"Suivez mon regard" : l'exposition bluffante de patients en art-thérapie
Exposées dans plusieurs salles du Fort de Vaise dans le 9e arrondissement de Lyon, ces oeuvres colorées interpellent, étonnent et suscitent l'admiration. ce sont bien là des toiles d'artistes tant le résultat est bluffant. En réalité, toutes ces peintures, gravures, collages, sculptures ont été réalisés par des patients de l'établissement de santé mentale de Saint-Cyr au Mont-d'or dans la région lyonnaise. Des malades qui participent à cet atelier d'art-thérapie, lancé en 1991 par Christine Chalard. "Un autre regard" est le fruit de 3 ans d'atelier.
Des ateliers thérapeutiques encadrés
Encadré par le personnel soignant, chaque atelier accueille au maximum une dizaine de personnes souffrant de diverses pathologies. Ainsi, un patient hospitalisé pour un "burn out" peut dessiner en compagnie d'un malade psychotique ou à tendance schizophrènique mais sur prescription médicale uniquement. Des adultes, des enfants, des adolescents de toutes classes sociales, de tous âges se retrouvent avec soignants, artistes et membres du personnel hospitalier pour ce moment d'échange, avec l'art comme socle commun. Pour chaque projet, un thème est donné, notament par la plasticienne Virginie Boyer.
Exemple, à partir d'un tableau de Matisse,il faut imaginer son propre univers ou depuis une photo noir et blanc de Yan Arthus Bertrand, chaque patient crée une toile autour du thème de l'aborigène.
Ou ces magnifiques portraits, réalisés à partir de célèbres tableaux, par les malades de l'atelier art-thérapie.
Une approche thérapeutique humaniste dans un monde déshumanisé
Dans l'histoire de la psychiatrie, les tentatives d'approche par l'art sont légions. Cette forme nouvelle est de plus en plus présente dans les hôpitaux car elle crée du lien. Même si la plupart des médecins préfèrent avoir recours uniquement à la méthode opératoire, ils sont de plus en plus nombreux à s'intéresser à cette autre approche du soin de la maladie mentale. Une thérapie humaniste qui libère la parole, permet de reprendre confiance en soi et peut, comme ici, donner lieu à de véritable petits chefs d'oeuvres, loin du simple coloriage pour adultes !
L'art-thérapie contribue à des guérisons sur un plan psychique et émotif. Ainsi des malades mutiques en arrivant à l'hôpital ou stressés, agressifs ont retrouvé la parole, le goût de l'échange, du partage et surtout la capacité de réaliser de belles choses comme en témoignent ces deux patientes-artistes, fières de voir leur création exposée au Fort de Vaise.
Interview : Sophie Tallois
Depuis le 30 janvier, près de 500 visiteurs sont venus admirer les oeuvres de ces patients-artistes qui ont tous donné leur accord pour les voir exposées. Certaines toiles sont collectives car réalisées par des soignants et des patients avec cette idée de partage. Une notion fondamentale pour ces malades qui se considèrent comme marginaux et souvent en recherche de "normalité".
Ces ateliers, qui rentrent dans le dispositif culture et santé continuent d'exister grâce à la recherche de partenariats avec des musées et des centres culturels. Pour la plasticienne Virginie Boyer, également diplômée en soin psychique, créativité et expression artistique" plus qu'une mission, c'est un engagement. Permettre à des malades d'aller au musée ouvre le champs des possibles. C'est aussi le combat mené depuis des années par Christine Chalard, la responsable de cet atelier d'art-thérapie. Elle l'a expliqué à Sophie Tallois.
Vidéo : Sophie Tallois
Quel avenir pour ces ateliers d'art-thérapie ?
L'art-thérapie s'applique à des populations de plus en plus larges. Les bienfaits de la création artistiques sont avérés sur des élèves perturbés, les autistes, les personnes atteintes d'Alzeimer. Cet atelier d'art-thérapie au sein du centre hospitalier de Saint-Cyr au Mont d'or en perpetuelle évolution, au fonctionnement unique et à la vraie démarche artistique reste fragile. Loin de faire l'unanimité, la structure qui existe pourtant depuis 15 ans a récemment été à deux doigts d'être supprimée... faute de budget ! Soumis aux contraintes et restrictions budgétaires, les centres hospitaliers considèrent encore cette thérapie par l'art comme une "simple option". L'art est pourtant fondamental pour l'expression du patient souligne Virginie Boyer, toujours embauchée en contrat déterminé. L'atelier permet à un grand nombre d'entre eux de canaliser leurs émotions, leurs tensions, leur agressivité. Tout un travail en psychiatrie qui permet d'éviter "le passage à l'acte", même si le risque zéro n'existe pas.
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