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A Buenos Aires, le street art, nouvelle forme d'expression, s'attaque au vandalisme de rue

Au coin d'une rue terne et mal entretenue du quartier populaire Tres de Febrero en banlieue de Buenos Aires, un bateau bleu prend forme sur un des multiples murs vandalisés de la mégalopole latino-américaine. L'artiste graffeur Andres Rotundo Fraga, pinceau brosse en main et peinture acrylique sous le bras, a commencé la rénovation du mur d'un immeuble entaché par un graffiti indéchiffrable.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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A Buenos Aires, un homme passe devant un graff représentant Carlos Gardel, en juin 2015
 (EITAN ABRAMOVICH / AFP)

"Les murs ont été vandalisés par des gens mal éduqués", explique Edith Campelo, une habitante octogénaire de l'immeuble que Fraga est en train de repeindre. "Nous n'avons pas de fonds pour les repeindre, donc la municipalité nous a gentiment envoyé ce grand artiste pour les décorer", ajoute-t-elle. Bien que les graffitis soient illégaux à Buenos Aires, les propriétaires donnent souvent la permission aux artistes de décorer leurs bâtiments.              

Une femme passe devant un graff représentant Buddha à Buenos Aires, juin 2015
 (EITAN ABRAMOVICH / AFP)
"Ce sont dans les quartiers populaires que les gens sont les plus soigneux des peintures", explique Diego Silva, coordinateur du projet public ART3,  financeur du street art à Tres de Febrero. "Des peintures vieilles de quatre à cinq ans peuvent être abîmées par les intempéries et la détérioration du mur, mais jamais parce qu'ils ont été taguées. Les peintures sont complètement respectées", ajoute Edith Campelo, face à une fresque impeccable représentant un phare rouge, dans une des zones les plus pauvres de la capitale. 

Les autorités locales se sont aussi rendu compte que les fresques forment une protection pour ces murs et ont ainsi financé plusieurs projets de graffeurs. L'objectif de ART3 est de lutter contre le vandalisme par le street art afin d'inciter les habitants à être plus attentifs à l'espace public et d'améliorer leur cadre de vie. "Ce ne sont pas des simples dessins. Dès le début, on a toujours voulu que ça soit un projet participatif", détaille Silva à propos des 400 fresques qui ornent les rues de Tres de Febrero.

Capitale mondiale du street art

              
Devenue ces dernières années une des principales capitales mondiales du street art, Buenos Aires compte des milliers de fresques sur les maisons, les écoles et même les églises. Les artistes disposent de pâtés de maisons entiers avec des façades de 25 mètres de hauteur pour s'exprimer et des festivals sont organisés pour promouvoir leurs oeuvres. Martin Ron et Fio Silva ont même été invités à peindre dans des capitales étrangères. "Les fresques surprennent, donnent du plaisir, de l'art et de la culture dans l'espace public", soutient Patricio di Stefano, le sous-secrétaire de l'Espace public pour la ville de Buenos Aires, qui débourse chaque année 60.000 dollars pour encourager ces oeuvres urbaines.
Des graffs sur des immeubles à Buenos Aires, juin 2015
 (EITAN ABRAMOVICH / AFP)
Cet art urbain attire l'attention des touristes qui peuvent participer à des tours de visite des fresques de la ville. Des visages de stars argentines aux créations multicolores en tous genres, Buenos Aires offre un musée à ciel ouvert.

Pour Cecilia Quiles, membre de l'agence Graffitimundo, la scène fascinante du street art de Buenos Aires s'est en partie développée en réaction à la dictature militaire traversée par le pays entre 1976 et 1983. Selon elle, "Buenos Aires est une ville qui porte des cicatrices" de cette époque "où les monuments publics étaient activement nettoyés et les graffitis fortement réprimés". Aujourd'hui, le street art a donné un nouveau souffle, en offrant une nouvelle forme de liberté d'expression.

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