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Laure Albin Guillot, le classicisme en question au Jeu de Paume

Peu connue du grand public aujourd'hui, Laure Albin Guillot fut pourtant une photographe reconnue et influente dans les années 1930-1940, où elle réussit à imposer son style classique dans le portrait, la photographie publicitaire naissante et l'édition. Le Jeu de Paume lui rend hommage en exposant 200 de ses images (jusqu’au 12 mai 2013)
Article rédigé par Valérie Oddos
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Laure Albin Guillot : à droite, estampe pour F. Marquis, chocolatier-confiseur, héliogravure, collection particulière - A gauche, portrait de Lucienne Boyer, vers 1935, Collections Roger-Viollet / Parisienne de Photographie
 (A gauche, collection particulière - A droite © Laure Albin Guillot / Roger-Viollet)

Sa position dominante a-t-elle agacé ? Ou bien ses images à l’esthétisme parfait ennuyé ? Toujours est-il qu’elle était peu montrée ces dernières années. Dans une notice du Centre Pompidou, Quentin Bajac, ancien directeur du département de photographie du Centre, en poste aujourd'hui au MoMA de New York, qualifiait Laure Albin Guillot de "photographe pour historiens de la photographie". C'est l'occasion aujourd'hui pour le grand public de découvrir son oeuvre.

Laure Meifredy est née an 1879 dans un milieu bourgeois. Elle est pianiste et épouse à 18 ans Albin Guillot, médecin et musicien comme elle, dont elle gardera le nom et le prénom. On ne sait pas comment elle s’est formée à la photo, mais elle commence en 1922 à faire des portraits et des photos de mode.
 
"Photographe de quartier" chic
Elle installe un atelier chez elle, dans le XVIe arrondissement de Paris, se disant "photographe de quartier" pour les bonnes familles, les personnalités et les artistes. Elle photographie Colette, Louis Jouvet, Paul Valéry en gros plan, le regard qui brille. Anna de Noailles la fixe droit dans l’objectif. Marquées par le pictorialisme, ses images flattent le modèle, représenté dans une lumière douce et légèrement floue, dans un décor neutre.

Laure Albin Guillot, Louis Jouvet, vers 1925, Collections Roger-Viollet / Parisienne de Photographie
 (Laure Albin Guillot / Roger-Viollet)

 
Laure Albin Guillot aime photographier les mains, celles des artisans, celles des musiciens, celle, célèbre, de Cocteau en train de fumer.
 
Elle fait aussi de nombreux nus, pas seulement féminins d’ailleurs. Selon Christian Bouqueret (catalogue de l’exposition du Jeu de Paume "Paris, capitale photographique", 2009), elle est la première à exposer des nus masculins. Ses nus rappellent les sculptures classiques, l’aspect laiteux de la peau évoquant le marbre, remarque le collectionneur.
 
Des nus féminins et masculins
Ils ne sont pas scandaleux, même si Facebook a récemment censuré celui qui figurait sur le compte du Jeu de Paume.

Laure Albin Guillot, Etude publicitaire, sans date, Collection Musée Nicéphore Niépce, Ville de Chalon-sur-Saône
 (Musée Nicéphore Niépce)

 
En revanche, la photographe ose parfois des cadrages de son temps, isolant une jambe, coupant un visage. Un de ses nus, sans tête, est publié à côté du "Violon d’Ingres" de Man Ray dans l’album du premier Salon international du nu photographique en 1933. Elle se lance aussi dans quelques solarisations.
 
Rapidement, Laure Albin Guillot est très en vue à Paris. Elle est membre de la Société des artistes décorateurs et de la Société française de photographie. Quand son mari meurt, en 1929, elle va devoir compter sur son travail pour vivre et elle travaille beaucoup. Son fonds d’atelier, qui appartient aujourd’hui à la Ville de Paris, compte 52.000 négatifs et 20.000 épreuves. Et pourtant une partie de sa production a été détruite dans une inondation.

Laure Albin Guillot, Etude de nu, 1939, Bibliothèque nationale de France
 (Laure Albin Guillot / Roger-Viollet)

 
Une femme très en vue
Pour une femme de son époque, elle fait une carrière remarquable et occupe une position importante, voire dominante, dans le paysage photographique de l’époque, puisqu’elle est nommée successivement, en 1932 et 1933, à la tête des archives photographiques de la direction générale des Beaux-Arts (futur ministère de la Culture) et de la Cinémathèque nationale.
 
Laure Albin Guillot expose abondamment, publie des livres et des images publicitaires. Car elle participe à la naissance de la photographie publicitaire. Cette amoureuse du beau travaille pour l’industrie du luxe ou du cosmétique. Mais elle transforme aussi une ampoule Mazda en bijou posé dans un écrin. Elle écrira même un ouvrage théorique, "Photographie publicitaire"
 
Toujours dans le domaine du beau, la photographe conçoit une curiosité, l’utilisation décorative d’images au microscope, qu’elle baptise "micrographies décoratives". Ces motifs abstraits et colorés seront utilisés pour orner des abat-jour ou du papier peint.
 
Des livres publiés avec Paul Valéry
Les livres de Laure Albin Guillot, souvent à tirage limité, sont devenus des pièces de collection. Elle collabore avec Paul Valéry, pour "La Cantate de Narcisse" ou des textes sur les "Arbres".
 
L’exposition aborde tous ces aspects de son travail, en 200 images et publications, qui montrent l’influence qu’elle a pu avoir. Sous Vichy, elle poursuit son travail, publiant même un livre sur les "Petits métiers de Paris" pour "Mme la Maréchale Pétain". Et ses photos sont utilisées pour un ouvrage vantant les "Nouveaux destins de l’intelligence française".
 
Elle affirmera à la fin de sa vie avoir "fait accepter la photographie dans la bibliophilie".
 
Laure Albin Guillot (1879-1962), l'enjeu classique, Jeu de Paume, 1 place de la Concorde, Paris 8e
tous les jours sauf le lundi et le 1er mai
mardi : 11h-21h, mercredi-dimanche : 11h-19h
du 26 février au 12 mai 2013
 
 
 



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