Affaire Weinstein : "On ne voit pas comment ce type de pratique pourrait disparaître" dans le milieu du cinéma
Après l'exclusion d'Harvey Weinstein, accusé de viols et de harcèlement sexuel, de l'Académie des Oscars, Geneviève Sellier, professeur émérite en études cinématographiques, dénonce un milieu "machiste" qui n'est pas prêt de changer.
L'Académie des Oscars a exclu, samedi 14 octobre, le producteur hollywoodien Harvey Weinstein, accusé de viols et de harcèlement sexuel par plus d'une dizaine de femmes. Geneviève Sellier, professeur émérite en études cinématographiques à l'université Bordeaux Montaigne, ne voit pas comment ce genre de comportement pourrait disparaître dans un milieu aussi "machiste".
franceinfo : Harvey Weinstein a été exclu de l'Académie des Oscars. On voit difficilement comment il aurait pu en être autrement ?
Geneviève Sellier : Oui, c'est à la mesure de l'ampleur du scandale et de l'éminence de cette personnalité. On parle quand même du producteur le plus "oscarisé" de l'histoire d'Hollywood. Il s'agit de sauver les meubles.
Est-ce qu'un communiqué plus immédiat n'aurait pas été le bienvenu ?
Non, je pense que cette mesure s'imposait. Il faut rappeler que les scandales se succèdent dans l'Académie des Oscars. L'année dernière, a été soulevé le problème de l'absence d'acteurs afro-américains dans les nominations, qui a amené des dénonciations et des boycotts. L'Académie des Oscars est fragilisée par cette suite de scandales et il fallait absolument qu'elle réagisse de manière forte. Cette mesure me paraît évidente.
Ce communiqué dit que la complicité est terminée avec les prédateurs sexuels. Est-ce que les mots sont suffisamment forts, selon vous ?
Oui, mais c'est un vœu pieux. L'idée que ces pratiques seraient désormais interdites est un voeu pieux, étant donné le fonctionnement de l'industrie américaine. C'est un secteur marqué par l'ultra-libéralisme. On ne voit pas comment ce type de pratique pourrait disparaitre, étant donné qu'elles sont constitutives d'un milieu professionnel particulièrement, où la domination masculine n'est pas freinée par les diplômes dont les comédiennes pourraient se prévaloir. Les femmes sont particulièrement vulnérables. Elles ne vendent pas leur force de travail, même si elles pensent le faire, mais leurs capacités de séduction.
Est-ce que c'est sain que les choses se disent enfin ?
Oui, il faut absolument souligner le fait que les comédiennes américaines se défendent depuis quelques années et plus énergiquement que les françaises. Parce que le système est plus brutal. Aux États-Unis, les rapports sociaux de sexe sont plus brutaux qu'en France, mais en même temps, la conscience de la domination masculine est plus aïgue. Depuis les années 1970, les américaines, d'un point de vue militant, intellectuel et académique dénoncent de manière beaucoup plus vigoureuse cette question de la domination masculine et notamment le harcèlement sexuel.
Dans l'art, on entend des gens dire qu'il faut séparer l'artiste de l'homme. Parfois, certains prennent la défense des personnes accusées. Cela prouve qu'il y a une gêne ?
C'est une spécificité française. C'est l'idée que l'artiste a tous les droits. Cette idée-là n'existe pas aux États-Unis, parce que le cinéma est perçu comme un show-business. C'est une des raisons pour lesquelles en France, dans le domaine du cinéma, ce type de scandale a plus de mal à émerger. L'omerta joue davantage, parce qu'en France, le cinéma est considéré comme un art. Et l'artiste est considéré comme au-dessus des lois.
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