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Tintin : adjugé plus de 3 millions d'euros, un dessin pour la couverture du "Lotus Bleu" bat un record pour la bande dessinée

Le premier dessin d'Hergé pour la couverture du "Lotus bleu" a été vendu 3,175 millions d'euros chez Artcurial, un record.

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le dessin d'Hergé pour la couverture du "Lotus bleu", finalement abandonné, exposé chez Artcurial avant d'être vendu aux enchères, le 13 janvier 2021 (MICHEL EULER/AP/SIPA / SIPA)

Un dessin d'Hergé pour la couverture de l'album de Tintin Le Lotus bleu a battu jeudi 14 janvier le record mondial d'enchères pour la bande dessinée, avec 3,175 millions d'euros frais compris, a annoncé la maison Artcurial.

Vendu par la famille Casterman à Paris, ce dessin de 1936, à la gouache et aquarelle, jugé finalement trop fin et complexe pour l'impression de la bande dessinée, était réapparu mystérieusement, longtemps après avoir été offert par le dessinateur belge au fils de l'éditeur Louis Casterman, Jean-Paul, selon les héritiers.

Le dessin bat le record de 2014

Tintin vêtu à la chinoise émergeant d'une jarre, nargué par un inquiétant dragon rouge : le génial dessin créé par Hergé en 1936 pour la couverture du Lotus bleu, une "pièce exceptionnelle" à l'histoire mystérieuse, était estimée à plus de deux millions d'euros.

Ce petit dessin exquis à l'encre de Chine, gouache et aquarelle dépasse donc le record de 2014 qu'avait atteint le dessin des pages de garde des albums de Tintin, vendu 2,51 millions d'euros (frais inclus) par la même maison de ventes française. Il était alors le dessin original de BD le plus cher jamais adjugé dans des enchères.

Dans la "tintomania" ambiante qui règne depuis les années 1990, les planches dessinées par Hergé atteignent des sommets. En 2016, une planche d'On a marché sur la lune était partie pour 1,55 million d'euros.

Un des chefs-d'œuvre d'Hergé

Le Lotus Bleu est un des chefs d'oeuvre du dessinateur belge. L'album marque un tournant dans sa création. C'est celui "de sa maturité narrative et politique, pour laquelle il se documente en véritable journaliste", selon Artcurial. Les planches paraissent en 1934-35 dans la revue le Petit-Vingtième, avant la publication de l'album en 1936.

Georges Rémi alias Hergé se passionne pour la Chine après sa rencontre avec un jeune diplomé de l'Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles, Tchang Tchong-Jen, avec lequel il noue une amitié à vie. Après les fantaisies et aventures rocambolesques des premiers albums au style boy scout, Georges Rémi adopte un registre plus grave, humaniste et réaliste, dans cette intrigue haletante où trafic de drogue et intervention armée du Japon se mêlent tragiquement.

Sur ce dessin, l'angoisse se lit sur les traits de Tintin et de Milou, qui sortent la tête d'une jarre de faïence bleutée, face à un effrayant dragon rouge sang, sur fond de mur noir parsemé de signes mystérieux. La reproduction de ce dessin coûtait trop cher, il n'a pas été retenu pour devenir la couverture de l'album. Une version simplifiée est adoptée, avec un dragon noir sur fond rouge et beaucoup moins de détails.

Une histoire mystérieuse

Un mystère entoure cette œuvre : a-t-il été vraiment offert par Hergé au fils de son éditeur Louis Casterman, Jean-Paul, alors âgé de sept ans, comme l'affirment les héritiers de l'éditeur ? L'enfant l'aurait plié en six et gardé dans un tiroir, d'où la feuille de papier aurait été ressortie des décennies plus tard.

Des experts mettent en doute la véracité de cette histoire, de même que l'ayant-droit d'Hergé : le Britannique Nick Rodwell, mari de Fanny, seconde épouse d'Hergé et légataire universelle, assure une protection sourcilleuse de l'oeuvre d'Hergé, dont les albums se sont vendus au total à 250 millions d'exemplaires.

Pour Philippe Goddin, un des meilleurs connaisseurs de l'oeuvre, "en mettant en vente le dessin, les Casterman ne sont coupables en rien. Ils ont cru à la légende que leur a transmis leur père". Mais il estime "éminemment suspect" le récit de Jean-Paul Casterman (mort en 2009) quand il affirmait avoir reçu ce dessin en cadeau. Les traces de pliure sont certes visibles sur la feuille de papier, mais c'est parce que Hergé avait glissé le dessin dans une enveloppe pour l'envoyer au directeur adjoint de l'édition, Charles Lesne. Selon cette hypothèse, le dessin serait resté depuis 1936, avec beaucoup d'autres, en dépôt chez Casterman, et n'aurait nullement été offert.

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