Cet article date de plus de cinq ans.

Pablo Tillac, croquis de guerre d'un amoureux du Pays Basque

Une autre facette de la guerre. C’est ce que donne à voir l’exposition "D’une guerre à l’autre 1914-1945" consacrée à Pablo Tillac au Musée Basque à Bayonne jusqu’au 26 mai prochain. On y découvre des dizaines de portraits de soldats réalisés loin des zones de combat pendant trois conflits majeurs, les deux guerres mondiales sur le sol français et la guerre civile en Espagne.
Article rédigé par Chrystel Chabert
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
L'exposition présente une galerie de portraits de soldats croqués sur le vif à l'arrière des zones de combats.
 (France 3 Culturebox (capture d'écran))

On connaissait de Jean-Paul Tillac - dit Pablo Tillac - ses nombreux dessins et peintures consacrés au pays Basque où l’artiste natif d’Angoulême s’est installé définitivement dans les années 20, à Cambo-les-Bains. L’exposition proposée au Musée Basque de Bayonne révèle d’autres facettes de l’artiste, témoin des conflits qui ont secoué le continent européen pendant plusieurs décennies.

Tillac à Cambo-les-Bains, assis au bord de la Nive
 (Musée basque et de l’histoire de Bayonne)

Loin des combats mais près des soldats

Quand la Première guerre mondiale éclate, Tillac a 34 ans, il est réformé pour raison de santé. On ignore quel est son statut "administratif" pendant cette période mais ses dessins témoignent qu’il côtoie beaucoup les soldats : des Russes cantonnés en Gironde mais surtout des Tirailleurs issus du Maghreb et puis les Américains débarqués à Bordeaux en 1917. Tillac a d’autant plus de facilité à les aborder qu’il maîtrise la langue anglaise, apprise lors de plusieurs séjours aux Etats-Unis entre 1903 et 1910.
"Marin croate-américain" - Pablo Tillac
 (Musée des Beaux Arts de Reims et de l’histoire de Bayonne)
L’artiste ne peint pas des hommes au combat, ni la violence de la Grande guerre. "Tillac n’est pas au front et ne montre que l‘arrière, des Tirailleurs, le visage fatigué et qui essaient de se reposer mais qui ne sont pas dans l’action militaire" explique Olivier Ribeton Conservateur du musée basque.

"Quant aux Américains débarqués à Bordeaux en 1917-1918, ils se distraient, visitent la ville et découvrent les bordels et les restaurants. La guerre est très loin."

Reportage : France 3 Euskal Herri Pays Basque - A. Boutin / C. Etchegaray / R. Grillot

L'horreur nazie

Changement radical d’ambiance et de ressenti quand on découvre les dessins de Pablo Tillac réalisés pendant la Seconde guerre et la guerre civile espagnole. L’occupation allemande y est dépeinte dans son horreur, avec les tortures et les assassinats de masse comme celui d’Oradour-sur-Glane en juin 1944. Tillac ressent tous ces drames davantage qu’il ne les vit au quotidien, ce qui donne à ses dessins un caractère parfois manichéen, "approchant de la propagande".

 A la Libération, c’est en fonction de ce que les journaux rapportent des exactions nazis, des camps de la mort, de la persécution du peuple juif que Tillac va créer une grande fresque qui va se poursuivre jusqu’en 1945. "

Olivier Ribeton, Conservateur du Musée Basque
"Spectacle de pendus"
 (Musée basque et de l’histoire de Bayonne)

Le calvaire de l'Espagne

Quant à la guerre civile d’Espagne, Tillac en montre les manifestations communistes et anarchistes et notamment le soulèvement franquiste de 1936 en Hegoalde (Pays basque sud) où l’artiste est présent. Il voit les réfugiés républicains affluer en France et représente "La Mort se dressant comme un squelette sur la péninsule, préfigurant le décès de la vieille Europe qui sombre dans la nuit nazie".

"España 36-37" Pablo Tillac
 (Musée basque et de l’histoire de Bayonne)

Un Pays Basque préservé

L’exposition présente aussi de nombreux dessins de l’Entre-deux-guerres où Tillac découvre le Pays Basque traditionnel rural et maritime, protégé de la modernité. L’artiste se passionne pour les petites gens et les travaux et traditions populaires, son travail se fait ethnographique mais occultant les changements qui s’annoncent sur ce territoire encore préservé avec l’essor du tourisme balnéaire et du thermalisme.

Jean-Paul "Pablo" Tillac en bref

Jean-Paul Tiollac est né en 1880 à Angoulême dans un milieu littéraire. Dès 1896, son bac en poche, il expose deux dessins au Salon Poitevin des Arts. Diplômé des Beaux-Arts de Paris, graveur certifié, et primé dans cette discipline au Salon des Artistes Français de 1904, il hésite malgré tout sur la voie à suivre. Tillac se met à voyager, effectuant plusieurs séjours aux Etats-Unis entre 1903 et 1910 (en 1909 une fiche de police rédigée à la Nouvelle-Orléans signale la présence dans cette ville de « John Paul Tillac, french Citizen »). Il séjourne aussi à Cuba et en Espagne dans plusieurs grandes villes.

Quant au Pays Basque Sud, Tillac le découvre dès 1912-1913. A l’époque, ses dessins sont signés soit "J.P. TILLAC" soit seulement "TILLAC" et parfois "Pablo Juan TILLAC". L’artiste rajoute plus tard, même sur ses vieux croquis d’avant-guerre, le prénom espagnol  "PABLO" qu’il se donne après son séjour de 18 mois à la Casa Velasquez en 1920-1921. Après une visite en 1919 à son frère Henri installé à Cambo-les-Bains, Jean-Paul Tillac décide de s’y installer définitivement. C’est là qu’il meurt en 1969.


Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.