Décès du photographe américain Saul Leiter, pionnier de la couleur
"Saul Leiter était malade", a précisé jeudi à l'AFP Roger Szmulewicz, ami proche du photographe, et directeur de la galerie 51 à Anvers (Belgique).
Très atypique, "bougon, un peu dans son monde", Saul Leiter "a connu le succès sur le tard", raconte Agnès Sire, la directrice de la Fondation Henri Cartier-Bresson (HCB), qui avait consacré une exposition au photographe en 2008.
"Je n'ai jamais été guidé par l'ambition", avait expliqué Saul Leiter, présent à Paris pour le vernissage de son exposition. "J'ai passé une grande partie de ma vie à être ignoré. J'ai toujours été heureux ainsi", avait ajouté le photographe.
La peinture, vocation première
Né à Pittsburg (Pennsylvanie) en 1923, Saul Leiter est le fils d'un rabbin qui voulait que ses trois fils suivent sa trace. Saul, qui préfère la peinture, part pour New York en 1946. Il se lie d'amitié avec le peintre expressionniste abstrait Richard Pousette-Dart, qui l'encourage à faire de la photographie.
"Mon père désapprouvait mon travail, la vie que j'avais choisie", avait coutume de dire l'artiste. "C'est sans doute pour cela que je fais profil bas. J'ai été habitué à la désapprobation".
Sa mère le soutient. Et lui offre, à sa demande, son premier appareil photo. Il a douze ans. En 1947, après avoir visité l'exposition Henri Cartier-Bresson au Museum of Modern Art de New York (MoMA), Saul Leiter décide de devenir photographe.
New York en noir et blanc et en couleur
Il s'achète un Leica et commence à photographier les rues de New York en noir et blanc. Un monde flottant, un peu embué, où l'on ne voit pas le ciel, ni l'architecture de la ville. Saul Leiter capte un détail, des reflets dans la vitre d'un bar, des hommes en chapeau, des vieilles dames avec canne, des personnages de dos, d'autres qui se recroquevillent. Derrière ces clichés, pas de message social, ni politique. Mais une émotion et beaucoup de poésie.
Dès 1948, Saul Leiter découvre la photographie couleur, qui lui plaît, alors qu’elle n’est alors pas du tout à la mode. "Certains disent que la photo couleur, c'est superficiel. Je ne suis pas d'accord", souligne-t-il. Il fait sa première exposition de photo couleur dans les années 1950 à l’Artist’s Club.
En 1953, Edward Steichen, conservateur en chef de la photographie au MoMA, sélectionne plusieurs de ses clichés noir et blanc pour l'exposition "Always the Young Stranger".
Un photographe longtemps confidentiel
Mais ce n'est pas ce style de photographie qui le fera vivre. Saul Leiter devient photographe de mode au début des années 1950 et le restera jusque dans les années 1980. Il est publié notamment dans Esquire et Harper's Bazaar.
Son travail de rue, plus personnel, n'est redécouvert qu'à la fin des années 1990 aux Etats-Unis, après la publication de la monographie "Early Color". Le travail de Saul Leiter est remarquable par la douceur de ses couleurs, où l’on peut voir son œil de peintre. Il regarde sa ville derrière une vitre embuée, presque en noir et blanc sous la neige, où seul un feu rouge ou un parapluie donne un peu de couleur. Il aime les flous et les tons chauds. Il avait aussi photographié Paris.
A New York, Saul Leiter est représenté par le galeriste Howard Greenberg. A Paris, il avait aussi été exposé en 2008 et en 2010 à la galerie Camera Obscura.
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