"Iconic Avedon" : la galerie Gagosian à Paris expose les clichés iconiques du maître du portrait Richard Avedon

De Marilyn à Charlie Chaplin, sans oublier les Beatles ou Rudolf Noureev, toutes les célébrités du XXe siècle sont passées devant l'objectif du photographe américain, mais aussi nombre d'anonymes qu'il a su magnifier. Une soixantaine de ses clichés sont à admirer à Paris jusqu'au 2 mars.
Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 6min
Une vue de l'exposition "Iconic Avedon : A Centennial Celebration of Richard Avedon" à la Galerie Gagosian, à Paris, janvier 2024. (THE RICHARD AVEDON FOUNDATION / THOMAS LANNES / COURTESY GAGOSIAN)

Iconique et faiseur d'icônes : tel était Richard Avedon, disparu en 2004. La galerie Gagosian à Paris expose jusqu’au 2 mars une soixantaine de clichés de l’immense photographe américain, à l’occasion du centenaire de sa naissance en mai 1923. Après avoir réuni cent photos de cet œil unique pour une rétrospective l’an passé à New York, cette exposition parisienne en est une version condensée. Sous le titre Iconic Avedon, elle montre à la fois le statut d’icône du photographe, dont l’influence est immense sur la culture de l’image depuis sept décennies, tout en explorant les icônes qu’il a su inventer en magnifiant ses modèles, célèbres ou anonymes.

L’exposition débute avec ses premiers clichés de mode pour Harper’s Bazaar réalisés dans les années 1940 et 1950 pour la plupart à Paris, des Folies Bergère au Café des Beaux-Arts, en passant par la place de la Concorde. Des photos splendides en noir et blanc, pleines d’idées de mise en scène novatrices, qui ont lancé sa carrière. On y admire notamment la photo bien connue de Dovima en robe Dior, domptant avec grâce deux éléphants du Cirque d’hiver en 1955.

Une vue de l'exposition "Iconic Avedon : A Centennial Celebration of Richard Avedon" à la Galerie Gagosian, à Paris, janvier 2024. (THE RICHARD AVEDON FOUNDATION / TOMAS LANNES / COURTESY GAGOSIAN)

On continue avec son travail, notamment pour Vogue, où sa patte déjà très affirmée continue d’évoluer. On y admire Twiggy et sa chevelure au vent, telle celle d’une sirène ; la ligne pure du danseur Rudolf Noureev nu, arc-bouté en arrière, comme prêt à l’envol ; ou le profil hiératique de la vicomtesse Jacqueline de Ribes, dont le port de tête, mis en valeur par la coiffure, a la majesté d’un cygne.

La vicomtesse Jacqueline de Ribes (coiffure Kenneth, New York, 14 décembre 1955). (PHOTOGRAPH BY RICHARD AVEDON / THE RICHARD AVEDON FOUNDATION / COURTESY GAGOSIAN)

C’est ici que commence véritablement l’exercice du portrait que cet amoureux du noir et blanc a érigé en art. "À mesure que sa notoriété grandissait, les figures majeures du XXe siècle – performeurs, écrivains, artistes, intellectuels et autres personnalités – ont fait appel à lui pour se découvrir sous son objectif", rappelle la galerie Gagosian.

C’est Marlene Dietrich au Ritz (1955), coiffée d’un turban Dior, allumant une cigarette d’une main gantée de cuir, les yeux de velours pensifs ; c’est le coup de menton de Gabrielle Chanel au cou bardé de colliers (1958), en contre-plongée peu flatteuse. C’est aussi Charlie Chaplin sexagénaire faisant les cornes avec une espièglerie réjouissante, ou encore Marilyn Monroe, dont le regard dans le vague laisse transparaître tristesse et vulnérabilité.

Portrait du comédien Charles Chaplin, à New York, le 13 septembre 1952. (RICHARD AVEDON / THE RICHARD AVEDON FOUNDATION / COURTESY GAGOSIAN)

Après les mises en scène en extérieur qui ont fait son succès, le photographe se retranche à l'intérieur : ses portraits sont dès lors presque tous réalisés en studio, avec un simple fond blanc. "Je préfère toujours travailler en studio. Il isole les gens de leur environnement. Ils deviennent en quelque sorte… symboliques d’eux-mêmes", disait Avedon.

Dans la vaste salle principale de l’exposition, son travail pour les Beatles, en couleurs psychédéliques, une rareté, fait face à un panneau mêlant dix Marilyn en pied, bougeant, dansant et souriant, en 1957, dans un montage techniquement habile préfigurant Photoshop.

"Iconic Avedon : A centennial celebration of Richard Avedon". Vue de la principale salle du rez-de-chaussée à la Galerie Gagosian. (THE RICHARD AVEDON FOUNDATION / THOMAS LANNES / COURTESY GAGOSIAN)

Un cliché osé d’Allen Ginsberg dénudé enlaçant Peter Orlovsky voisine avec une photo de Brigitte Bardot, radieuse dans la simplicité de son éclatante beauté. Il ne faut pas manquer de jeter un œil aux vitrines, qui donnent un aperçu des séances, avec des planches contact jubilatoires, en particulier les amoureux Ginsberg et Orlovsky, langue de l'un dans le nez de l'autre : ici, ni les regardés ni le regardant n’ont froid aux yeux et on est en 1963. "Mes portraits en disent plus sur moi que sur les personnes que je photographie", confiait Richard Avedon.

Échange créatif intime

Au-delà de la beauté, de l’élégance, de la composition, du cadrage, de l’audace des poses et même du regard d’Avedon, ce qui frappe avant tout, ce qu’ont en commun tous ces portraits, c’est la présence énorme qui se dégage des photographiés. Les photos semblent le fruit d’un échange créatif, intime, et souvent, avouait-il, sans paroles et sans lendemains.

À cet égard, la salle située à l’étage supérieur est puissante. Face à un mur couvert de clichés moyen format de personnalités politiques américaines des années 1970, posant à l'occasion du bicentenaire des États-Unis, le torse nu d'Andy Warhol méchamment couturé s'offre au regard, un an après la tentative d'assassinat par balles qui lui a transpercé les principaux organes (1969). Il voisine avec le portrait de William Casby "né en tant qu'esclave" (1963), et les deux images sont si vibrantes de vie qu'elles semblent prêtes à sortir du cadre.

Sandra Bennett, 12 ans, Rocky Ford, Colorado, 23 août 1980. (RICHARD AVEDON / THE RICHARD AVEDON FOUNDATION / COURTESY GAGOSIAN)

Au fond, deux portraits aimantent irrésistiblement le regard du visiteur : celui de Sandra Bennett, 12 ans, en salopette et le visage constellé de taches de rousseur, y trône en grand format, à côté de celui de Ronald Fischer, un apiculteur albinos torse nu et couvert d’abeilles. Ces deux photos ultra-connues ont été prises au début des années 80, lorsque Richard Avedon parcourait l’Ouest américain pour immortaliser des citoyens ordinaires. Des personnes supposément banales que ce maître a réussi, une fois encore, à rendre iconiques.

"Iconic Avedon : A Centennial Celebration of Richard Avedon"

Jusqu’au 2 mars 2024 à la Galerie Gagosian, 4 rue de Ponthieu, 75008 Paris (entrée libre)

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