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La collection Artur Walther à la Maison rouge : exposition prolongée

Un peu plus d'un an après l'exposition d'Arles, la Maison rouge expose une sélection de la collection de photographies d'Artur Walther, riche en œuvres africaines et asiatiques, choisies par le commissaire Simon Njami et axées sur l'aspect sériel de la photographie. Une exposition dense et frappante (l'exposition est prolongée jusqu'au 24 janvier 2016).
Article rédigé par Valérie Oddos
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Samuel Fosso, "Africain Spirits", 2008, de gauche à droite, Nelson Mandela, Aimé Césaire, Angela Davis
 (Samuel Fosso, Courtesy The Walther Collection and Jean-Marc Patras / Paris)

Artur Walther est un ancien homme de la finance allemand émigré aux Etats-Unis qui a commencé à collectionner des photographies à la fin des années 1990 et a lui-même appris à se servir d'un appareil en faisant des stages avec les plus grands.
 
Il a commencé sa collection avec des photographes allemands, comme Bernd et Hilla Becher et leurs photos de bâtiments industriels, et Karl Blossfeldt, dont les photogravures de plantes qu'il a photographiées systématiquement en gros plan sur fond neutre à la fin du XIXe et au début du XXe siècle ressemblent à des œuvres de l'imagination. Des dizaines de celles-ci courent sur deux rangs le long mur de l'entrée de l'exposition qui débouche sur deux séries de hauts-fourneaux et de gravières des Becher.

Bernd  et Hilla Becher, Kies-und Schotterwerke (Gravières), 1988-2001
 (Bernd et Hilla Becher, Courtesy The Walther Collection et Sonnabend Gallery)


Un accrochage en lignes, carrés ou rectangles serrés

Car l'exposition d'une sélection de 800 œuvres par Simon Njami, qui a été commissaire des Rencontres de la photo africaine de Bamako pendant sept ans, est axée sur les séries. Celles-ci sont accrochées serré, en carrés de 9 photos, en rectangles de 12 ou 15, en ligne simple, comme celle ces "101 Works for Robert Frank" (1993) du Japonais Nobuyoshi Araki qui parcourent plusieurs salles du niveau -2 de la Maison rouge.
 
Ce qui intéresse Artur Walther, c'est cette forme sérielle, loin de l''"instant décisif" d'Henri Cartier-Bresson. Au départ de sa collection, ce qui lui a plu dans le travail des Becher, c'est "leur vision systématique – leur façon d'organiser des structures et des motifs". L'idée n'est pas nouvelle, selon laquelle ce n'est pas la photo autonome qui compte, mais la manière selon laquelle elle prend sa dimension au sein d'une série. L'idée est démontrée de façon puissante dans cette exposition où les séries de 50 artistes se répondent et épousent constamment l'espace.
Guy Tillim, "Grande Hotel, Beira, Mozambique"de la série "Avenue Patrice Lumumba", 2007
 (Guy Tillim, Courtesy The Walther Collection and Stevenson, Cape Town and Johannesburg)


Angust Sander dialogue avec Richard Avedon et Seydou Keita

S'il a commencé avec les Allemands, Artur Walther est aussi celui qui possède la collection la plus importante de photographie africaine contemporaine, du Mali à l'Afrique du Sud et du XIXe siècle à aujourd'hui. Elle représente les deux tiers ou les trois quarts de sa collection et dans cette exposition, il voulait particulièrement la mettre en valeur. À la Maison rouge, 60 des types sociaux allemands immortalisés par August Sander dialoguent avec les célèbres portraits de studio de Seydou Keita jouant avec les motifs textiles des vêtements et du fond, et encore avec les 69 images de la série "The Family" (1976) de Richard Avedon sur les Américains les plus puissants.
 
Une douzaine d'autoportraits en héros Africains et Afro-américains où Samuel Fosso s'efface derrière les figures d'Angela Davis, Malcolm X ou Nelson Mandela occupent une petite pièce.
 
Tous les grands noms de la photographie sud-africaine sont là, d'un diptyque désertique de David Goldblatt aux paysages urbains et aux scènes mystiques de Santu Mofokeng, du Mozambique colonial décati de Guy Tillim aux paysages angolais dévastés par la guerre de Jo Ractliffe.
Jo Ractliffe, "Remains of the trench system" I, II, III, de la série "As Terras do Fim do Mundo", 2009
 (Jo Ractliffe, Courtesy The Walther Collection and Stevenson, Cape Town and Johannesburg)


Regard sur l'autre

Plus inattendues, des photos de studio anonymes sud-africaines datant du tournant du XIXe et du début du XXe et des cartes postales de la même époque représentant des Zoulous, reflet du regard occidental sur les Africains qui les voient comme des curiosités. Santu Mofokeng, photographe sud-africain contemporain noir s'est interrogé à l'inverse sur l'image que se faisait d'elle-même une classe moyenne noire naissante avant l'apartheid, en recueillant des photos de dix familles datées de 1890 à 1950 ("The Black Photo Album").
 
Regard sur un "autre" différent, aussi, avec les photos de repris de justice d'Alphonse Bertillon, créateur en France de l'anthropométrie judiciaire, ou des fiches judiciaires américaines au début du XXe siècle.
Zhang Huan, "Skin" (20 autoportraits), 1997
 (Shang Huan, Courtesy The Walther Collection and Pace Gallery)


Des artistes qui réfléchissent aux changements sociaux

Rapidement, Artur Walther a voyagé en Chine où il a découvert un univers photographique complètement différent reflétant un monde en transition qui l'a déstabilisé. Il lui a fallu plusieurs années avant de collectionner la photo chinoise, dit-il.
 
Ma Liuming, artiste provocateur, a cherché à explorer l'impact de la nudité dans l'espace public chinois, où elle est prohibée. Il a inventé pour cela la figure androgyne Fen-Ma Liuming. La Maison rouge expose une belle série où il promène sa fine silhouette et ses longs cheveux sur la Grande muraille (1998). On remarquera aussi "Lotus Block" de Luo Yongjin qui fragmente un groupe d'immeubles en 60 images
 
L'homme est toujours au centre de la collection d'Artur Walther et, qu'ils soient africains ou asiatiques, les artistes qu'il a achetés l'intéressaient parce qu'ils "réfléchissaient aux changements sociaux en cours dans leurs sociétés respectives".
 
Après Eden, La Collection Walther, la Maison rouge, 10 boulevard de la Bastille, 75012 Paris
Tous les jours sauf lundi, mardi, le 25 décembre, le 1er janvier et le 1er mai
Du mercredi au dimanche, 11h-19h, nocturne le jeudi jusqu'à 21h
Tarifs : 9€ / 6€ 
L'exposition, prévue initialement jusqu'au 17 janvier, est prolongée d'une semaine, jusqu'au 24 janvier.

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