Avec "Les Cahiers Russes", Igort dessine la guerre oubliée du Caucase
"Russie : Silence, on tue". Ce fut le titre choisi par Libération après l'annonce de l'assassinat d'Anna Politkovskaïa. La disparition de la journaliste était une synthèse de la dérive de l'ex-Union Soviétique, un miroir de la violence d'une Fédération de Russie aux mains de Vladimir Poutine.
Ses reportages en Tchétchénie, réalisés au péril de sa vie, dérangeaient trop. Ils soulevaient la chappe de silence posée sur une guerre ignoble remplie de tortures, de viols. Anna Politkovsakaîa a fini par être tuée par balles dans l'ascenseur de son immeuble à Moscou.
L'auteur de cette bande dessinée est italien, il vit en France à Paris. Igort a décidé de passer deux ans dans l'ex-Union Soviétique, pour raconter des aspects méconnus de ce vaste territoire. Dans une première bande dessinée publiée en 2010, Cahiers d'Ukraine, il enquêtait sur la famine meurtrière orchestrée par le pouvoir communiste, dans les années 30.
Cette fois, partant a la recherche des empreintes artistiques de Tchekhov, il se confronte finalement à la dure réalité d'aujourd'hui. Devant la porte de l'immeuble d'Anna Politkovskaïa, trois ans après un assassinat qui l'avait révolté, il décide d'enquêter à son tour.
S'en suit alors une longue et dure promenade dans la mémoire des proches de la journaliste, et dans ses articles et ouvrages. Anna Politkovskaïa se battait pour faire éclater la vérité, allait vérifier sur le terrain ce qu'on lui racontait, confrontait les témoignages pour établir des faits avec exactitude. Tortures, viols, violences gratuites étaient contés dans le détail. Loin d'être anodin, cet empilement de faits vérifiés permit de mettre la justice en route, grâce à un ami avocat aussi courageux qu'elle.
La force de ce récit est de donner la parole, comme le faisait Anna Politkovskaïa, aux témoins, aux proches des victimes, qui prenennt corps par les images. C'est ce qui manque, par la force des choses, à certains conflits et à des oppressions en cours sur la planète : il n'y a pas de visages pour rendre la tragédie humaine. On découvre aussi dans cet ouvrage le rôle pris, et accordé à Anna Politkoskaïa lors de deux célèbres évènements : les prises d'otages perpétrées par des Tchétchènes dans un théâtre moscovite, et dans une école à Beslan. On l'a empêchée de négocier pour éviter la boucherie finale, dont les victimes furent autant les Tchétchènes que les civils.
L'organisation Amnesty International, qui défend les droits de l'homme dans le monde entier, s'est associée à cet ouvrage. Selon elle : "Cette plongée dans une Russie marquée par de multiples violences témoigne du courage de celles et ceux qui résistent pour défendre l'état de droit et renforcer la société civile. "
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