Martin Bureau photographie les fantômes du mythique "36 Quai des Orfèvres" déserté depuis deux ans
Le siège pendant un siècle de la police judiciaire en plein coeur de Paris. Désert, comme abandonné. Les lieux, restés dans leur jus depuis deux ans, comme si ses policiers l'avaient quitté du jour au lendemain, évoquent moins un déménagement qu'un cambriolage.
Il reste des objets du quotidiens, banals. Et d'autres qui racontent de petits bouts d'histoires. Comme ces traces de ballon de foot au plafond au-dessus du bureau de l'ancien patron de la Crim'. Les étiquettes dans les placards qui répertorient les dossiers de criminels célèbres, comme celui du tueur en série Guy Georges. Des cadavres de bouteilles qui sentent le pot de départ.
Les lumières et l'écran de surveillance sont restés allumés
Quelques indices trahissent le qui-vive d'une époque révolue. Donnant l'impression troublante que tout pourrait reprendre vie, d'une seconde à l'autre. Ces torches encore sur leurs socles de recharge. Ou encore ces silencieux dans l'armurerie. Au dépôt, la lumière est restée allumée, comme l'écran de surveillance que plus personne ne regarde. Les cellules, la coursive au-dessus, l'atmosphère carcérale inchangée.
Les cellules de garde à vue disent l'angoisse, l'attente des suspects. Graffitis solidaires ou menaçants. "Les frères ne balance (sic) jamais, il faut être des hommes" est gravé dans le montant d'une porte.
Aux Stups', des tests urinaires, des kits sanguins. Et le "séchoir", ce réduit sous les toits où l'on étendait les pièces à conviction souillées, notamment de sang, récupérées sur les scènes de crime. Un petit escalier mène sur les toits: il se dit que les "chefs" y emmenaient leurs invités pour faire valoir la vue, spectaculaire, sur les toits de Paris.
Dans les bureaux de ces étages hauts, des barreaux installés aux fenêtres rappellent le suicide en 2002 de Richard Durn. Au lendemain de ses aveux concernant huit meurtres, il s'était jeté à travers un vasistas, chutant de quatre étages dans la cour. Un traumatisme pour la maison.
Le "36" appartient à la culture populaire
A regarder certains téléphones et interphones, statiques et jaunasses, comme les vieilles affiches au mur, on s'attend à voir Lino Ventura ou une autre star des années 1970 passer la porte. C'est que le "36", avec sa grise mine de commissariat, a souvent été reconstitué au cinéma. Comme dans les livres de Simenon, autour de son inspecteur Maigret. Le "36" appartient à la culture populaire.
Jacques Mesrine, l'ennemi public numéro un des années 1970, est passé ici. Comme le docteur Petiot, arrêté pendant la guerre après la découverte à son domicile parisien des restes de 27 personnes, ou le baron Empain, libéré après 63 jours d'un enlèvement crapuleux. Et tellement d'autres grandes figures du crime...
L'avenir de ces locaux est inconnu
Le "36" est devenu une aile fantôme dans l'enceinte du Palais de justice. Les services de police - à l'exception d'une brigade d'intervention autrefois appelée l'Antigang, comme une partie des tribunaux, ont migré au profit de locaux plus modernes dans le nord de Paris. L'avenir de cette coquille vide quai des Orfèvres n'est pas encore connu.
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