Picasso et Duchamp exposés pour la première fois ensemble à Stockholm
La mise en scène de cette rencontre posthume est "théâtrale", selon le directeur du musée Daniel Birnbaum. La visite commence dans une vaste salle qui rassemble des oeuvres des deux artistes: "Bouteille, verre et violon", un collage de Picasso réalisé en 1912, et "Roue de bicyclette", de Duchamp, de 1913. Des immenses photos des artistes se font face. Picasso la tête recouverte d'un masque de taureau et Duchamp, le visage recouvert de mousse à raser.
C'est le seul endroit où les deux géants et leurs oeuvres sont exposés ensemble. Cette unique salle fait le lien entre leurs deux univers, que le visiteur découvre ou redécouvre séparément.
"Il y a une vraie différence entre le détachement de Duchamp et la subjectivité de Picasso. Quand ces deux choses se rapprochent, ça ne va pas très bien", explique à l'AFP un des commissaires de l'exposition, l'Américain Ronald Jones.
"L'un est le grand peintre et l'autre celui qui a remis en question la nature même d'une oeuvre d'art", a constaté pour sa part M. Birnbaum. Picasso fut extrêmement prolifique tandis que Duchamp se targuait de n'avoir produit que 13 "tout faits", des objets manufacturés présentés comme oeuvre d'art, en quarante ans.
Les deux hommes ont commencé à travailler à la même époque, avaient les mêmes mécènes et, parfois, les même soutiens et admirateurs. Ce qui les sépare est simplement la manière de transmettre un message, selon M. Jones.
Picasso méprisait Duchamp
"Cela n'aurait pas gêné Marcel" d'être exposé avec Picasso, "mais je pense que Picasso n'aurait probablement pas trop aimé", s'amuse-t-il.
"Vers la fin de sa vie, Picasso était très inquiet de l'allégeance que les artistes montraient à Duchamp. Il méprisait Duchamp", a-t-il poursuivi.
"Le désir du musée d'Art moderne de souligner les différences entre les deux artistes est très clair", soulignait la critique d'art Anna Brodow Inzaina dans le quotidien Svenska Dagbladet.
Ce choix favorise Picasso, plus accessible. Plus d'une centaine de ses oeuvres - dessins, peintures comme "La femme à la collerette bleue" et sculptures- sont exposées dans un labyrinthe qui certes enivre le visiteur, mais ne lui fait jamais perdre le fil.
Deux salles, très aérées, dont l'une en forme de cube, montrent les oeuvres de Duchamp, plus difficiles à appréhender et qui semblent avoir été abandonnées là.
La rencontre des deux géants n'a en fait jamais eu lieu, puisqu'ils se sont soigneusement évités.
Après Picasso, le musée d'Art moderne souhaite ensuite proposer de nouvelles comparaisons entre Duchamp et d'autres artistes en suivant le même modèle.
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