La BD, nouvel eldorado des collectionneurs... et des maisons d’enchères
Comment expliquez-vous ce nouvel intérêt des collectionneurs et des maisons d’enchères pour la BD ?
C’est un marché émergent assez singulier car associé jusqu’à présent à la sous culture. Et à la sous culture on ne peut pas imaginer qu’il y ait une dimension économique. Le destin de la BD, c’était de publier et voilà qu’il y a de plus en plus d’expositions et de plus en plus de ventes. C’est vraiment l’émergence d’un nouveau marché qui est en train de se structurer, un marché qui a encore beaucoup à faire en termes de maturité. Grosso modo il y a ce que j’appelle une Dream Team, des artistes qui trustent les premières places ( Hergé, Enki Bilal et à part égale Franquiin et Hugo Pratt), ensuite il y a un ventre mou et l’on retrouve des artistes qui à mon avis sont très sous côtés (Jacques de Loustal, Lorenzo Mattotti et Philippe Druyer par exemple). L'engouement vient aussi de la prise de conscience des maisons de ventes les plus prestigieuse, de la possibilité d'être dans l'air du temps en terme de communication, et de visibilité.
C’est également la prise de conscience qu’il s’agit là d’artistes « complets » ?
On pourrait faire le parallèle avec l’art brut, très longtemps méprisé. On s’est aperçu qu’un certain nombre d’artistes avaient beaucoup de valeur. Pour la bande dessinée, c’est la même chose, il y a une grande ignorance de ce que sont les plus grands auteurs de bandes dessinées. Quand on regarde les planches d’Hergé, certains dessins de Moebius ou d’Enki Bilal mais aussi d’artistes que nous allons présenter comme Lorenzo Mattotti et dans la nouvelle génération Michael Matis, on s’aperçoit que ce sont de plus en plus des plasticiens. La frontière entre la bande dessinée et une certaine forme d’art contemporain est de plus en plus ténue.
Citez nous 3 pièces majeures de cette vente ?
Une pièce d’Hergé, le référent absolu. Nous avons deux très belles pièces : un hors- texte à l’encre de Chine tiré du « Crabe aux pinces d’or », réalisé en 1944 pour un album à colorier, et la double de « Tintin et l’étoile mystérieuse ». Je pense également à une toile de Jean- Marc Rochette, un auteur de bande dessinée reconnu dans les années 80, et qui est passé depuis 3 ans à la peinture. Et puis je mettrai aussi une œuvre de Lorenzo Mattotti, dans la mesure ou il incarne cette capacité des auteurs à être de plus en plus des plasticiens. Faire connaitre ces nouveaux artistes, ce sera le challenge de cette vente.
Peut-on comparer le marché de la BD à celui de la photographie en plein développement ?
Oui tout à fait. Ils ont le même développement et la même suspicion de départ. La photo était faite pour être multiple et elle est finalement originale. Les premiers collectionneurs de photos étaient regardés comme de joyeux illuminés.
La gouache d’Hergé « Tintin en Amérique » vendu 1,3 millions d’euros le 2 juin, c’est un prix justifié ?
Justifié parce qu’il appartient au patrimoine de l’art contemporain. Cela s’explique pour des raisons historiques et artistiques. Historique parce qu’Hergé est l’auteur de bande dessinée qui va faire basculer la BD dans une réflexion artistique, plasticienne. Au fur et à mesure de temps il va se rapprocher de plus en plus de l’art contemporain, avoir une vraie compréhension de ce qu’est le graphisme. Et puis il y a très peu de gouaches d’Hergé. Il réalisait très peu de dessins en couleurs directes. Il passait beaucoup par un système de films. Je crois qu’il n’y a 2 ou 3 pièces "Du Petit Vingtieme" qui sont réalisées à la gouache Ce sont des pièces extrêmement rares et puis il y a cette valeur symbolique, la capacité de la BD à monter en puissance puisque c’est une pièce qui avait été vendu une première fois par nos confrères d’Artcurial 770 00 euros et qui 4 années plus tard est parti pour 1,3 millions d’euros.
4 juillet, 14h30.
76 rue du Faubourg-Saint- Honoré, Paris 8e
Tél 01 53 05 53 05
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