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Picasso 1932 : zoom sur une année de la vie et de l'oeuvre d'un monstre de l'art

Le Musée national Picasso de Paris se penche sur une année de la production de Pablo Picasso, l'année 1932, particulièrement dense. L'artiste prolifique crée nombre de chefs-d'oeuvre, inspirés par sa passion pour Marie-Thérèse, et sa première rétrospective crée l'évènement à Paris, confirmant qu'il est un des plus grands artistes de son temps (jusqu'au 11 février 2018).
Article rédigé par Valérie Oddos
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
 

Picasso (1881-1973) disait que "l'œuvre que l'on fait est une façon de faire son journal" : le Musée Picasso de Paris a choisi une approche originale sur un moment de la vie de l'artiste. Il propose un zoom sur l'agenda d'une année du maître espagnol. Pourquoi 1932 ? L'année est particulièrement riche. L'artiste a eu 50 ans et c'est la consécration : la première rétrospective de son œuvre est organisée à Paris et reprise à Zurich. Toujours prolifique, il peint abondamment,  frénétiquement, et produit des toiles marquantes autour de la figure de sa maîtresse Marie-Thérèse Walter, rencontrée trois ans plus tôt.
 
Pour introduire l'exposition, des photos faites par Brassaï cette année-là évoquent les deux lieux de vie et de travail de l'artiste : une vue sur les toits de Paris à la tombée de la nuit, depuis l'atelier de la rue de la Boétie à Paris, et le château de Boisgeloup, en Normandie, dans les phares de l'Hispano-Suiza de Picasso. A côté, d'autres portraits photographiques nous montrent les personnes qui comptent dans sa vie à ce moment-là : il y a les marchands Daniel-Henry Kahnweiler et Paul Rosenberg, son fils Paul, sa femme Olga, brune et un peu sombre, et Marie-Thérèse Walter, à la blondeur rayonnante.

Pablo Picasso, "Le Rêve", 1932, Collection privée de Steven Cohen
 (Succession Picasso 2017)

1932, "année érotique" ?

Picasso a rencontré Marie-Thérèse en 1929 et on va reconnaître sa rondeur, son nez busqué, ses yeux en amandes, sa coiffure en coque dans la plupart des chefs-d'œuvre de Picasso à ce moment-là.
 
L'exposition suit, mois par mois, presque jour par jour, sa production de 1932, accompagnée de documents, de lettres, de photos. "Année érotique", annonce le titre de l'exposition, des plus accrocheurs. Et dès la première salle une toile pleine de formes sculpturales évoquant des phallus ("Figures au bord de la mer, I") annonce la couleur.
 
Les premiers mois de 1932, Picasso peint plusieurs dizaines de toiles représentant Marie-Thérèse abandonnée au sommeil, des tableaux dans lesquels on peut déceler, si on regarde bien, des formes évoquant des organes sexuels. Le plus frappant est "Le Rêve" (en janvier) : son modèle dort sur un fauteuil rouge, la tête penchée sur l'épaule, et sa joue gauche est en forme de phallus.
Pablo Picasso, "Femme au fauteuil rouge", 1932, Boisgeloup - Paris, musée national Picasso - Paris 
 (Photo © RMN-Grand Palais (musée national Picasso-Paris)/ Thierry Le Mage © Succession Picasso 2017 - Gestion droits d'auteur)

Marie-Thérèse hante Picasso

Mais le nom de l'exposition est un peu réducteur. D'ailleurs, la Tate Modern, qui co-organise l'événement et le présentera du 8 mars au 9 septembre 2018, ne le reprend pas et préfère titrer "Picasso 1932 – Love, Fame, Tragedy" (amour, gloire et tragédie). Il est évident que la sensualité et sa relation avec Marie-Thérèse sont un élément important et un moteur de sa création. Ce serait toutefois une erreur de réduire le parcours à un jeu de piste à la recherche des sexes cachés.
 
On va retrouver les traits caractéristiques de Marie-Thérèse, qui hantent Picasso, dans toute une série de chefs-d'oeuvre, dans un fauteuil jaune, dans un fauteuil noir, la tête reposée sur le bras ("Femme endormie"), où il joue avec les formes, évoque d'un trait, déconstruit les volumes.
Pablo Picasso, "Nature morte : buste, coupe et palette", 3 mars 1932, Boisgeloup, Paris, musée national Picasso
 (Photo © RMN-Grand Palais (musée national Picasso-Paris)/ Jean-Gilles Berizzi © Succession Picasso 2017 - Gestion droits d'auteur)

La sculpture en peinture

Quand il a installé un atelier dans le château de Boisgeloup en 1930, Picasso s'est remis à la sculpture, réalisant notamment de grands plâtres de sa maîtresse. Il en reprend les formes dans plusieurs toiles où une tête de femme est posée sur un piédestal ("Nature morte, buste, coupe et palette", en février). Dans d'autres, comme les nus au fauteuil rouge (en février), il a démembré le corps en éléments en volume qu'il réassemble. "Le Repos", étrangement nommé, évoque plutôt un tourbillon d'énergie aux couleurs chaudes dans lequel la figure désarticulée est entraînée.
 
En mars, Picasso peint "Jeune fille devant un miroir" : une composition (ou plutôt une double décomposition) complexe et dense en couleurs où Marie-Thérèse semble étreindre son image. Achetée par Paul Rosenberg en 1934, elle a été cédée au MoMA en 1937 : c'est le meilleur Picasso depuis 1927, estime alors le directeur du musée new-yorkais Alfred Barr.
Pablo Picasso, "La Crucifixion", 7 février 1930, Paris - Musée national Picasso Paris
 (Photo © RMN-Grand Palais (musée national Picasso-Paris)/ Mathieu Rabeau © Succession Picasso 2017 - Gestion droits d'auteur)

L'année de la consécration

1932, c'est l'année de la consécration pour Picasso : il s'investit pleinement dans la rétrospective que lui organise la galerie Georges Petit à Paris, la première de son oeuvre, en juin et juillet. Il veut être le plus grand artiste de son temps, il choisit lui-même l'accrochage des 223 tableaux. On peut en voir quelques-uns, accompagnés de photos et de coupures de journaux. Car l'évènement est largement commenté par la presse. 2000 visiteurs se sont pressés à l'inauguration boudée par l'artiste, qui préfère aller au cinéma. En septembre, il se rendra avec Olga et Paul à Zurich, où la Kunsthaus a repris l'exposition.
 
Les derniers mois de l'année, d'août à novembre, Picasso travaille sur le thème de la plage et la figure des baigneuses. Une photo montre Marie-Thérèse en maillot de bain au bord de l'eau, un ballon à la main. Sur la toile, une nageuse émerge de la vague. Ses "Femmes jouant à la balle sur la plage" deviennent des silhouettes planes ressemblant à des oiseaux. Il fait aussi des détours par la mythologie, avec des joueurs de flûte jouant pour une belle endormie, en qui on peut imaginer une transposition de la figure de l'artiste.
 
Dans la dernière toile de l'année, "Nu couché à la mèche blonde", Marie-Thérèse dort toujours. Ses formes décalées sont tracées d'un trait gracieux sur une toile où se juxtaposent des zones de couleur différentes.

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