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Exposition "Marcel Storr, bâtisseur visionnaire" prolongée jusqu'au 31 mars

Des dessins colorés foisonnants de détails, des églises, des cathédrales et leurs milliers de flèches, des tours gigantesques, des mégapoles... Une soixantaine de dessins de Marcel Storr, peintre autodidacte mort en 1975, sont exposés au Pavillon Carré de Baudouin à Paris. Cette œuvre magistrale présentée pour la première fois dans son intégralité est une découverte majeure de l'art brut, ou art "non savant" de ces dernières années en France. Exposition prolongée et visites guidées avec Laurent Danchin, commissaire de l’exposition.
Article rédigé par franceinfo - Laurence Houot-Remy
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Publié
Temps de lecture : 5min
Marcel Storr. Megapole, 1968. Détail. Canson 60,7/49,3 cm. Mine de plomb, encre et vernis
 (Marcel Storr. Collection L&B Kempf)

Marcel Storr ne savait ni lire ni écrire. Il était sourd, simple cantonnier des parcs et jardins de la ville de Paris, marié à la gardienne d'une école primaire du 9ème arrondissement. Cet homme sans éducation artistique a produit pendant plus de 40 ans une soixantaine de dessins colorés inouïs, architectures extraordinaires sorties de son imagination, églises, basiliques, cathédrales tours, mégapoles, dessins fous grouillants d'inventions et de détails. Une œuvre singulière, unique et émouvante de ce "créateur de mondes".

Enfant martyr

Marcel Storr est né en 1911. Abandonné par sa mère remariée, il est confié à l'assistance Publique, et  placé dans des fermes où il couche dans la paille, au milieu des animaux (il en gardera la phobie). Battu, maltraité, Marcel Storr devient sourd. Il est confié un temps à des religieuses en Alsace. Mobilisé en 40, il est réformé trois mois plus tard.

Marcel Storr devant les tours
 (DR)

En 1964 il se marie avec Marthe. L'homme parle peu, mais dessine comme un fou, le soir en rentrant de son travail, sur la table de la cuisine, sans jamais montrer ce qu'il fait à qui que ce soit sauf à sa femme, Marthe, peu sensible à son art.

Marcel Storr. Eglise, Mine de plomb encre et vernis. 1964
 (Marcel Storr / Collection L&B Kempf)

C'est pourtant elle qui, en 1971, invite une parente d'élève à entrer dans sa loge de l'école du 35 rue Milton, où elle est gardienne. Elle lui montre en cachette les dessins de son mari. Cette parente d'élève, c'est Lilianne Kempf. "Je tourne les pages, choc, émotion, émerveillement. Je lui dis mon admiration. Il faut que je voie votre mari ! " dit-elle à Marthe. Ce ne sera pas chose facile. Marcel est un taiseux taciturne, qui ne souhaite pas montrer son œuvre. "Vous n'y pensez pas ! Il ne veut montrer ça à personne. Il serait furieux s'il savait que je vous les avez vus ! ". Lilianne Kempf ne désarme pas et finit pas rencontrer Marcel.

L'œuvre révélée

"Ce moment est resté gravé dans ma mémoire : un type raide, figé dans un mutisme opaque, hostile à tout dialogue, un bloc de refus. Ses yeux noirs, fixes, perçants …"
Liliane Kempf finit par convaincre Marcel de laisser Liliane emporter un ou deux dessins, en échange de sa carte d'identité. Les spécialistes d'art confirment : on est bien en présence d'une œuvre.

Marcel Storr n'acceptera jamais que ses tableaux soient montrés de son vivant. A la fin de sa vie il avait confié tous ces tableaux à Bernard et Lilianne Kempf. "On les a mis au coffre. Et il était content. Ce qu'il redoutait, c'était qu'on le vole !"

Ses dessins sont enfin exposés. Tous. Que l'on peut regrouper en trois périodes. La première, des dessins d'églises, dessins à la mine de plomb et au crayon de couleurs, certains ne sont pas achevés. Le dessin est encore très naïf, maladroit, mais on sent poindre le style obsessionnel, très détaillé de Storr.

L'obsession du détail

Dans les années 50, il dessine des polyptiques, des flèches de cathédrales élancées vers le ciel, dessinées en contre plongée, sur du carton d'emballage. Au pied des ces cathédrales imaginaires, des véhicules futuristes et des personnages minuscules, qui déambulent. Dans l'un d'entre eux, Bertrand Kempf a dénombré 600 000 exemplaires du motif de la crosse gothique. Storr a trouvé son style.

Marcel Storr
 (L&B Kempf)

En 1964, en une année, Storr peint vingt-cinq églises, basiliques ou cathédrales imaginaires dans un bloc Canson 30 x 37 cm, variation sur le thème du sacré, où l'architecture devient parfois végétale ou minérale, parfois inquiétante, reflet des tourments ou bonheurs intérieurs du peintre.

Marcel Storr. Eglise, mine de plomb, encre et vernis. 1964
 (Marcel Storr. Collection L&B Kempf)

Enfin à partir de 1965, Storr abandonne les églises pour dessiner jusqu'à sa mort des tours et des mégapoles. Il en peindra vingt. Après la mort de sa femme, il a déménagé à Saint-Denis et voit sortir de terre les tours de la Défense. "J'aime les tours. J'adore les tours. Il faut faire des tours!" répétait-il.

Sa passion du détail se déchaîne. Chaque centimètre carré devient un monde. On peut y passer des heures et y découvrir des merveilles d'invention. "Regarder ses peintures devient comme lire un livre", souligne Laurent Danchin, commissaire de l'exposition.

Marcel Storr. Mégapole. A droite,  détail. Mine de plomb, encre et vernis
 (Marcel Storr. Collection L&B Kempf)

Marcel Storr avait conscience de son œuvre. "Je suis un génie", disait-il. Il se voyait aussi comme un architecte, un bâtisseur autant qu'un peintre : "Quand Paris sera détruit par la bombe atomique, le Président des Etats-Unis viendra me voir et on pourra reconstruire avec mes dessins".

L'œuvre de Storr est émouvante, mystérieuse. "Dans mes dessins, on y nait, on y vit, on y meurt" disait-il. Expression sublime d'un homme qui chercha peut-être toute sa vie à créer pour lui-même un monde beau, où pouvoir vivre en paix et en sécurité.

"Marcel Storr bâtisseur visionnaire"
Pavillon carré de Baudouin jusqu'au 10 mars 2012
121 rue de Menilmontant Paris 20ème
Du marid au samedi de 11h à 18h
Entrée libre

Visite guidée et commentée avec Laurent Danchin, commissaire de l’exposition, le samedi 25 février 2012 à 11h. L’entrée est libre dans la limite des places disponibles.

Trois questions à Laurent Danchin, critique d'art et commissaire de l'exposition

A lire :

Storr, architecte de l’ailleurs Françoise Cloarec
Editions Phébus 176 p. 12 €

Storr, architecte de l'ailleurs
 (DR / Phébus)

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