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Le "Judith et Holopherne" de Toulouse : cinq raisons de croire qu'il s'agit d'un vrai Caravage

Voici, selon l'expert Eric Turquin, cinq raisons de croire que le tableau redécouvert près de Toulouse, aux enchères le 27 juin, est bien un Caravage. 

Article rédigé par Valérie Gaget
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4min
"Judith et Holopherne", tableau redécouvert en 2014 dans le grenier d'une maison de la région toulousaine. (Cabinet Eric Turquin)

"Judith et Holopherne", le tableau redécouvert en 2014 dans un grenier de la région toulousaine, sera vendu aux enchères le 27 juin prochain. S'agit-il d'un vrai Caravage ? Eric Turquin, spécialiste en tableaux anciens, en est persuadé. Pour lui, il s'agit même d'une oeuvre majeure du maître italien du XVIIème siècle. Voici cinq raisons de le croire.

1La toile utilisée

Le tableau représente une scène de la Bible. Judith, une jeune veuve, décapite le général Holopherne qui assiège sa ville. C'est une huile sur toile qui mesure 144 centimètres de hauteur sur 173,5 centimètres de largeur. Format habituel dans l'oeuvre du Caravage qui peint essentiellement des toiles de grande taille. Le tableau est composé de deux morceaux de toile cousus l'un à l'autre. La démarcation reste d'ailleurs visible à l'oeil nu. La partie supérieure du tableau avec les trois figures de Judith, de la servante et d'Holopherne, est peinte sur une toile en sergé, toile sur laquelle sont peintes toutes les peintures du Caravage lors de son premier séjour à Naples en 1606-1607. Cette toile a un tissage particulier qui lui donne une grande solidité.  

2L'absence de signature

Le tableau n'est pas signé. Pour Eric Turquin, ce n'est pas un problème. C'est au contraire très bon signe. Il explique que Le Caravage était un homme très sûr de son talent qui ne signait pas ses toiles. Sur 65 tableaux connus, il n'en aurait signé qu'un seul qui se trouve aujourd'hui à Malte. "Il l'a signé avec le sang du saint qu'il représentait. Très caravagesque", sourit-il.

Radiographie du tableau "Judith et Holopherne" redécouvert en 2014 (Cabinet Turquin)

3Les repentirs

La radiographie du tableau a révélé une quantité importante de changements dans la composition de la scène. Ces repentirs ne se trouvent habituellement que dans les oeuvres originales et non dans les copies. Ils marquent le travail de création et la réflexion du peintre. Les yeux de Judith étaient initialement dirigés vers le général Holopherne. L'artiste a par la suite modifié l'axe de son regard pour le tourner vers les spectateurs du tableau. Judith apparaît comme une femme puissante, déterminée et semble nous prendre à témoin de son geste. La figure de la servante avait au départ des yeux complètement écarquillés et très saillants. Le peintre a par la suite adouci son regard. Les rayons X ont aussi révélé de nombreux repentirs sur la main gauche d'Holopherne. Les doigts, notamment l'index, ont été raccourcis et ont tous été décalés. 

4La touche du peintre

La préparation, sorte de sous-couche du tableau, est proche de celle qu'utilisait Le Caravage. Sombre avec inclusion de gros grains qu'il ajoutait pour "faire bouger la lumière à la surface du tableau" explique Rosella Vodret, spécialiste italienne de l'oeuvre du Caravage. La réflectographie infra-rouge a révélé que sur ce fond, le peintre a tracé de larges bandes sombres autour des trois personnages, peut-être pour leur donner plus de présence, plus de relief. Pour Eric Turquin, les différents examens révèlent aussi la touche du peintre, ses longs coups de brosse, ses touches de lumière apposées sur les ongles. Des gestes sûrs, une qualité et une rapidité d'exécution, une énergie qui selon lui seraient la marque irréfutable du Caravage. 

Réflectographie du tableau "Judith et Holopherne" redécouvert en 2014. (Cabinet Turquin)

5La violence

Judith et Holopherne est un tableau violent, voire dérangeant. Il y a une sorte de noeud au centre de la toile : les visages, les mains, l'épée réunis à cet endroit créent une tension, une dureté. Le peintre marque aussi un contraste brutal entre la jeunesse de Judith et la vieillesse de sa servante. Certains experts pensent qu'il s'agit d'une oeuvre expérimentale de la période napolitaine du Caravage. En 1606, le peintre a dû fuir Rome après le meurtre de Ranuccio Tomassoni. Arrivé à Naples, il aurait osé de nouvelles formes, de nouvelles techniques. Une expression plus brutale de son art.

Il n'y a pas de preuves absolues qu'il s'agisse d'un Caravage mais un faisceau d'indices. Certains experts s'en contentent, d'autres doutent encore. La vente aux enchères se déroulera à la Halle aux Grains de Toulouse le 27 juin 2019. Le tableau est proposé au prix plancher de 30 millions d'euros mais sa valeur est estimée à plus de 100 millions. Les enchères vont-elles s'envoler ? Le marché de l'art retient son souffle. 

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