Tout Martial Raysse au Centre Pompidou, du pop art aux grands tableaux
Martial Raysse est né en 1936 dans une famille de céramistes à Golfe-Juan-Vallauris, près de Nice. Il veut être écrivain et commence des études de lettres. C'est pourtant vers la peinture et la sculpture qu'il se tourne, en autodidacte. Car les mots ne suffisent pas à traduire ses "émotions poétiques", et "la peinture est un langage universel", dira-t-il.
Les Prisunic, nouveaux musées d'art moderne
A Nice, au tournant des années 1960, Martial Raysse se lie à Ben, Arman, Yves Klein, ces "nouveaux réalistes" qui prélèvent dans le quotidien des objets qu'ils assemblent. L'exposition du Centre Pompidou commence avec des "Arbres" constitués de bouteilles en plastique usagées.
"Les Prisunic sont les nouveaux musées d'art moderne", proclame-t-il, utilisant des boites neuves qu'il accumule dans des vitrines, empruntant à l'imagerie de la publicité et de la vie quotidienne. Il réalise de joyeuses sculptures de néon, peint des figures féminines à partir de photos agrandies, en couleurs fluo, collant des objets en plastique sur la toile, ou soulignant une bouche d'un trait de néon.
La plage est un grand thème de ces premières œuvres de Martial Raysse, qui crée en 1962 une installation baptisée Raysse Beach pour le Stedeljik Museum d'Amsterdam, où des baigneuses sur fonds de couleurs vives, peintes sur des panneaux verticaux, encadrent une surface de sable couverte de ballons, bouées et animaux en plastique gonflable et bordée d'un juke box.
Chasser l'idée de la mort
"Je voulais exalter le monde moderne, l'optimisme et le soleil (…) La mort est bien assez affreuse, suffisamment inquiétante", expliquera-t-il. Enfant de résistants, Martial Raysse a été marqué par la guerre. Refusant d'être envoyé en Algérie, il passe plusieurs mois en hôpital psychiatrique avant d'être réformé "Il faut chasser l'idée de mort, se rassurer. Par le travail, par la beauté", dira-t-il.
Et ça marche : il suffit de regarder l'air réjoui des visiteurs dans cette première partie de la rétrospective du Centre Pompidou. C'est l'époque où Martial Raysse séjourne aux Etats-Unis et se rapproche du pop art, une époque où ses œuvres se vendent bien. Contrairement à Warhol, il ne peint pas des célébrités mais des anonymes. En même temps, il commence à s'inspirer des maîtres, dans la série "Made in Japan", où il utilise des œuvres du passé.
Le cinéma intégré à la peinture
Ou encore dans "Suzanna, Suzanna" (1964), inspiré de "Suzanne et les vieillards" du Tintoret, pour lequel il a l'idée géniale d'intégrer le cinéma dans la toile : le nu féminin est peint et le vieillard qui la reluque n'est autre qu'Arman grimé et mis en scène dans un film projeté sur un coin du tableau.
C'est l'époque aussi où l'artiste commence à réaliser des films parodiques où il laisse libre cours à une imagination délirante.
A la fin des années 1960, l'artiste s'éloigne du pop art qu'il assimile désormais au "bon goût international", rentre en France au moment de Mai 68 et change radicalement de ton. Il rompt avec le marché de l'art, part vivre à la campagne. Une période dont témoigne l'installation "Oued Laou" (1971), liée à son expérience communautaire au Maroc. Des formes et symboles ("formes en liberté") sont projetés tout autour d'une grande tente ronde au cœur duquel trône un palmier planté dans le sable.
De grands tableaux pour évoquer la comédie de la vie
Martial Raysse amorce alors un retour à la peinture, ou plutôt "une avancée 'vers' la peinture", selon les mots de la commissaire de l'exposition Catherine Grenier dans le catalogue. Il fréquente les musées, se plonge dans la mythologie et "se met à l'école des maîtres", abordant des techniques anciennes comme la détrempe.
Son univers se fait plus énigmatique et austère, avec des œuvres montrant des foules où il évoque le chaos de l'humanité et ses aspects grotesques.
Dans les années 1990, il commence à peindre de grandes compositions figurant des personnages grandeur nature dans des scènes de fêtes qui évoquent la comédie de la vie, "Le Carnaval de Périgueux", "Le Jour des roses sur le toit", "L'Enfance de Bacchus".
Retour à la plage
Pour revenir enfin à un de ses premiers thèmes de prédilection, dans sa dernière peinture monumentale (3m sur 9m) "Ici plage comme ici-bas" (2012), où il allie la peinture savante et les couleurs flash de sa jeunesse, comme s'il avait voulu faire là une synthèse de toute son œuvre.
Martial Raysse, Rétrospective 1960-2014, Centre Pompidou, 75004 Paris
Tous les jours sauf le mardi, 11h-21h
Nocturnes le jeudi jusqu'à 23h
Tarifs : 11à 13€ selon période, tarif réduit : 9 à 10 €
Du 14 mai au 22 septembre 2014
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