"L'une d'elles" : les violences sexuelles dans un album BD éclairant, signé Una
"Le temps des années 70 semblèrent un monde douillet, mais c'était une décennie turbulente", raconte la narratrice, avant d'énumérer les événements qui jalonnent l'actualité de son enfance : l'IRA, la rage, les détournements d'avions, les émeutes raciales, les grèves, les hooligans… Et pourtant.
En 1975, Una a 12 ans. Elle grandit dans une maison de la banlieue de la région du Yorkshire. Elle a une petite sœur, des parents qui prennent soin d'elle. Petite fille rêveuse elle occupe ses journées à jouer au père Noël quand la date approche, ou bien elle déambule sur la plage en s'imaginant être un personnage de roman. "Mes années 70 consistaient à regarder Blue Peter et à tremper des sucettes dans des sachets de poudre pétillantes", dit-elle.
1975 fut pourtant une année mouvementée pour Una, et pour le Yorkshire. Plusieurs cadavres de femmes sont retrouvés dans la région. Elles sont toutes des femmes isolées, la plupart des prostituées. Elles ont toutes été tuées de la même manière, à coups de marteau sur la tête. 1975 est aussi l'année où Una rencontre un homme nommé Damian, le premier à l'agresser. Il y aura ensuite Terry, puis plus tard Théo.
Les dessins pour dire ce que les mots ne peuvent pas dire
En décortiquant l'enquête mal faite sur l'affaire de l'éventreur du Yorkshire et en interrogeant sa propre histoire, Una explore les mécanismes qui entretiennent les violences faites aux femmes.La question du consentement, la culpabilité des victimes et leur souffrance muette, la banalisation, la catégorisation des femmes dans l'esprit de tous, avec cette idée que certaines mériteraient plus que d'autres d'être agressées (les "salopes" et les autres)… Loin des clichés, Una scanne la question avec pudeur et sans tabou, creuse le sujet avec sérénité et détermination, et pose un diagnostic édifiant sur le rapport à cette question dans la société y compris et encore aujourd'hui.
La narration, exemplaire, qui mélange autofiction et travail documentaire, est servie par un graphisme sensible et efficace, qui alterne dessin au trait stylisé et planches plus picturales de la nature. Des dessins d'où jaillit ce que les mots ne disent pas.
Un très beau livre, à partager largement.
"L'une d'elles", Una, traduit de l'anglais par Hélène Duhamel (208 pages - 20 euros - sortie le 16 mars)
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