Cet article date de plus d'un an.

Première exposition en France pour l’artiste anglaise Issy Wood, déployée comme un journal intime à Lafayette Anticipations

À Paris, Issy Wood, jeune Anglaise de 30 ans repérée par le "New York Times", s’inspire des objets de sa grand-mère maternelle et reproduit des selfies sur des toiles quasi photographiques dans son exposition "Study For No".
Article rédigé par Yemcel Sadou
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4min
Issy Wood, "Study for Wednesday", 2022 (© Issy Wood - Carlos Ishikawa - Michael Werner - Damian Griffiths)

Petites soupières, porcelaines, intérieurs de voiture en cuir ou portraits la bouche ouverte. L’artiste anglaise Issy Wood déploie son exposition Study For No à Lafayette Anticipations, à Paris, comme un journal intime jusqu’au 7 janvier 2024. Diplômée de la Royal Academy Schools à Londres, elle peint un univers teinté d’humour sur les représentations du corps et des objets en accompagnant chaque œuvre d’une anecdote personnelle.

Art pas si abstrait

Pour sa première exposition en France, Issy Wood projette son regard amusé parfois désabusé sur le monde contemporain jonché de paradoxes en tout genre. "J’imagine que quiconque a assisté à la crise de la quarantaine de son père aurait du mal à comprendre cette attirance des voitures pour les hommes, des hommes pour les voitures", peut-on lire à côté de la toile Go, Daddy! (Lifechanging magic), qui montre l’intérieur rutilant d’une voiture.

Issy Wood (à droite) "Study for a tureen 4", 2019 (à gauche) "Intervention study", 2022 (© Issy Wood - Carlos Ishikawa - Michael Werner - Damian Griffiths)

La jeune Anglaise ne nous laisse jamais interloqué face à une œuvre, ce qui est profondément appréciable. Il est presque impossible donc, de faire des contresens face à de l’art contemporain souvent abstrait. "Ma grand-mère est la seule personne que je connaisse qui garde et utilise des soupières. […] Dans mon esprit, la soupière géante satisfait une partie de moi qui aimerait que la soupe ne soit jamais finie", lit-on avec un sourire en coin face à une énorme peinture de soupière.

Journal intime

Issy Wood se laisse aller aux anecdotes qui ont pu déclencher des réflexions artistiques. On découvre par exemple le portrait d’Opium, le chien de son amie Vanessa, qu’Issy Wood gardait quand personne ne pouvait se retrouver en intérieur à cause du Covid. "Pour peindre un vrai chien, je me suis servie de ce que j’ai appris en peignant des vestes doublées de fourrure." Les peintures d’Issy Wood sont d’un réalisme frappant. On croit d’abord à une exposition de photos floues, retouchées. Quand on se rapproche des toiles on reconnaît la texture de l’huile sur lin, une technique favorisée par l’artiste.

Issy Wood, "Opium over the holidays", 2021 (© Issy Wood - Carlos Ishikawa - Michael Werner - Damian Griffiths)

Les portraits dentaires d’Issy Wood traduisent l’angoisse de la visite chez le dentiste. Elle n’hésite pas à montrer la réalité des actes dentaires sans filtre. Elle fait surtout un lien avec sa vie personnelle. Plus l’exposition avance, plus on a l’impression de connaître personnellement Issy Wood. C’est une immersion dans son intimité. "La bouche est centrale pour toutes les personnes souffrant de trouble du comportement alimentaire, et plus particulièrement de boulimie nerveuse, puisque l’érosion que provoque l’acide gastrique met en péril les dents et la gorge", explique l'artiste elle-même touchée par ces troubles.

Issy Wood (à droite) "Self portrait 1", 2021 (à gauche) "Self portrait 24", 2022 (© Issy Wood - Carlos Ishikawa - Michael Werner - Damian Griffiths)

Issy Wood parle aussi des difficultés à peindre sa mère, "trop sacrée" pour être portraiturée ou de Carmela Soprano de la série Les Soprano. "Ses ongles avaient toujours l’air d’être la seule chose encore intacte quand sa vie s’écroulait."

Issy Wood, "Carmela has the tea", 2022, Peinture à l’huile sur lin (© Issy Wood - Carlos Ishikawa - Michael Werner - Damian Griffiths)

Les toiles d’Issy Wood parlent de fragments de la vie quotidienne. L’artiste fait de son œuvre un moyen de parler à cœur ouvert, ce qu’elle avait déjà fait en publiant les notes de son blog personnel en 2022, intitulé Queen Baby. Lafayette Anticipations publie Reine bébé, une version en français extraite de l’œuvre originale : "Je me suis déjà rasé la tête, en 2012, quand j’avais l’air plus émaciée mais plus enfantine. C’était pour un boulot de mannequin mal payé et j’ai sauté sur l’occasion. […] Avec le crâne rasé, associé à une faible IMC, les gens me regardaient comme si j’étais malade, un homme, un criminel ou tout ça à la fois", écrit Issy Wood. Un journal intime visuel qui ne se prend pas au sérieux.

"Study For No", première exposition française d’Issy Wod à Lafayette Anticipations, à Paris, jusqu’au 7 janvier 2024

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.