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"La Collaboration" : coup de projecteur sur les années noires aux Archives Nationales

La Collaboration en France durant la Seconde Guerre Mondiale ? Les dénonciations, le zèle administratif et policier, les milices… mais aussi les bonnes affaires pour certains industriels, sans compter ces artistes, écrivains ou journalistes ruisselant d'enthousiasme pour l'occupant et son idéologie. Une exposition passionnante des Archives Nationales dévoile des documents exceptionnels.
Article rédigé par Pierre-Yves Grenu
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Voyage du maréchal Pétain et de l'amiral Darlan à Villefranche-sur-Saône et Lyon en septembre 1941 : les enfants sur le perron de la mairie
 (Archives nationales / Carole Bauer)

Patiemment, les lettres ont été découpées dans des journaux et collées sur un rectangle de papier. Le tampon rouge des renseignements généraux indique que la pièce a dûment été enregistrée le 27 octobre 1942. "Madame Lancelet gaulliste proche parent de juifs éberge (sic) depuis plus d'un an deux Nippons sans déclaration alors que les commerçants ont tant d'impôts. 17, rue Louis David".

Une lettre de dénonciation, comme des milliers d'autres, sinistre, imbibée de jalousie et de cruauté. Ces années-là, on a beaucoup écrit. Des lettres comme celle-ci, on en trouve quelques-unes dans la remarquable exposition proposée par les Archives Nationales. Des menaces, aussi, comme celles ci-dessous, adressées la même année avec régularité à Georges Koiranski.

Papillons proférant des menaces à l'encontre de Georges Koiranski
 (Archives nationales / Pierre Grand)
Peut-on encore surprendre, ou tout simplement apprendre sur un sujet aussi largement étudié ? "Il y a encore énormément d'archives à découvrir, indique Thomas Fontaine, l'un des deux commissaires de l'exposition. Sur beaucoup d'événements, nous avons trouvé des documents que l'on ne connaissait pas". 

"Tous collabos, les Français ? Non, certainement pas !" s'exclame Denis Peschanski, directeur de recherche au CNRS et co-commissaire de l'exposition. "Beaucoup de Français rejetaient la Collaboration… mais elle fut un phénomène social d'une ampleur importante". 
Le maréchal Pétain, Pierre Laval et Otto Abetz, ambassadeur d'Allemagne, se retrouvent à la préfecture de Tours quelques heures avant l'entrevue de Montoire, 24 octobre 1940
 (Archives nationales / Rémi Champseit)
Pour rendre cette exposition la plus accessible et cohérente possible, les Archives Nationales l'ont déclinée autour des trois principaux groupes de protagonistes de la Collaboration : le régime de Vichy, les Allemands et les collaborationnistes parisiens, les plus extrémistes, qui militaient pour un régime fasciste.
Bureau de recrutement de la Légion des volontaires français contre le bolchevisme, Charenton, mai 1944
 (Archives nationales / Alain Berry)
Affiche du parti Le Feu - Coll. BL.
 (Archives nationales / Alain Berry)
C'est la force de cette exposition : elle aborde des aspects très différents. Les plus spectaculaires, les plus violents : les dénonciations, le zèle de l'administration de Vichy, les consignes de Bousquet à ses Préfets, les spoliations…
Télégramme de René Bousquet aux préfets régionaux précisant les consignes de mise en oeuvre de la déportation des Juifs étrangers de zone sud, 22 août 1942
 (Archives nationales / Alain Berry)
Registre du camp allemand du fort de Romainville listant les détenues françaises déportées en Allemagne, mai 1944
 (Archives nationales / Alain Berry)
… mais aussi la vie quotidienne, les aspects économiques, comme l'énorme business développé par certaines entreprises avec l'occupant. Les profiteurs, les opportunistes, dont Joseph Joinici fut la parfaite incarnation. Les Nazis voulaient arrêter le "juif Joinici". Le reste de l'armée allemande choisit de le protéger et de profiter des talents de ce chiffonnier-ferrailleur, capable de fournir 500 tonnes de métaux chaque mois. 
Photographie anthropométrique de Joseph Joinovici (détail)
 (Archives nationales / Alain Berry)
Côté culture, une partie non négligeable du monde des lettres s'est largement ralliée aux thèses allemandes. Dans ce courrier, Louis-Ferdinand Céline félicite chaleureusement son confrère Lucien Rebatet, qui vient de publier "Les Décombres", dans lequel il apporte son soutien fervent au national socialisme et laisse libre-court à sa haine des Juifs "bêtes malfaisantes et impures". "Je me suis jeté sur votre vitriolique petit livre" s'enflamme Céline. 
Lettre de félicitations de Louis-Ferdinand Céline à Lucien Rebatet à l'occasion de la publication de son livre "Les Décombres", sans date
 (Archives nationales / Alain Berry)
Le retour des écrivains ayant participé au voyage en Allemagne, en gare de l’Est
 (Archives nationales / Alain Berry)
Au total, ces 300 documents sélectionnés parmi des centaines de milliers, issus d'institutions françaises et européennes ou de collections privées, éclairent avec acuité et brutalité l'une des pages les plus sombres de l'histoire de ce pays. Passionnant et glaçant, à la fois.
 
"La Collaboration (1940-1945)" aux Archives Nationales 
Hôtel de Soubise 60 rue des Francs-Bourgeois 75003 Paris
Du 26 novembre 2014 au 2 mars 2015
Du lundi au vendredi de 10h à 17h30
Samedi et dimanche de 14h à 17h30
Fermé le mardi et jours fériés.
Tarifs : entrée 6€, tarif réduit 4€.

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