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Coronavirus : l'artiste urbain C215 met en vente des tirages de sa dernière œuvre au profit de la Fondation Hôpitaux de France

L'artiste urbain Christian Guémy alias C215 met en vente les tirages de sa dernière oeuvre réalisée avant confinement au profit des personnels soignants. Nous lui avons parlé au téléphone.

Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
"L'Amour au temps du coronavirus", l'oeuvre de l'artiste urbain Christian Guémy alias C215 terminée juste avant le confinement dans une rue d'Ivry-sur-Seine en mars 2020. (CHRISTIAN GUEMY ALIAS C215)

Un couple d’amoureux s’embrassant avec leurs masques. Une étreinte vibrante de couleurs et d’amour mais douloureuse comme un dernier baiser volé avant de plonger dans l’inconnu. Elle s’intitule L’Amour au temps du coronavirus et c’est la dernière œuvre que C215 a réalisée à l’air libre, à l’angle d’une rue d’Ivry-sur-Seine, juste avant la consigne de confinement mardi 17 mars. L’artiste et pochoiriste parisien met aujourd’hui en vente un tirage d'art de cette œuvre au profit de la Fondation Hôpitaux de Paris, Hôpitaux de France. Nous avons eu Christian Guémy, alias C215, au téléphone.

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L’œuvre originale, C215 l’a réalisée "sous le coup de l’émotion", se souvient-il. "J’avais commencé à la préparer depuis quelque temps déjà (les pochoirs prennent plusieurs jours à préparer, nous apprend-il), au moment où le virus a touché l’Italie, parce que ça m’avait vraiment ému. Je me suis dit, bientôt c’est la planète entière qui va être concernée."

Avec cette étreinte d’un couple masqué j’ai voulu marquer un souvenir, comme un tatouage. Parce que je pense que nous allons tous nous souvenir de ce moment. C’est une œuvre de mémoire pour dire de se rassembler, de s’aimer".

Christian Guémy alias C215

à franceinfo Culture

Symboliser un virus invisible

Connu pour ses portraits de réfugiés, de laissés pour compte, mais aussi de célébrités (on se souvient en particulier de Simone Veil sur une boîte aux lettres et plus récemment d'Adèle Haenel après les César), Christian Guémy aime "placer les invisibles au rang de célébrités". Cette fois c’est un virus invisible qu’il a voulu dévoiler.

"Cette œuvre servira à symboliser une épidémie qui a un rapport majeur à l’invisibilité. Le virus est invisible, on montre très peu les salles de réanimation, on ignore ce que vivent les patients, on parle de personnes contaminées mais asymptomatiques… la part de l’imaginaire est de ce fait très forte. J’ai donc voulu appeler à la solidarité durant cette épidémie qui déclenche beaucoup de peurs, de passions, de paranoïa et de discriminations - ça a été d’abord envers les Asiatiques et maintenant envers les Parisiens."


Lorsque l'artiste a publié sur les réseaux, le 17 mars, la photo de cet Amour au temps du coronavirus, beaucoup de ses admirateurs, touchés en plein cœur, lui ont réclamé "un print commercial basique" (un tirage d'art).

"Et là j’ai été vraiment très embarrassé", raconte-t-il. "Je ne pouvais pas faire une édition commerciale sur un thème aussi tragique. Je cherchais quoi faire quand, jeudi, Patrick Pelloux (le médecin urgentiste, syndicaliste et écrivain NDLR) m’a dit : mais pourquoi tu ne donnes pas ça à la Fondation Hôpitaux de France ?".

Les chèques libellés directement à la Fondation des Hôpitaux

Ni une ni deux, C215 a été sur le site de la Fondation et a vu qu’ils appelaient aux dons et qu'on pouvait leur remettre des chèques. Il a alors lancé une édition privée limitée et numérotée auprès de son entourage pour pouvoir disposer d’un budget de fabrication et d’expédition pour le tirage d'art commercial. "Cela permet la transparence : les acheteurs peuvent libeller leur chèque directement à l’ordre de la Fondation Hôpitaux de France. Au terme du blocus, lorsque l’imprimerie reprendra le travail, nous leur expédierons les reprographies. Ensuite on amènera tous les chèques à la Fondation et on fera une opération vidéo pour remercier les gens", détaille-t-il.

La Fondation devrait recevoir grâce au street-artist humaniste une jolie somme au sortir de ce cauchemar collectif. "Ca a l’air bien parti, je pense pouvoir leur amener au minimum 15 000 euros et peut-être jusqu’à 30 000 euros d’ici la fin du blocus, parce que malheureusement ça risque de se prolonger." Le site de l'Elysée a relayé ce geste en retweetant C215, et en ajoutant "Solidaires".

Inquiet pour les prisons et les sans-abri

Est-il inquiet ? Oui, pour les sans-abri "qui se prennent des amendes à Lyon, c’est absurde", moins pour ceux de Paris car il espère que la maire Anne Hidalgo, "très sensible à leur sort" selon lui, aura à cœur de les protéger. Christian Guémy, qui a entrepris une série de portraits à la prison de Fresnes et devait intervenir ces jours-ci à La Santé, se montre bien plus préoccupé par la situation explosive des centres pénitentiaires. "J’ai peur pour les détenus. Il y a déjà de premiers cas de Covid-19 en prison, et la propagation risque d’être rapide et intense. Ensuite, le fait qu’il n’y ait plus de parloirs, plus de visites, rajoute de la tension à l’angoisse. Je pense aussi aux surveillants confrontés à ces populations pathogènes et à cran."


"Cette épidémie a révélé énormément de choses sur la société", remarque-t-il. "Elle a surtout renvoyé chacun à la réalité de sa condition sociale, du SDF qui se prend une amende à Lyon, à l’écrivaine Leïla Slimani qui se fait taper sur les doigts pour un confinement de châtelaine". Lui se considère plutôt comme un privilégié et a de ce fait "la décence de ne pas trop me la raconter". "Au chômage technique" mais en famille et soigneusement confiné, il va juste continuer à créer comme il l’a toujours fait, coronavirus ou pas.

Pour acquérir un "print" de L’Amour au temps du coronavirus (format 30 cm x 40 cm), il suffit d’écrire à cette adresse mail : c215@c215.com . Un e-mail d’instructions très clair vous sera envoyé.

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