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Tintin et les parcs à thème, des attractions contraires

Une exposition de prestige rend hommage à Paris au reporter à la houppette et à son créateur. Une icone de la BD qui, contrairement à d'autres héros, n'a jamais eu droit à son parc à thème. Un incongruité ?

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
L'exposition Hergé au Grand Palais, à Paris, le 26 septembre 2016. (CHRISTOPHE PETIT TESSON / EPA)

Le Trocadéro en 1999. Le Centre Pompidou en 2006. Son propre musée en 2009. Et maintenant, le Grand Palais, saint des saints de la culture avec un grand C, du 28 septembre au 15 janvier. Le tableau de chasse posthume d'Hergé, le créateur de Tintin, a de quoi faire pâlir d'envie plus d'un artiste. Sans parler des milliers d'exégèses de l'œuvre - on en recense près de 400 - et des produits dérivés réservés aux portefeuilles bien garnis...

Demeure un curieux manque : pourquoi Tintin ne bénéficie-t-il pas d'un parc d'attractions digne de ce nom ? Quand Astérix en dispose d'un depuis 1989, quand celui à la gloire de Spirou et des héros estampillés Dupuis (Marsupilami, Lucky Luke, Gaston Lagaffe) ouvrira en 2017 dans le Vaucluse. Et alors que les licences de Blake et Mortimer et de Valérian ont été acquises par le projet de parc Heroic Land à Calais, rien de neuf sous le soleil de Moulinsart... Franceinfo revient sur les différents échecs, faute de projets ad hoc. 

Le projet avorté de Tintinville

L'année où son personnage entre au musée Grévin, en 1961, Tintinville voit le jour dans l'arrière-pays niçois, à Coursegoules (Alpes-Maritimes). Hergé, son éditeur Raymond Leblanc et une poignée d'investisseurs achètent, pour une bouchée de pain, 53 hectares de terre nichés sur la commune. Soit plus que la surface du parc Disneyland ouvert par Walt Disney à Anaheim (Californie) six ans plus tôt.

Oubliez les montagnes russes, le projet consiste plutôt en un camp de loisirs inspiré des aventures de Tintin. La réclame insérée dans le magazine éponyme cet été-là vante l'air "vivifiant" et la mer "à trois quarts d'heures de voiture". Mais pas que : "Des moniteurs se chargeront de vous transformer en cow-boys ou en héros des aventures de Tintin." 

Une piste de karting, un héliport et 200 bungalows (le plus luxueux baptisé Moulinsart, raconte Nice Matin) figurent dans le projet initial... qui tourne court après quelques années. Il ne reste aujourd'hui plus rien des installations et Coursegoules a loupé son destin à la Marne-la-Vallée, où est installé le parc Disneyland Paris, pour ne compter, au dernier recensement, que 450 habitants.

Le mariage raté avec Walibi

Deuxième tentative dans les années 1970. Hergé, qui ne produit plus qu'un album par décennie, se lance dans une collection d'art contemporain, mais ne néglige pas le destin de son personnage. Son modèle, c'est Disney. Après avoir essuyé un refus des studios de Burbank pour animer son personnage à la télévision - Tintin est jugé "trop britannique", si, si - Hergé missionne Bob de Moor et Guy Dessicy, ses plus proches collaborateurs, à Disneyland, raconte le livre Bob de Moor : de klare lijn en de golven (en flamand)

Quelques années plus tard, une série d'attractions estampillées Tintin voient le jour dans le parc belge de Walibi. Dont une baptisée Le secret de la Licorne, fortement inspirée de la balade en bateau de Pirates des Caraïbes, une course de chevaux mécaniques tout droit tirée de Tintin en Amérique ou le Tintin Show, un film en 3D impressionnant... pour l'époque. Dans les années 1990, Walibi perd la licence Tintin et doit modifier toutes les attractions. Les pirates du Secret de la Licorne sont ainsi décapités et couverts de faux sang pour une attraction horrifique, raconte (révolté) le site Tintinologist (en anglais). Quand au Tintin Show, il a depuis été supplanté par Bob L'Eponge.

L'explosive affaire de la fusée d'Angoulême

Fort du succès de son festival, Angoulême entend capitaliser sur son statut de capitale de la BD. En 2001, les élus de la ville, de la communauté d'agglomération, du département de la Charente et de la région saisissent l'occasion d'acheter les droits de la célèbre fusée lunaire à damier rouge et blanc, cédés par Moulinsart 250 000 euros pour vingt ans (plus 5% sur les recettes d'exploitation). Leur idée : bâtir un "pôle ludique" pour attirer le bédéphile (et sa famille) en dehors du dernier week-end de janvier. Environ 65% des Angoumoisins soutiennent le projet, indique un sondage publié dans La Charente Libre. Les 1,4 milliard de francs budgétés (200 millions d'euros environ) ne font pas encore peur aux contribuables. 

Les choses se gâtent quand il s'agit de trouver un site où installer le parc. Le premier terrain est recalé par la préfecture, car situé en zone inondable. Les écologistes font barrage à toute zone où la fusée de 53 m de haut (trois fois plus petite que dans la BD, mais n'empêche) défigurerait le paysage. Le second terrain, proposé par l'Etat à la communauté d'agglomération, est déclaré impropre à recevoir le public. Les sols sont gorgés de gaz moutarde, d'ammoniac ou encore d'obus. Précédente occupante des lieux : la société nationale de production d'explosifs... Le projet est abandonné en 2004, laissant une ardoise de 400 000 euros, déplore Actua BD.

Le musée Hergé... victime d'un parc à thème

Le musée Hergé, situé à Louvain-la-Neuve (Belgique), le 10 mai 2014. (BLANCHOT PHILIPPE / HEMIS.FR)

Le musée Hergé a vu le jour à Louvain-la-Neuve (à 35 km au sud de Bruxelles) en 2009. Majestueux "paquebot échoué" auquel on accède par une passerelle, dessinée par l'architecte Christian de Portzamparc. L'œuvre du maître y est mise en valeur dans une muséographie soignée, mais réservée aux adultes. Il n'y a qu'à juger de la hauteur des cadres pour constater que les enfants n'y ont pas vraiment leur place. Les seuls qu'on entend sont ceux de l'école primaire située juste à côté, à l'heure de la récréation. "Fanny Rodwell [la veuve d'Hergé] a choisi de rendre hommage à un artiste et non de proposer un parc d'attractions à la Disney", se félicitait le biographe d'Hergé Benoît Peeters, dans L'Express.

Comme tous les projets liés à Tintin, il a fallu trois bonnes décennies de gestation, une embrouille avec les élus bruxellois qui convoitaient le projet, pour accoucher d'un bel objet à la fréquentation déclinante (80 000 visiteurs en 2015, selon La Croix, contre 300 000 prévus). A quelques kilomètres de là, le parc Walibi - celui-là même qui proposait les attractions Tintin quinze ans plus tôt - attire plus d'un million de visiteurs par an. Caramba, encore raté !

Dernière rumeur en date : la présence d'attractions Tintin dans un parc à thème développé par le studio Universal... à Londres, aux côtés de Wallace et Gromit ou de Docteur Who. 

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