Depuis 30 ans, Pierre Vasarely se bat pour sauver l'oeuvre de son grand-père, Victor
Une rétrospective au Centre Georges Pompidou à Paris, une fondation réhabilitée à Aix-en-Provence : Pierre Vasarely, "ombre" de Victor, son grand-père, a lutté près de trente ans pour faire renaître l'oeuvre du maître de l'art optique.
"Il m'a conditionné dès mon plus jeune âge en disant que je serais le futur président de la fondation", raconte Pierre Vasarely, dans son bureau de la fondation Vasarely inaugurée en 1976, où il travaille depuis les années 1980 et qu'il préside depuis 2009.
Alors que le Centre Pompidou rend hommage à Victor Vasarely, après des années de relatif oubli, ce petit-fils qu'il présentait comme son "ombre", supplantant ses deux fils, André et Yvaral, raconte une lutte de près de trente ans. Un combat judiciaire, familial, financier pour sauver la fondation du dépôt de bilan, puis d'un arbitrage frauduleux, avant de tenter de récupérer les centaines d'oeuvres qui en avaient été soustraites.
"Mon père, mes grands-parents ont été manipulés", raconte Pierre Vasarely. Il y a eu l'épisode Charles Debbasch, doyen de la faculté de droit d'Aix-en-Provence que Victor avait choisi comme premier président de la fondation et qui met la trésorerie à mal. En mai 2005, l'ancien doyen est condamné en appel, en son absence, à deux ans de prison dont un ferme pour détournement d'oeuvres du peintre et détournement de fonds. Un mandat d'arrêt international est lancé contre lui car il réside au Togo.
Un deuxième combat démarre après la mort de l'artiste en 1997 contre Michèle Taburno, la belle-mère de Pierre qui a été nommée à la tête de la fondation, et contre son propre père, Yvaral. Un arbitrage retire à la fondation plus de 400 oeuvres qui sont partagées entre les héritiers.
Le testament de Victor Vasarely validé près de 20 ans après sa mort
Vingt ans plus tard, la justice annule l'arbitrage et suspend, in extremis, la vente aux enchères de 21 oeuvres sur les 87 versées à l'avocat de la famille pour payer ses honoraires. Puis, dans un jugement rendu le 15 avril dernier, le tribunal de grande instance de Paris a enjoint à cet avocat, Me Yann Streiff, de restituer ces 87 oeuvres à la fondation Vasarely.
Un dernier combat attend Pierre Vasarely pour sortir de l'imbroglio familial et remettre sur pied la fondation. Il le gagne en 2015 quand la Cour de cassation valide définitivement le testament rédigé par Victor en 1993 qui fait de lui son légataire universel. Depuis, il essaye de récupérer les quelque 400 oeuvres encore disséminées dans le monde.
Parallèlement aux ennuis judiciaires et familiaux, la cote du maître de l'op art s'est dégradée.
"Dans les années 1970, Picasso et Vasarely avaient la même valeur monétaire", explique son petit-fils qui voit plusieurs raisons, outre la saga judiciaire, à ce désamour. Vasarely avait été "incontournable pendant vingt ans puis le mouvement de l'art cinétique disparaît des radars". Vasarely boude de surcroît musées et marchands d'art, qui le lui rendent bien.
Après la consécration, des années de déclin
A la consécration des années 1970 succèdent les années de déclin. La cote du peintre décroît, musées et galeries le boudent. "Durant toutes ces années, il ne doit son salut qu'à des expositions à l'étranger", souligne Pierre Vasarely. A Aix, la fondation et les oeuvres qu'elle abrite tombent dans un quasi-délabrement.
"Si on m'avait dit à son décès que vingt ans après, je serais encore à batailler, j'aurais dit non", avoue aujourd'hui Pierre Vasarely. "Mais je suis le seul à pouvoir mener le combat pour la fondation et pour son oeuvre."
2019 est pour Pierre Vasarely l'année des combats à terminer et aussi de nouveaux projets à lancer.
Un partenariat entre la fondation et le Centre Pompidou
Dans l'immédiat, après la rétrospective du Centre Pompidou, qui a reçu 5.000 personnes par jour, la fondation Vasarely a noué un partenariat avec le musée parisien. Elle accueillera, en juin, une vingtaine d'oeuvres des collections du centre Pompidou.
Le classement de la fondation aux monuments historiques en 2013 a permis des travaux de rénovation des 5.000 m2 de l'édifice aixois, terminés en février. A l'intérieur, 41 oeuvres monumentales, Les Intégrations, ont, elles aussi, commencé à être restaurées. Fin du chantier prévue en 2020, un an avant les travaux d'extension de la fondation.
Creusé sur 1.000 m2 en sous-sol, un nouvel espace est destiné à accueillir "les grandes oeuvres de l'art contemporain d'artistes qui se reconnaissent dans l'oeuvre de Vasarely", annonce son descendant.
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