Le graffiti : moyen d'expression et de lutte à Gaza
Au sud, ils butent contre le point de passage de Rafah, fermé par l'Egypte. Au nord, les soldats israéliens les empêchent de franchir le point de passage d'Erez. Ces jeunes, comme la majorité des 1,8 million de Gazaouis, n'ont aucune issue et n'ont connu depuis leur naissance que les limites de leur petite enclave côtière coincée entre l'Egypte, la Méditerranée et Israël.
Peindre des graffitis pour "se sentir libre"
Le sentiment d'enfermement, l'impuissance face aux bombardements, les deuils à répétition, l'humiliation et l'oppression, ces jeunes ont décidé de les traduire en dessin aux couleurs criardes ou pastel qui ornent les murs de Gaza. "En peignant ces murs, je me sens libre", lance Naïm Samsoum, 25 ans, la tête couverte d'un bonnet noir, de la même couleur que son large T-shirt. "Ce qu'on veut, c'est envoyer un message pour dire que les gens ici aiment la vie, qu'ils en ont marre de la mort et des destructions", affirme ce jeune Gazaoui qui dit avoir été inspiré par les vidéos qu'il a vu de tags sur des trains en Europe.
Et dans les dessins des jeunes graffeurs gazaouis, comme dans de nombreuses formes d'art dans la bande de Gaza, la politique n'est jamais très loin. Près de la plage de Gaza, sur les murs de l'Université Al-Azhar, s'étalent en grand les portraits du dirigeant historique Yasser Arafat, le fondateur du Fatah mort en 2004, et du cheikh Ahmed Yassine, le fondateur de son rival islamiste, le Hamas, tué par les Israéliens la même année.
Sous les deux visages, les jeunes qui ont vécu la prise de pouvoir par la force du Hamas à Gaza en 2007 avant une réconciliation entre les deux poids lourds de la politique palestinienne qui peine à se mettre en place dans les faits, ont inscrit en grosses lettres : "Oui à la réconciliation nationale". Un peu plus loin, c'est un graffeur partisan du Hamas qui a dessiné une roquette M-75.
Une longue tradition
Se servir de bombes de peinture comme arme politique n'est pas nouveau à Gaza, rappelle Fayez al-Sarsaoui, artiste plasticien. Dans l'enclave palestinienne, les murs ont commencé à se couvrir de messages politiques, d'appels à la grève et de rendez-vous pour manifester en 1987, lorsque débutait la Première Intifada car, dit-il, "le graffiti est une forme d'art peu coûteuse et qui permet de toucher facilement les gens".
Et, renchérit Bassel al-Maqoussi, qui tient une galerie d'art dans un quartier cossu de la ville de Gaza, "écrire sur les murs était le moyen le plus simple de s'adresser aux gens sans prendre trop de danger. Distribuer des tracts demande beaucoup de temps et pouvait coûter la vie, alors qu'une phrase sur un mur reste longtemps et peut être vue par tous".
Mais à la différence des slogans et des dates peintes à la va-vite sur les murs à l'époque, les jeunes réalisent aujourd'hui des fresques aux couleurs chatoyantes qui font s'arrêter les passants au détour de chaque rue, affirme l'artiste. Devant un poste de police écrasé sous les bombes durant l'offensive israélienne de cet été, le mur est ainsi recouvert du dessin d'un enfant, le poing levé et sous lequel est écrit en couleurs "Liberté".
"La liberté", c'est la définition même du graffiti pour Moussaab Abou Daff, 20 ans, qui lui aussi recouvre les murs avec ses bombes de peinture. "Le graffiti me permet de m'exprimer et de raconter l'endroit où je vis", dit le jeune homme habillé d'un jean ample et d'un T-shirt à l'effigie de Bob Marley. "Ici, à Gaza, on étouffe sous les destruction, alors on a vraiment besoin de s'exprimer, de dire ce qu'on pense", poursuit-il. "Les Israéliens nous oppriment, ils nous empêchent de voyager et ils assiègent Gaza. Alors, j'ai décidé de raconter sur les murs de Gaza ce qui se passe chez nous", conclut Moussaab.
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