Jean Couty, "le peintre bâtisseur", a enfin son musée à Lyon
"Si tu peux faire un musée pour exposer mes tableaux, c'est bien." Voilà ce que Jean Couty avait confié à son fils Charles. Vingt-six ans après la mort de son père, il a exaucé son souhait. Ce samedi 18 mars, le musée privé Jean Coutuy ouvre ses portes au 1, place Henri Barbusse dans le 9e arrondissement de Lyon, à quelques mètres de la Saône et de la si romantique Ile Barbe.
On accède au musée par une grande cour où trône un immense palmier. La parenthèse commence ici avec le calme qui succède au bruit de la circulation. Tout au fond à droite, le musée jouxte les locaux de Tonic Radio (créée et dirigée par Charles Couty). Adossé à la colline, le bâtiment, sobre et élégant, s'insère parfaitement dans le décor.
À deux pas de l'atelier
Le "hasard" a bien fait les choses : le musée est installé à quelques mètres de la maison familiale (construite par l'arrière-grand-père de Charles Couty qui était maçon dans la Creuse) où Jean Couty vit le jour en 1907. C'est là aussi que l'artiste installa son atelier que son fils a laissé "dans son jus". Et c'est là, juste derrière, qu'il a rassemblé les œuvres de son père après avoir racheté les locaux d'une ancienne fabrique de fauteuils (près de 800m²). La boucle est bouclée en quelque sorte...Reportage : France 3 Lyon - E. Phily / S. Adam / C. Martin
Clarté et modernité
Dès les premiers pas à l'intérieur du musée, on est saisi par la simplicité et la clarté des lieux. Murs blancs, poutres de bois clair : une sobriété chaleureuse se dégage des salles d'exposition, une modernité qui met en valeur les toiles de Jean Couty, souvent riches en couleurs et en matière.
Charles Couty a imaginé cette scénographie en s'inspirant de ce qui se faisait ailleurs. "Mais l'important pour moi", dit-il, "c'était qu'en rentrant dans cette première salle, tous les thèmes chers à mon père soient rassemblés à travers des toiles emblématiques : les voyages, Lyon, les chantiers, les natures mortes, les églises romanes, les paysages, les portraits... Après, on rentre dans le détail." Point commun de toutes ces toiles, ce sont de grands formats.
Mon père disait qu'on ne peut pas être un grand peintre si on ne sait pas peindre sur de grands formats !"
"Peintre bâtisseur"
On peut voir aussi dans ce "goût du grand" une réminiscence de sa formation en architecture effectuée auprès de Tony Garnier, le célèbre architecte lyonnais. Une formation qui a peut-être aussi influencé la façon de dessiner de Jean Couty, très construite, très structurée, d'où naît une peinture "solide", ancrée dans le réel. Pas étonnant qu'on l'ait surnommé le "peintre bâtisseur".
Jean Couty appartient à la mouvance figurative impressionniste. Il reproduisait ce qu'il voyait : scènes de vie paysanne, de pauvreté, paysages, chantiers... Cette capacité à saisir le réel lui valut de recevoir en 1975 le Grand Prix des Peintres Témoins de leur Temps au musée Galliera, à Paris, avec la toile "Le chantier du métro" (celui de Lyon) peinte en 1972.
Charles Couty raconte : "Mon père aimait aller sur les chantiers (La Part-Dieu, La Défense, l'Auditorium de Lyon...). Il allait parler avec les ouvriers, il observait, prenait des notes mais aucune photo. Il rentrait ensuite pour dessiner ce qu'il avait vu et ressenti."
Un peintre humaniste
Une démarche qui montre une facette importante de sa personnalité : Jean Couty était un homme tourné vers les autres. "Il avait cette capacité à aller vers l'autre, quel qu'il soit", se souvient Charles Couty. "C'était un homme curieux, ouvert, qui voyageait énormément (au moins deux voyages par an), qui aimait les gens et ne faisait pas de différence entre eux. Il parlait à tout le monde de la même façon, ministre, clochard ou ouvrier."
Passionné par les églises romanes et les religions
Le visiteur qui ne connaît pas Jean Couty sera surpris par le nombre important de tableaux ayant pour thème les églises. Il les peignait mais n'y passait pas son temps. "Mon père adorait l'art roman, les églises romanes. Mais s'il était croyant, il n'était pas spécialement pratiquant. Par contre, il passait ses nuits à écrire et à lire des ouvrages sur l'islam, le judaïsme, le catholicisme... Il était pour l'union des religions et serait catastrophé par ce qui se passe aujourd'hui."
Les années de gloire
Aujourd'hui, le grand public ne connaît pas forcément le nom et l'œuvre de Jean Couty. Pourtant, plusieurs prix prestigieux ont jalonné sa carrière. En 1950, son tableau "La vieille femme" lui valut le Grand Prix de la critique. "À l'époque, ce Prix, c'était un peu le Goncourt pour les peintres, une sorte d'apothéose !", souligne Charles Couty.
Il poursuit : "Tous les artistes - à part les grands maîtres peut-être comme Picasso ou Matisse - ont connu des moments de gloire et de purgatoire. Mon père a connu cette notoriété dans les années 50, 60 et 70. En 1979, il a été exposé au Musée d'Art Moderne de la ville de Paris. De son vivant ! C'est exceptionnel ! Et puis après, il y a eu moins d'engouement."
Un esprit libre
"Mais mon père était un esprit libre", poursuit Charles Couty. "Il ne voulait pas rentrer dans une case. Il refusait les contrats avec les marchands, se foutait de l'argent car il ne voulait pas qu'on lui impose quelque chose, une façon de peindre, des thèmes à la mode... Les gens prenaient ou pas mais lui, il faisait ce qu'il avait envie."
Lyon, "sa" ville
Ouvrir ce musée à Lyon était une évidence. Parce que c'est la ville natale du peintre bien sûr et parce qu'il a toujours entretenu avec elle un rapport quasi amoureux. Églises romanes, chantiers contemporains, quartier Croix Rousse, bords de la Saône, Saint-Jean et Fourvière, gare de Perrache et bien sûr l’Ile Barbe... Les nombreuses toiles qui sont consacrées à la capitale des Gaules en témoigne, à tel point que Charles Couty leur a dédié un espace au sein du musée.
Un musée pour Jean Couty et bien d'autres...
Ouvrir un musée privé est un défi en soi, pour qu'il voit le jour et pour qu'il perdure. "Je fais ce musée pour qu'il soit viable", explique Charles Couty. "Je table sur 20 000 entrées par an auxquelles il faut ajouter les produits dérivés, les livres, les visites de groupe, la location des lieux pour les séminaires."
Jusqu'à la fin de l'année 2017, honneur aux œuvres de Jean Couty. Puis la salle du bas accueillera les expos temporaires avec des artistes de tous horizons, reconnus ou en devenir. L'étage du haut sera toujours réservé aux tableaux de Jean Couty. "Les toiles tourneront car j'en ai encore beaucoup en réserve" (ndlr : certaines ont été restaurées pour l'occasion). Mais impossible de donner un chiffre précis. "Mon père a peint pendant 65 ans, ça laisse imaginer le nombre de toiles qu'il a laissées."
Jean Couty a en effet dédié sa vie à la peinture. Il disait :
En concevant ce musée-écrin sur les bords de Saône, Charles Couty ne pouvait pas lui rendre un plus bel hommage.L'art est une passion qui demande des forces, des intuitions, de la contemplation et du silence"
Jean Couty, les grandes dates
1907 : Jean Couty naît à Lyon le 12 mars.
1925 : Entre à l’école des Beaux-Arts de Lyon en classe d’architecture
1926 : Entre à l’atelier de Tony Garnier.
1933 : Diplôme d’architecte DPLG . Il est nommé sociétaire au salon du Sud-Est.
1937 : Grand Prix du groupe Paris-Lyon.
1945 : 1re exposition personnelle à la Galerie Katia Granoff à Paris, où il exposera plus de 40 ans.
1950 : Grand Prix de la Critique de Paris après Buffet et Lorjou.
1953 : Second grand prix de la Triennale internationale de Menton.
1959 : 1er peintre à illustrer le billet de la Loterie nationale.
1964 : Illustre deux cartes postales de Noël des Nations-Unies après Picasso, Chagall et Miró.
1965 : Grande exposition en Allemagne à la galerie Baukunst à Cologne.
1975 : Grand Prix des Peintres Témoins de leur Temps au musée Galliera à Paris.
1976 : Rétrospective à l’Espace lyonnais d’Art contemporain.
1979 : Grande exposition au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris.
1989 : Prix de Peintre de la lumière et de la spiritualité à Lourdes.
1990 : Exposition à la Fondation Vasarely Vasarely à Aix-en-Provence
1991 : Rétrospective à l’Auditorium de Lyon. Jean Couty meurt à Lyon le 14 mai.
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