Valérie Jouve au MAC/VAL avec quatre femmes de Jéricho
Valérie Jouve a découvert en 2008 la Palestine, où elle a mené plusieurs projets. En 2011 elle loue une maison à Jéricho, une des plus vieilles villes du monde, située à 250 m sous le niveau de la mer, au milieu du désert. Ville de Cisjordanie occupée, même si elle fait partie de la dite zone A, sous administration palestinienne, on l'appelle la ville de la lune, car son nom est issu d'un mot de l'hébreu ancien qui désigne la lune.
Valérie Jouve sympathise avec sa logeuse, Um Hassan (Jamila Mostafa Thalja), une forte personnalité. Quand l'artiste veut la prendre en photo, elle n'est pas d'accord. Alors Valérie Jouve lui demande de travailler avec elle et de faire elle-même des images. Um Hassan propose alors d'inviter d'autres femmes et c'est ainsi qu'est né un projet collectif sur une espèce d'autoportrait à travers le portrait de leur territoire.
Cinq femmes au pays de la lune
Suha Yussef Abusharar, Yasmin M.M. Abu et Jamila Mostafa Thalja les rejoignent pour ce qui deviendra "Cinq femmes au pays de la lune".
Au départ, Valérie Jouve pensait que le projet serait réalisé à partir des intérieurs des femmes. Elle s'est rendu compte que ces Palestiniennes avaient envie de sortir de leurs maisons et de montrer leur territoire, terre désertique qui entoure la ville de Jéricho. Le projet a beaucoup évolué grâce à elles, dit l'artiste française. Et le rapport des quatre femmes à l'image a changé également. Um Hassan explique avec humour qu'elle ne pouvait pas convaincre des gens de les prendre en photo si elle-même refusait qu'on la prenne.
Un travail collectif
Et on les voit souvent sur les photos exposées, même s'il ne s'agit pas de portraits : elles apparaissent dans le paysage, en train de travailler. Quatre cents images sont exposées par blocs, regroupées en fonction des lieux parcourus. Il s'agit d'un vrai travail collectif : dans l'exposition, aucune image n'est signée.
Elles voulaient "donner une image toute simple de la vie sociale à Jéricho", dit l'une. Pas parler de l'occupation, même si inévitablement celle-ci a des conséquences sur leur vie, sur l'impossibilité de circuler. Elles ont choisi de ne pas montrer le mur, ni les barrages de l'armée, parce qu'ils ne sont pas palestiniens, expliquent-elles. On verra tout au plus un drapeau israélien, au bord de la Mer Morte, rappelant qui contrôle les plages.
Donner une belle image de la Palestine
Um Hassan est syrienne. Elle vit là parce qu'elle a épousé un Palestinien. "Je suis venue avec lui pour souffrir", ironise-t-elle.
Tout doucement, on entre dans leur univers, en parcourant d'abord le camp de réfugiés où habitent les photographes, en lisière de la ville. Avec ses petites maisons, le linge qui sèche. Puis on sort de la ville, pour voir une palmeraie, un canal.
Elles ont beaucoup travaillé sur le paysage et il leur tenait à cœur de donner une belle image de la Palestine. Elles se sont rendues au Wadi Qelt, grandiose canyon découpé dans la roche, et à Nabi Mussa, lieu de pèlerinage dans le désert.
Le visiteur bercé par la langue arabe
Aux images s'ajoute un environnement sonore, qui enveloppe le visiteur. On y on entend l'eau, le vent et les paroles des habitants de Jéricho. Valérie Jouve n'a pas souhaité traduire les vidéos et les sons : elle avait envie "qu'on soit bercé par la langue arabe", voulait "donner à cette terre toute l'ampleur de son arabité".
Le projet a été l'occasion, pour les quatre Palestiniennes, de parcourir les alentours comme elles n'ont peut-être pas l'habitude de le faire, et de les regarder avec d'autres yeux. Um Hassan aimerait voyager et se sent enfermée : elle dit qu'elle n'a "jamais aussi bien vu la Palestine qu'avec ce projet".
Valérie Jouve, Cinq femmes au pays de la lune, exposition avec quatre femmes de Jéricho, MAC/VAL – Musée d'art contemporain du Val-de-Marne, place de la Libération, 94400 Vitry-sur-Seine
Du mardi au vendredi, 10h-18h
Samedi, dimanche et jours fériés : 12h-19h
Fermé le lundi
Tarifs : 5€ / 2,5€, gratuit pour tous le premier dimanche du mois
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.