Les héritiers de Peggy Guggenheim en appel contre la fondation Guggenheim
Objet du litige, la présentation des quelque 326 oeuvres - Picasso, Braque, Miro, Matisse, Dali, Duchamp, Max Ernst, Rothko, Robert Motherwell ou encore Jackson Pollock – léguées par la richissime héritière, avec le palais vénitien qui les abrite sur le Grand Canal, à la fondation créée par son oncle.
Orpheline à 13 ans d'un père magnat de la métallurgie disparu sur le Titanic, elle était venue vivre à Paris dans les années 1920, fréquentant et achetant les artistes d'avant-garde. Installée par la suite à Londres, New-York puis Venise, elle n'avait jamais cessé de collectionner.
Pour son petit-fils Sandro Rumney (résident en France, d'où la procédure française) et ses enfants, la collection a été dénaturée, notamment par l'adjonction d'oeuvres issues de donations d'autres collectionneurs, et doit être "remise en l'état".
La collection de Peggy Guggenheim défendue comme un ensemble
Olivier Morice, un de leurs avocats, a fustigé "la volonté de la Fondation de minimiser le génie de Peggy Guggenheim et le caractère tout à fait exceptionnel de sa collection". Le Palazzo Venier présente aujourd'hui "à peine plus de 50% d'oeuvres issues de la collection de Peggy Guggenheim". Et de demander à la cour de "permettre que cette collection qu'elle avait bâtie puisse être présentée comme un ensemble".Son confrère Bernard Edelman s'attache à démontrer que la collection est une "oeuvre de l'esprit" sur laquelle les descendants ont donc un "droit moral". Il cite le code de la propriété intellectuelle, qui reconnaît comme oeuvres les anthologies en ce qu'elles traduisent "un choix et une disposition". Tout comme une collection.
Et de rappeler que la justice française a ainsi reconnu comme oeuvre le musée de l'Histoire du cinéma conçu par Henri Langlois, fondateur de la Cinémathèque. Pour lui, l'affaire est simple : "Collection originale. Protégée. Dénaturée".
La fondation s'appuie sur un jugement de 1994
Accessoirement, les plaignants dénoncent une "profanation" de la sépulture de la collectionneuse, dont les cendres sont inhumées dans un coin du jardin, où sont organisés des cocktails et où une plaque mentionne le nom d'un autre mécène du musée.Mais pour la Fondation, la procédure n'a tout simplement pas lieu d'être. Sandro Rumney avait en effet mené une première action en justice en 1994. Débouté, il avait fait appel, avant de se désister et de conclure une transaction avec la Fondation sur la gestion de la collection.
Pour Christophe Perchet, avocat de la Fondation, cet accord vaut acceptation du jugement de 1994 "qui dit que la collection n'est pas une oeuvre de l'esprit". Ce que le tribunal a reconnu en première instance de l'actuelle procédure, déboutant les descendants, qui ont fait appel, estimant que la Fondation a violé cette transaction.
La notion de collection-oeuvre contestée
Me Perchet rappelle "qu'aucune condition ne figure dans la donation" d'origine. Et insiste sur le développement spectaculaire de la fréquentation, passée de 35.000 visiteurs par an à la mort de Peggy Guggenheim à 400.000. "Au fond, il se plaignent de la façon dont la Fondation administre la collection comme musée. Ils ne retrouvent plus le palais où habitait leur grand-mère."Son confrère Pierre-Louis Dauzier s'attache à démonter l'idée d'une collection-oeuvre. "Il est incontestable que le collectionneur fait un choix, il choisit d'acquérir. Peggy Guggenheim a été une égérie du monde de l'art, elle achetait beaucoup pour soutenir les artistes." Pour autant son accrochage était "très didactique, sans originalité, pas autre chose qu'une compilation".
D'ailleurs, elle n'a "pas donné un sens esthétique dans lequel devrait être présentée la collection", dont elle a elle-même changé plusieurs fois la disposition de son vivant. Quant aux vernissages et autres dans le jardin où est enterrée l'aïeule, "c'est le travail d'un musée moderne et c'est ce qu'est devenue" la collection.
Décision donc le 23 septembre.
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