Il y avait "une paralysie généralisée" autour du comportement d'Harvey Weinstein
Charles Gillibert, producteur de cinéma ayant eu affaire à Harvey Weinstein, laisse entendre, vendredi sur franceinfo, que les agissements du magnat d'Hollywood étaient connus de tous.
Pour le producteur de cinéma Charles Gillibert, invité vendredi 13 octobre sur franceinfo, Hollywood "est un milieu extrêmement machiste qui fonctionne de manière très virile", a-t-il expliqué en plein affaire Harvey Weinstein. Le producteur nommé aux Oscars pour le film Mustang a estimé qu'aux Etats-Unis, "on est dans un environnement dans lequel on a des jeunes filles vulnérables face à des hommes tout pouvoir".
Les accusations pleuvent contre le magnat d'Hollywood Harvey Weinstein, depuis une enquête du New York Times, publiée le 5 octobre 2017, accusant le producteur hollywoodien de harcèlement sexuel pendant des années. Il est aussi accusé de viol et est désormais visé par une enquête policière à New York et au Royaume-Uni.
franceinfo : Avez-vous rencontré Harvey Weinstein ?
Charles Gillibert : Je l’ai croisé à plusieurs reprises. J'ai eu à négocier avec lui sur le film "On the road". Tout le monde savait qu’il était extrêmement offensif avec les jeunes filles. Il avait ce comportement en soirée. J’avais notamment discuté avec une de ses collaboratrices qui m’expliquait qu’elle était très contente de changer de poste dans l’entreprise parce qu’elle n’aurait plus à faire ce "travail". Pour donner une idée de cette paralysie généralisée, j’avais un ami dont sa petite amie avait rendez-vous avec Weinstein à Cannes et racontait : "Elle est sortie du rendez-vous, elle a réussi à gérer, c’est bien, mais elle est un peu secouée." C’est dire à quel point c’était installé.
Pourquoi cet homme était aussi puissant dans le monde du cinéma ?
C’est un producteur qui a lancé beaucoup de réalisateurs et d’acteurs d’Hollywood, comme Tarantino, Ben Affleck ou encore Matt Damon. Tout un tas de réalisateurs, d’acteurs, de producteurs lui doivent leur arrivée dans l’industrie du cinéma. Il a aussi vraiment mis la main sur les Oscars. Quand Weinstein décidait de faire gagner un film, il y avait de fortes chances qu’il aille au bout. Il a un peu créé cette façon de faire campagne autour des Oscars.
Est-ce parce qu’il était aussi omnipotent que personne n’a rien dit ?
Je compare cela à une famille avec une espèce de vieil oncle dégueulasse qui se balade et à qui on n’ose pas dire de ne pas faire ce qu’il fait. Après, j’ai le sentiment que, depuis peut-être trois ou quatre ans, il était beaucoup moins présent sur le marché. Sur les films importants, quand on essayait de vendre un film aux Etats-Unis, on avait coutume de dire : "Il faut qu’on mette Weinstein dans la boucle parce qu’il est capable de monter très haut". Il animait le marché comme ça. Là, je ne l'ai pas vu. Je me demande donc si cela ne fait pas quelques années qu’ils savaient que ça allait leur tomber dessus.
Est-ce un cas isolé ?
D’abord il y a Hollywood. C’est un milieu extrêmement machiste qui fonctionne de manière très virile : des actrices sous-payées, des femmes qui ne sont pas présentes aux responsabilités, un vocabulaire très difficile à entendre autour des femmes. On a été nourri avec des films très rétrogrades sur la position de la femme pendant un siècle à peu près. Ces fictions qui nous racontent que les femmes sont la prime du succès ont une réalité qui est l’industrie du cinéma américain.
D’autres scandales pourraient éclater ?
Je pense vraiment qu’Harvey Weinstein était le symbole de ce qui est en train de se passer. Maintenant, il y a quelque chose de systémique dans le fait d’avoir d’un côté, des jeunes filles qui cherchent à être connues, à faire leur travail mais avec tout ce que l’on connaît que le cinéma projette. Tandis que de l’autre côté, il y a des hommes tout pouvoir qui sont un peu la barrière d’entrée dans ce monde-là.
En France, comment ça se passe, il y a des Harvey Weinstein ?
Pas à ma connaissance. En France, il y a quelque chose d’un petit peu différent. Aux Etats-Unis, le producteur est extrêmement intrusif. Il a la main sur les films, il peut placer des acteurs beaucoup plus facilement qu’en France où c’est plutôt le réalisateur qui a ce type de choix et qui a le pouvoir. À ma connaissance, il n’y a pas d’autres situations de ce type. Maintenant, encore une fois, on est dans un environnement dans lequel on a des jeunes filles vulnérables face à des hommes tout pouvoir avec tout ce que cela peut générer dans le cinéma comme dans une autre industrie. Il y a donc des personnes qui ont la responsabilité de ces situations. C’est le producteur en général qui doit s’assurer que quand il y a un casting avec des jeunes filles, que les choses soient faites correctement, soient bien encadrées.
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