Le général Franco dans un réfrigérateur à vendre 30.000 euros !
Cette oeuvre inattendue, signée de l'artiste espagnol Eugenio Merino, montre le général en uniforme kaki et lunettes de soleil, les genoux pliés, debout dans un réfrigérateur surmonté d'un panneau rouge barré d'une bande blanche qui rappelle fortement le logo de Coca-Cola. Francisco Franco (1892-1975) imposa une dictature à l'Espagne entre 1939 et sa mort en 1975, survenue à quelques jours de ses 83 ans.
Franco, une image toujours "vivante et fraîche"
La sculpture baptisée "Always Franco" (Toujours Franco ) veut rappeler que l'ancien dictateur demeure présent à la une de l'actualité en Espagne, 37 ans après sa mort. "Cela représente l'idée qu'en Espagne, les gens gardent très vivante l'image de Franco. On n'arrête pas de parler de lui, de débattre à son sujet. Le réfrigérateur est le lieu où les choses restent vivantes et fraîches", explique l'artiste à l'AFP.
Pour illustrer son propos, Eugenio Merino cite pour exemple le récent procès du juge Baltasar Garzon, poursuivi pour avoir tenté d'enquêter sur le sort des disparus de la Guerre civile et du franquisme, ou encore la polémique autour de la publication en 2011 d'une biographie favorable au dictateur par l'Académie royale d'histoire espagnole.
L'Espagne reste "très divisée" autour de la dictature
"Il y a des gens qui aiment beaucoup la sculpture, d'autres qui ne veulent pas la voir. L'Espagne est très divisée autour du thème de la dictature", remarque Eugenio Merino, né quelques mois après la mort du "Caudillo" (le "guide", selon le titre que le général s'auto-attribua), survenue le 20 novembre 1975.
Le jeune artiste a déjà fait sensation lors de précédentes éditions du salon. En 2010, l'ambassade d'Israël à Madrid avait protesté à propos d'une sculpture, "Stairway to Heaven" (Escalier vers le ciel), qui montrait un musulman priant à genoux, un prêtre catholique sur son dos et un rabbin priant lui aussi sur les épaules du prêtre.
A Barcelone, la galerie ADN a mis l'oeuvre en vente pour 30.000 euros. La sculpture, faite de résine, de silicone et de cheveux humains, est l'une des plus prisées par les visiteurs du salon, qui expose des oeuvres de 215 galeries de 29 pays.
Briser le tabou Franco, les plaies restent à vif
Pour l'artiste Fernando Sanchez Castillo, "La répression a été si grande et la dictature a duré si longtemps que les gens ont fini par aimer la personne qui avait pris leur liberté. Ma génération a une perspective plus archéologique, plus critique". Passionné par la période de la dictature, il a acheté l'an dernier l'ancien yacht de Franco , le Azor, et l'a découpé en pièces pour en faire des sculptures. L'artiste de 41 ans est également parvenu à se procurer deux poils de sourcils du dictateur auprès d'un homme qui avait fait un moule du visage de Franco . Ils sont exposés au salon Arco, dans un sac plastique transparent accroché au mur derrière une loupe. Pour lui, ses sculptures et les sourcils montrent comment l'Espagne est devenue "une dictature des marchés où tout s'achète et se revend".
Un peu plus loin, une sculpture de la tête de Franco tourne à toute vitesse sur un socle, le rendant méconnaissable. "Cela montre comment Franco est toujours présent même si on ne peut plus le voir", explique Fernando Sanchez Castillo, faisant référence à la loi de 2007 sur la "mémoire historique" qui a ordonné le retrait de tout symbole en l'honneur de Franco. Mais, malgré cette loi destinée à réhabiliter les victimes, les plaies de la période restent à vif.
D'autres artistes comme Paula Rubio Infante, 34 ans, ont d'ailleurs trouvé l'inspiration dans la souffrance de leur famille durant la dictature, de la fin de la guerre civile en 1939 à la mort du général Franco en 1975. "Mes grands-parents et oncles ont été détenus et torturés", raconte Paula Rubio Infante, qui expose une grande photo d'un site où est enfouie une fosse
commune de personnes tuées par les forces de Franco pendant la guerre civile de 1936-1939, avec en-dessous, trois sacs de chaux. "Nous sommes la dernière génération qui a la possibilité d'écouter les témoignages directs des gens qui ont souffert du régime, de nos parents et grands-parents", souligne l'artiste. Pour elle, "il est important de continuer
à alimenter la mémoire collective".
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.