Derrière les géants Marvel et DC, quelle place pour les héros de comics indépendants sur nos écrans ?
Les bandes dessinées américaines, plus couramment appelées comics, sont aujourd’hui omniprésentes au format cinéma et série, en France comme à l’international. À l’occasion de la sortie du livre “100 comics qui ont marqué l’histoire”, retour avec des spécialistes sur le succès des comics sur nos écrans.
En matière d’adaptations de comics au cinéma, l’année 2022 aura connu un planning de sorties chargé. Entre bandes dessinées "mainstream" (Doctor Strange in the Multiverse of Madness, The Batman) et comics indépendants (Locke & Key saison 3), les fans ont eu l'embarras du choix. Depuis une quarantaine d'années (amorcée, entre autres, avec la sortie en 1986 du premier long-métrage Marvel Howard The Duck), l’exploitation au cinéma des bandes dessinées américaines, notamment celles de super-héros, est allée crescendo.
À la base, le terme "comic book" désigne des histoires racontées au travers de plusieurs albums, publiés de manière régulière. Même si l’horizon des sorties cinéma semble aujourd’hui investi en majorité par deux grands éditeurs d’histoires de super-héros, les “Big Two”, à savoir DC Comics et Marvel, le comics accueille d’autres genres. “À côté de ces géants du comics mainstream, il existe quand même une grosse partie indépendante, de nombreuses adaptations live avec des récits qui sont peut être plus originaux”, expose Marceau Henault, libraire spécialisé dans les comics.
Une industrie fermée à l’indépendant ?
Face à l’empire interconnecté de Marvel, où chaque film apparaît “comme un événement et comme une banalité”, selon le spécialiste et critique cinéma François Rey, les bandes dessinées américaines dites “underground” grapillent, comme elles le peuvent, de la visibilité sur la scène cinématographique. Pourtant, les adaptations de récits indépendants ne manquent pas : entre Sandman, Umbrella Academy ou The Walking Dead, les exemples de récits graphiques adaptés sont nombreux. Pour Marceau Henault, les héros mainstream (Superman, Spider-Man, Daredevil) auraient principalement investi le grand écran, là où, au contraire, “le marché des adaptations comics indépendant semblerait se développer plutôt du côté des séries.”
Une scission à relativiser selon François Rey. “Il y a eu des films tirés de super-héros moins connus comme Watchmen de Zack Snyder. C’est vrai que dans les pourcentages, on va plutôt avoir des super-héros grand public au cinéma, mais cela n’est pas hermétiquement fermé à l’indépendant.” Ce choix des séries pour des personnages de comics moins connus du grand public pourrait être lié à la liberté de ton, potentiellement plus grande sur les plateformes qu’au cinéma. C'est cela qui serait à l'origine de séries irrévérencieuses comme The Boys, disponible sur Prime Vidéo. La question du budget est également pointée par Marceau Henault : “Il est plus dur pour les producteurs d’investir dans un film adapté d’un comics inconnu, que dans le 4e Thor où l’on mise sur la sécurité.”
Les super-héros, une nouvelle mythologie
Si le marché est saturé de reprises d’histoires de super-héros, c’est aussi, selon Marceau Henault, parce que “ce sont des personnages qui sont ancrés dans l’imaginaire collectif depuis de nombreuses années maintenant.” Partie des bandes dessinées, la culture des personnages dotés de super-pouvoirs a dépassé toutes les frontières. “Même sans être lecteur de comics, on pouvait voir qui était Superman, ou Spider-Man”, ajoute Marceau Henault. Le lien entre l’univers graphique et coloré des comics de super-héros et le grand écran était alors évident : “Tout ce qui fait l’essence des comics : le découpage, les couleurs vives, l’action, c’est quelque chose qui est aisément adaptable à l’écran”, confirme François Rey.
Une construction de l’adaptation bien rodée, jusqu’à l’uniformisation : “Pour Marvel, on assiste à des films aux déroulements identiques, dans le but que le spectateur ne soit pas perdu et puisse revenir en salles”, analyse François Rey. Un procédé scénaristique que les amateurs des bandes dessinées originelles n'apprécient pas forcément, selon Marceau pour qui “les lecteurs de comics ont peut-être plus d'exigences et d'attentes."
Spider-Man appartient tout autant aux lecteurs de comics qui le connaissent depuis 40 ans, qu’aux personnes qui n’ont vu que les trois derniers films
François Reycritique cinéma
Pour Marceau Henault, il est regrettable que des super-héros hyper médiatisés (du type Black Adam) éclipsent des titres plus méconnus. Que ce soit sur le fond ou la forme, le marché alternatif est capable d'apporter une bouffée d’air aux histoires racontées dans les salles obscures, dans la lignée du Joker réalisé par Todd Phillips. “Le meilleur moyen de rendre hommage aux créateurs, cela serait d’aussi savoir renouveler les histoires mises en scène au cinéma, de savoir amener le spectateur là où il ne s’y attend pas”, exprime Marceau Henault.
Loin des adaptations ciné grandiloquentes, les comics dits indépendants sont pourtant bien présents sur nos grands écrans. Sans être exhaustifs, le film V pour Vendetta inspiré de l'oeuvre d'Alan Moore et adaptée par les Wachowski, ou encore Ghost World tiré du comics éponyme de Daniel Clowes (reconnu comme l'une des BD à avoir renouvelé le regard du public sur le genre).
Quelques années avant son Tintin, Steven Spielberg lui-même s'est intéressé à l’adaptation de bandes dessinées à travers un projet de reprise du (très bon) comics Calvin et Hobbes de Bill Watterson, projet finalement tombé à l’eau après le refus de l’auteur. C’est le genre d’informations - et bien d'autres encore - que vous apprendrez dans le livre 100 comics qui ont marqué l’histoire.
100 comics qui ont marqué l’histoire - Disponible depuis le 12 octobre chez Ynnis Éditions
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