"Le Déjeuner des canotiers" de Renoir : une guinguette, des amis, le bonheur
Impossible de dissocier "Le Déjeuner des canotiers" du lieu où il a été peint, l’auberge Fournaise, à Chatou, sur les bords de la Seine. Charpentier de bateau, Alphonse Fournaise a installé son atelier sur ces rives qui attire les Parisiens, bourgeois et jeunes gens qui viennent s’adonner au plaisir du canotage.
La famille ouvre un restaurant en 1860, loue des bateaux et héberge les peintres parmi lesquels Renoir. En 1880, il écrit dans une lettre à un ami : "Je suis revenu à Chatou à cause de mon tableau. Vous serez bien gentil de venir déjeuner. Vous ne regretterez pas votre voyage, c'est l'endroit le plus joli des alentours de Paris".
Le peintre séjourne donc à Chatou. Cela fait plusieurs années que Renoir mûri ce projet de tableau. Il s’y met au printemps 1881. Si le tableau sera achevé dans son atelier, c’est bien en plein air, sur la terrasse du restaurant que Renoir commence Le Déjeuner, réunissant autour de lui amies/is et modèles.
Qui sont les personnages ?
On peut voir ainsi : au premier plan à gauche Aline Charigot qui deviendra l’épouse de Renoir ; debout derrière elle, c’est le patron, le père Fournaise. En face, à droite du tableau, le peintre Gustave Caillebotte écoute (d’une seule oreille semble –il) l’actrice Ellen Andrée. Un homme se penche au-dessus d’elle, c’est Maggiolo, un journaliste italien.Au second plan : à gauche, la belle jeune femme accoudée à la rambarde, c’est Alphonsine, la fille du propriétaire des lieux. Elle sera un des modèles préférés des peintres impressionnistes. A sa droite, un homme de dos semble lui parler, il s’agit du baron Raoul Barbier.
Au fond du tableau, on distingue un haut de forme : c’est celui du banquier Charles Ephrussi.
Des artistes, des amis, un bourgeois et un aristocrate : en une scène, Renoir capture la société de l’époque et l’atmosphère d’un lieu où les Parisiens venaient se divertir, se détendre et s’observer aussi un peu. "C’était un lieu de rencontres... Il n’y avait pas Meetic à l’époque !" rappelle avec humour Pierrick Roynard de l’ Association de bateaux de collection "Sequana".
Une composition vivante
Le tableau est d’autant plus réussi qu’on a vraiment l’impression d’être partie prenante de cette fin de repas avec les bouteilles entamées, la corbeille de fruits, les serviettes de table dépliées... "La composition de Renoir est très efficace" explique Anne Galloyer, la Conservatrice du Musée Fournaise. "Il utilise la perspective du balcon, il l’accentue jusqu’à la déformer. Ça me permet au spectateur d’entrer littéralement dans la scène". On peut s’identifier à certains personnages, notamment Angèle, cette jeune modèle, assise au centre du tableau, qui est en train de boire, les yeux perdus dans le vague, comme étrangère au brouhaha des conversations ambiantes...La destinée des lieux
L’endroit va beaucoup inspirer Renoir – il peindra ici une trentaine de toiles – mais aussi de nombreux impressionnistes parmi lesquels Monet, Sisley, Morisot Manet, Pissaro, Caillebotte... Fréquentée par les artistes, la Maison Fournaise a pourtant failli disparaitre. En 1906, le restaurant ferme et quatre ans plus tard, les activités nautiques cessent. La maison reste dans la famille Fournaise mais c’est le déclin.En 1979, elle est rachetée par la ville de Chatou, puis rénovée dans les années 80-90. Les façades sont classées à l'Inventaire supplémentaire des Monuments historiques. Aujourd’hui, près de 300 personnes s’installent chaque jour sur cette terrasse mythique tandis qu’un Musée et un atelier de bateaux ont aussi vu le jour pour faire revivre l’éternelle douceur de vivre du "Déjeuner des canotiers".
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