Tunisie : deux artistes menacés de prison
"Les procureurs tunisiens devraient abandonner les accusations contre deux sculpteurs pour des oeuvres d'art jugées dangereuses pour l'ordre public et les bonnes moeurs", a plaidé l'organisation américaine dans un communiqué. Les deux artistes poursuivis sont Nadia Jelassi, auteur d'une sculpture des femmes voilées, et Mohamed Ben Slama, dont les travaux avaient été exposés au "Printemps des Arts" en juin 2012. Ils risquent une peine allant de six mois à cinq ans de prison en application du code pénal tunisien.
"Les poursuites pénales contre des artistes pour des oeuvres d'art qui n'incitent ni à la violence ni à la discrimination violent le droit à la liberté d'expression", a souligné HRW. "De nombreux Tunisiens s'attendaient à ce que des lois répressives (...) ne survivent pas longtemps au dictateur qui les a fait adopter", a indiqué Eric Goldstein, responsable du Moyen-Orient et Afrique du Nord en référence au président déchu Ben Ali.
"Nous observons à présent que tant que le gouvernement provisoire ne se fixe pas comme priorité de se débarrasser de telles lois, la tentation est irrésistible de les utiliser pour réduire au silence ceux qui sont en désaccord ou qui pensent différemment", a-t-il ajouté.
Une exposition vandalisée et des émeutes en juin
L'exposition "Printemps des Arts", organisée du 1er juin au 10 juin au palais Al-Abdellia de la Marsa (au nord de Tunis), avait été vandalisée. Des oeuvres jugées par les salafistes comme blasphématoires ont été détruites. Des émeutes avaient suivi dans plusieurs villes de Tunisie, faisant au total un mort et une centaine de blessés. Le couvre-feu avait été instauré.
Le 17 août, Nadia Jelassi a été convoquée au tribunal de première instance de Tunis pour se faire signifier qu'elle était accusée de "nuire à l'ordre public et aux bonnes moeurs". "Le juge d'instruction m'a demandé quelles étaient les intentions derrière mes oeuvres visibles à l'exposition, et si j'avais voulu provoquer les gens à travers ce travail", a-t-elle relaté, citée par l'AFP.
Human Rights Watch dénonce l'article 121.3 du code pénal tunisien qui permet encore à la justice de porter des accusations pour des expressions jugées contraires aux bonnes moeurs et à l'ordre public. Cet article définit comme un délit la distribution, la vente ou l'exposition aux regards du public de documents de nature à nuire à l'ordre public ou aux bonnes moeurs.
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