Cet article date de plus d'un an.

"Éloge de l'abstraction" à l'Académie des beaux-arts : l'heureux retour de peintres parfois oubliés

Jusqu'au 26 novembre 2023, à l'Institut de France, quai Conti à Paris, 25 tableaux de Georges Mathieu, Hans Hartung ou Olivier Debré sont exposés. Tous ont été membres de l'Académie des beaux-arts, et ce rendez-vous nous rappelle que l'abstraction en peinture dans l'après-guerre à Paris fut une période artistique révolutionnaire.
Article rédigé par Christophe Airaud
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4min
Exposition "Eloge de l'abstraction" avec les œuvres de Hans Hartung. (PATRICK RIMOND)

En cette rentrée, Paris accueille des expositions monstres, de grandes rétrospectives. Mark Rothko à la Fondation Louis Vuitton, Nicolas de Staël au musée d'Art moderne ou Vincent Van Gogh au musée d'Orsay attirent les foules avec leurs centaines d'œuvres exposées. Au côté de ces rendez-vous incontournables, d'autres expositions plus modestes ont le charme de la découverte ou de la redécouverte. C'est le cas de l'Éloge de l'abstraction, quai Conti, qui démontre que si aujourd'hui les Debré, Mathieu ou Zao Wou-Ki ont perdu de leur prestige aux yeux du public, les retrouver accrochés sur les cimaises nous rappelle l'importance de ce mouvement et la force du geste de ces artistes. Exposition en entrée libre.

La fondation Gandur, un trésor de l'abstraction

Après la guerre de 1939-1945, Paris n'est plus le centre du monde artistique. New York, avec Pollock, De Kooning ou Rothko (présenté à partir du 18 octobre à la Fondation Louis Vuitton), détrône la capitale française. Mais en France se développe un mouvement, un art non figuratif, l'abstraction lyrique. Daniel Abadie, critique d'art et fin connaisseur de ce mouvement, décrit ainsi les œuvres qui "avaient moins en commun un vocabulaire de formes qu'un souci expressif : toutes se voulaient un cri plutôt qu'un style". Le traumatisme de la guerre n'est pas loin.

Vue de l'exposition "Eloge de l'abstraction" à l'Académie des beaux-arts de Paris avec Olivier Debré et Antoni Tàpies. (PATRICK RIMOND)

Jean Claude Gandur, industriel qui a grandi avec ces toiles et ces artistes, collectionne depuis longtemps cette époque et en est un fin connaisseur. Sa collection, devenue une Fondation, est composée aujourd’hui de 700 œuvres des diverses tendances de l'art non-figuratif d'après 1945. Les 25 toiles de l'exposition du quai Conti, prêtées par la Fondation Gandur pour l'Art, sont un beau résumé pour redécouvrir la force et la créativité de ces peintres et de ce mouvement.

L'abstraction lyrique : la liberté et la violence

Laurent Petitgirard, secrétaire perpétuel de l'Académie des beaux-arts, qualifie ce mouvement par un mot simple : la liberté. Une liberté chèrement payée. Les sept peintres présentés sont des figures du XXe siècle. Bertholle, Teh-Chun, Debré, Hartung, Mathieu, Tàpies et Zao Wou-Ki ont traversé le siècle. Tous impressionnent par la force de leurs gestes, parfois la violence.

Hans Hartung en est le symbole. Une violence qui s'explique par son parcours. Français d'origine allemande, il s'engage avec la Légion étrangère, blessé en 1944, amputé, il est décoré de la croix de guerre française. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le peintre déclarait au sujet de ces œuvres : "mes dessins étaient traversés de traits entortillés, étranges, embourbés, désespérés comme des griffures (...), c’était une peinture véhémente, révoltée. Comme moi-même".

Sans titre. Peinture de Georges Mathieu de 1951. (FONDATION GANDUR POUR L'ART, GENEVE. PHOTOGRAPHE : SANDRA POINTET)

Georges Mathieu est le mieux représenté dans cette exposition avec huit tableaux. En 1951, André Malraux déclarait au sujet de sa peinture : "enfin, un calligraphe occidental !". Au côté de Zao Wou-Ki, peintre chinois vivant à Paris à partir de 1948, qui lui, inspiré par l'apprentissage de la calligraphie, s'en défait peu à peu, Georges Mathieu en fera sa grammaire. Une œuvre remarquable et mythique est exposée : une huile sur toile monumentale de 2x4 m au titre mystérieux et royal, L'abduction d'Henri IV par l'archevêque Anno de Cologne.

En moins d’une heure et en public, Mathieu alors star de la peinture, l'exécute. Une performance, un happening à la mode du début des années 60, avec tubes et sans pinceau, la vitesse est privilégiée et les gestes semblent improvisés. Il se disait chaman inspiré, provocateur, Mathieu est un personnage controversé qui déchaînait les passions. Acquise en 2008 pour plus d'un million d'euros par Jean Claude Gandur, cette toile est le témoignage de ce pan furieusement vivant de l'histoire de la peinture française.

Portrait du peintre Georges Mathieu devant l'un de ses tableaux à la manufacture des Gobelins en 1969. (JOSEE LORENZO / INA)

L’Académie des beaux-arts et la Fondation Gandur pour l’Art présentent "Éloge de l’abstraction, les peintres de l’Académie des beaux-arts dans les collections de la Fondation Gandur pour l’Art".

Pavillon Comtesse de Caen
27 quai de Conti - Paris 6e
Exposition du 12 octobre au 26 novembre 2023
Entrée libre et gratuite, du mardi au dimanche, de 11 heures à 18 heures

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.