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Le photographe américain Emmet Gowin à la Fondation Cartier-Bresson

Le photographe américain Emmet Gowin produit depuis cinquante ans une œuvre singulière et sensible, centrée d'abord sur sa famille, avant de s'élargir au paysage et aux traces que l'homme y imprime. La Fondation Cartier-Bresson lui consacre une exposition importante, avec 130 photos en noir et blanc. Du 14 mai au 27 juillet 2014.
Article rédigé par Valérie Oddos
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Emmet Gowin, Nancy, Danville (Virginie), 1969
 (Emmet Gowin, Courtesy Pace /MacGill Gallery, New York)

L'exposition s'ouvre sur un portrait d'Edith en 1963. La jeune femme de 22 ans se détache sur un fond flou de végétation, son regard intense est tourné de côté. L'ombre d'une branche lui traverse la joue et le cou, comme une caresse.
 
Emmet Gowin, fils d'un pasteur méthodiste, a rencontrée Edith à un bal à Danville (Virginie), où il est né en 1941, et ils se marieront l'année suivante.

Emmet Gowin, Edith et Elijah, Newtown (Pennsylvanie), 1974
 (Emmet Gowin, Courtesy Pace/ MacGill Gallery, New York)
 
Edith, "le poème centrale de mon œuvre"

Après un début d'études de commerce, il a étudié l'art et se dirige vers la photographie, nourri des images d'Henri Cartier-Bresson, Ansel Adams ou Walker Evans. Edith est son grand sujet. "Photographier Edith reste le fil conducteur et l'expérience rédemptrice de ma vie. C'est, dans une large mesure le poème central de mon oeuvre", a-t-il écrit.
 
Plus largement, ce sont les photos de sa famille qui ont fait connaître le photographe américain, dans les années 1970. Des photos qui dégagent quelque chose d'étrange. La petite Nancy allongée dans l'herbe, les yeux clos, entourée de toutes ses poupées, pourrait offrir un tableau d'enfance banal, l'image est légèrement inquiétante. Tout comme celle où Edith tient son fils Elijah contre elle, la tête en bas.
 
Les cheveux de Ruth ne semblent pas soulevés par le vent mais par une sorte de magnétisme surnaturel.
 
Une étrange réalité

Quand on l'interroge sur l'étrange de ses photos, Emmet Gowin dit que "ce qui est étrange, c'est la réalité". Il explique que, quand il a pris ces photos, il ne comprenait pas ce qu'il faisait. C'est seulement après les avoir tirées qu'il a pu le voir. Le résultat n'était pas ce qui avait été prévu, il allait au-delà de son intention. Pour lui, "la réalité est plus vaste que tout ce que nous pouvons imaginer, plus que tout ce qu'on peut souhaiter".
 
Pendant 36 ans, Emmet Gowin a enseigné à l'université de Princeton. Avec ses étudiants, tous les ans, il faisait un portfolio où chacun proposait une photo. Il aimait alors ressortir un négatif qu'il avait réalisé quand il avait leur âge et qu'il n'avait jamais tiré, s'apercevant que dans ces photos anciennes, il pouvait découvrir des choses insoupçonnées.
 
Tout en parlant de l'expérience qui fait son chemin, de l'apprentissage qui continue, le photographe revendique quelque chose d'enfantin dans sa démarche. "Lorsqu'on est enfant, on aime passer du temps à contempler le reflet du soleil sur l'eau, le tissu de la moustiquaire du porche, l'ouverture et la fermeture des portes. J'espère ne jamais abandonner ces plaisirs", a-t-il écrit.
 
Des vues aériennes quasi-abstraites

Utilisant parfois une lentille 4x5 sur une chambre 8x10, il obtient un vignetage qui rend les images plus étranges encore.
 
Emmet Gowin n'a pas travaillé que chez lui, il a voyagé, photographiant Petra en Jordanie ou l'Italie, avec des paysages enneigés ou une Matera minérale. A partir des années 1970 il s'intéresse aux traces laissées par l'activité humaine dans la nature et se lance dans la photographie aérienne de sites dévastés par des éruptions, des mines à ciel ouvert, l'agriculture intensive, les cratères laissés par des essais nucléaires.
 
Il livre alors des photos quasi abstraites où des lignes, des cercles, de petites formes graphiques témoignent de l'empreinte laissée par l'homme sur la surface terrestre.

Pourtant, pour lui, "même lorsqu'un paysage est profondément défiguré ou brutalisé il brûle encore d'une vive animation intérieure".
 
Des papillons de nuit qui mènent à Edith

Son dernier sujet, avec des biologistes, tourne autour de milliers d'espèces de papillons de nuit en Amérique du Sud. Un travail qui le ramène une fois de plus à Edith. Elle est toujours au centre des images récentes d'Emmet Gowin : des épreuves uniques, tirages virés à l'or sur des papiers salés anciens et faits à la main, où elle apparait en ombre, graffitée. Ou bien dans un fascinant nu derrière un nuage de papillons de nuit en surimpression.
 
Parlant du regard d'Edith sur ses photos, il se demande si elles sont réussies parce qu'il est un bon photographe ou si c'est grâce à la simple présence de sa femme. En tout cas, nous assure-t-il, "si je n'avais pas épousé Edith, vous n'auriez jamais entendu parler de moi".
 
Emmet Gowin, Fondation Henri Cartier-Bresson, 2 impasse Lebouis, 75014 Paris
Du mardi au dimanche 13h-18h30
Samedi 11h-18h45
Nocturne gratuite le mercredi de 18h30 à 20h30
Fermé le lundi
Tarifs : 7€ / 4€
Du 14 mai au 27 juillet 2014

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