal tenu à table à l'âge de 10 ans.
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