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Louis Faurer, photographe de la fragilité, à la Fondation Cartier-Bresson

Louis Faurer, photographe sensible et instinctif a saisi la rue new-yorkaise comme personne dans les années 1940 et 1950, traquant sur ses avenues et à Times Square une multitude de personnages isolés dans la foule. La Fondation Henri Cartier-Bresson lui rend hommage avec la première exposition depuis longtemps à Paris.
Article rédigé par Valérie Oddos
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Louis Faurer, A gauche, "Sourds-muets, New York", 1950 - A droite, "Win, Place, and Show, métro aérien de la 3e Avenue à la 53e rue, New York", c.1946-1948
 (A gauche et à droite : Louis Faurer Estate)

Remarqué par Edward Steichen, alors conservateur au MoMA, qui le qualifiait de "lyrique de l'appareil photo", Louis Faurer (1916-2001) a participé à de grandes expositions collectives comme "In and Out of Focus" (1948) ou "The Family of Man" (1955). Il a porté un regard très personnel, plein d'une compassion communicative face à la faiblesse des êtres qu'il croisait dans les rues de New York, un regard sur une part plus intime de ces individus qui annonçait celui de Diane Arbus ou Garry Winogrand. Il est pourtant moins connu que les autres membres du courant de la street photography américaine de l'après-guerre.

Louis Faurer, "Accident, New York", 1952
 (Louis Faurer Estate, Courtesy Deborah Bell)


Des personnages solitaires perdus dans la foule

Né à Philadelphie en 1916, Louis Faurer aime dessiner dès son plus jeune âge et fait ses premiers pas de photographe, dans la rue déjà, où il remarque des personnages solitaires perdus dans la foule. Avec "Happy, Cantrell St" (un petit garçon sous les cuivres d'une fanfare), il gagne en 1937 un concours organisé par un hebdomadaire local. Ce prix le décide à faire de la photographie son métier.
 
Il se rend souvent à Market Street, où il ose des cadrages audacieux, coupant les visages et les corps, isolant un élément comme la caisse d'un mendiant qui proclame "je suis complètement aveugle" : du personnage, on ne voit que les jambes, un bout de bras et une main posée sur une canne blanche tandis que les passants indifférents sont coupés à la moitié du corps, ce qui ajoute au côté anonyme de la foule.
Louis Faurer, "Market Street, Philadelphie", 1937
 (Louis Faurer Estate)


Les laissés-pour-compte de New York

Louis Faurer déménage au milieu des années 1940 à New York, où il va gagner sa vie comme photographe de mode pour diverses revues, notamment Harper's Bazaar. C'est là aussi que, parallèlement, il continuer à mener un travail personnel dans les rues et en particulier à Times Square, souvent le soir.
 
Il continue à s'intéresser aux laissés-pour-compte : un petit vendeur qui se protège du froid, de vieilles femmes seules et tristes, une sans-abri accablée qui pousse un gros chariot, courbée sous la pluie, un adolescent sidéré et recroquevillé après un accident.
Louis Faurer, "New York" 1949
 (Louis Faurer Estate, Courtesy Howard Greenberg Gallery)

Le photographe de la fragilité

Mais ses sujets sont variés, cela peut être un couple de riches devant le Waldorf Astoria, des New-yorkais lambda. Il est plus généralement sensible à la fragilité humaine, parfois avec humour, comme quand il surprend cette "Femme freudienne" aux yeux interrogateurs, qui cache la moitié de son visage derrière un tas de journaux et un gros livre sur le père de la psychanalyse.
 
Il photographie à l'instinct, tout en faisant preuve d'un grand souci de composition. D'un homme qui regarde vers le haut du Rockefeller Center, façade presque abstraite, on ne voit que le chapeau blanc, incliné vers l'arrière.
Louis Faurer, "Chômeur observant le Rockefeller Center, New York", 1947
 (Louis Faurer Estate)


Reflets, doubles expositions, surimpressions 

Louis Faurer fait toujours ses tirages lui-même. Parfois il joue avec des reflets, des doubles expositions ou des surimpressions, le flou ou le grain, nous perdant dans la poésie de la ville, sa ville, New York, qui aura été son sujet quasi unique. Il prend souvent ses photos de derrière une vitrine, une chaussure ou un mannequin flottent au-dessus de la silhouette  d'un passant.

Après quelques années passées à Londres, Paris et Montréal au début des années 1970, il y reviendra pour trouver une ville changée. L'âge d'or de son travail aura été les années 1940-1950.
 
L'exposition d'une centaine de tirages et documents à la Fondation Cartier-Bresson est l'occasion de découvrir ou redécouvrir le travail de celui que Robert Frank qualifiait d'"artiste extraordinaire", dont l'œil battait "au rythme de la rue new-yorkaise".
 
 

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