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Yuko Sugimoto : l'icône du séisme japonais photographiée un an après

Le cliché avait fait le tour du monde : enveloppée dans une couverture beige, la jeune femme posait, l'air hagard et le regard perdu dans le lointain, un enchevêtrement de tôles froissées et de meubles fracassés en arrière-plan.
Article rédigé par franceinfo - Laurence Houot-Remy avec AFP
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La photo de Yuko Sugimoto avait fait le tour du monde
 (Tadashi Okubo / Yomiuri Shimbun / AFP)

La photo, signée Tadashi Okubo du grand quotidien japonais Yomiuri Shimbun, symbolisait la tragédie du séisme du 11 mars 2011 qui a frappé le nord-est du Japon, suivi par un tsunami dévastateur et d'un accident nucléaire sans précédent depuis Tchernobyl (1986).  

Yuko Sugimoto est aujourd'hui âgée de 29 ans.  

Au moment de la photo, prise vers 07h00 le 13 mars, la jeune femme regardait dans la direction du jardin d'enfants de son fils, qui était partiellement submergé et entouré de débris. Près de deux jours après le séisme, elle cherchait toujours Raito, quatre ans. "A ce moment-là, j'ai pensé que je n'avais qu'une chance sur deux de le retrouver", se souvient-elle. "Certains disaient que les enfants de la crèche avaient été sauvés mais d'autres racontaient, sur la foi d'un tiers, qu'ils avaient tous été emportés par la vague."  

Ishinomaki en mars 2011(en haut) et janvier 2012 (en bas)
 (Toru Yamanaka Kim Jae-Hwan / AFP)

Yuko Sugimoto a vu le jour et a grandi à Ishinomaki, la ville de 150.000 âmes où le cliché a été pris et qui est réputée pour son port et ses pêcheurs. La localité a été frappée de plein fouet par la muraille d'eau provoquée par le séisme sous-marin de magnitude 9.  

On évalue à environ 3.800 le nombre de personnes tuées à Ishinomaki par le tsunami qui a fait, en tout, quelque 20.000 morts et disparus.  

La jeune femme distribuait des boissons dans les environs lorsque la terre a tremblé. Elle a immédiatement cherché à rejoindre son enfant à la crèche mais a dû rebrousser chemin devant la vague. Elle a passé la nuit réfugiée dans sa voiture.  

Le lendemain, elle retrouve son mari et le couple fait la tournée des centres d'évacuation, d'abord en voiture, puis en à bicyclette faute de carburant.   
    
Plus jamais au bord de l'eau

C'est à bord d'une embarcation trouvée par hasard que son mari parvient en pagayant à rejoindre le jardin d'enfants, totalement désert.   
Ce n'est que le lendemain que le couple apprend que leur enfant est bien en vie et qu'il a été secouru le matin suivant la tragédie par des militaires alors qu'il était perché sur le toit de la crèche.  

"Lorsque j'ai aperçu Raito dans le coin de la pièce, je me suis mise à sangloter si fort que mon regard a été totalement brouillé", raconte la mère, qui s'est jetée sur son fils, l'a étreint avant de vérifier méthodiquement qu'il avait ses quatre membres.  

Elle l'a aussi "reniflé" pour s'assurer qu'il s'agissait bien de son petit. Le pressant dans ses bras, elle s'est mise à répéter inlassablement "Merci mon Dieu !"  

Un an après le drame, Yuko Sugimoto pose au même endroit, le visage éclairé par un sourire, son fils dans les bras. Derrière elle, on aperçoit une route goudronnée et des voitures et des camions arrêtés à un feu tricolore.  

Son sourire donne à penser que sa vie a repris un cours normal, ce qui n'est pas tout à fait vrai. Bien que les débris aient été nettoyés plus rapidement qu'elle ne le prévoyait, il faudra encore un certain temps avant que la rescapée et sa famille ne renouent avec une vie normale.  

Yuko Sugimoto photographiée avec son fils au même endroit un an après la catastrophe
 (Toru Yamanaka / AFP)

La maison qu'ils avaient fait construire il y a quatre ans a été partiellement submergée par la vague et presque tous leurs biens ont été perdus. Il leur reste les traites : 310.000 dollars à rembourser en 31 ans.  

Ils vivent aujourd'hui dans une maison en location dont le bail expire en 2013. Revenir habiter dans leur ancienne maison nécessiterait de la raser et de la reconstruire de A à Z.  

"J'adorais auparavant contempler l'océan mais depuis la catastrophe, je ne suis pas allée une seule fois au bord de la mer. Je veux rester à Ishinomaki, mais loin de l'eau", confie-t-elle.  

"Aujourd'hui, chaque jour qui arrive m'est précieux et je comprends que le plus important est le temps passé auprès des miens. Nous sommes encore plus liés qu'avant le drame."

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