Le "Charlie Hebdo des survivants" déjà introuvable dans les kiosques en France
Diffusé dans plus de vingt pays, en cinq langues, le nouveau Charlie Hebdo, s'est arraché dès sa parution : pris d'assaut, les 27.000 points de vente français, qui avaient reçu 700.000 premiers exemplaires, étaient à court dès 10 heures et doivent être réapprovisionnés.
Le distributeur du journal a décidé de porter le tirage à 5 millions, au lieu de 3 millions prévu la veille, un record en France. L'imprimeur a ouvert quatre imprimeries au lieu de deux. Les kiosques et magasins de presse seront réapprovisionnés dans la journée ou dès jeudi, a souligné l'Union national des diffuseurs de presse (UNDP).
Reportage : P.Deschamps, A.Guilé-épée, A.Darrigrand, M.Cazayx, S.Langlais, M.Laporte
A Bordeaux, un impatient s'est rué sur la buraliste au moment de la livraison pour lui arracher un Charlie, raconte la buraliste. "Il m'a agressée, on a a dû appeler la police, c'était la foire d'empoigne. C'est exactement l'opposé de l'esprit Charlie". Un retraité de 67 ans, Roger, est venu en train à Bordeaux de Langon avec son vélo pour trouver un journal, en vain. "J'ai jamais lu Charlie, je veux voir à quoi ça ressemble", a-t-il dit.
Une spéculation a eu lieu sur eBay ou le numéro se revend juqu'à 100.000 euros, ce qu'a condamné Reporters sans frontières. "C'est absolument indécent", a lancé son directeur Christophe Deloire.
Pour ce "numéro des survivants", le petit journal satirique français, cible des jihadistes pour ses caricatures de Mahomet, a persisté en publiant une couverture représentant le prophète de l'islam, la larme à l'oeil, tenant une pancarte "Je suis Charlie".
Le même slogan que celui de millions de manifestants en France et dans le monde qui ont manifesté dimanche pour la liberté d'expression. Au-dessus de la une, les mots "Tout est pardonné". Devenu un symbole, Charlie Hebdo est réclamé partout, jusqu'en Inde et en Australie : le journal est difusé ce mercredi aussi à 300.000 exemplaires dans plus de 20 pays. La Une sur Mahomet, dévoilée dès mardi, a déjà été reproduite par de très nombreux médias et sites dans le monde.
"Extrêmement stupide"
Elle a en revanche été occultée par les grands médias des pays musulmans et dans certains pays d'Afrique ou d'Asie car l'islam interdit de représenter le prophète.
En Turquie, le quotidien d'opposition Cumhuriyet a lui publié en turc quatre pages du numéro.
Le Mahomet de Charlie Hebdo était aussi absent des grands médias aux Etats-Unis, où la satire religieuse est taboue, et de la plupart des journaux britanniques. Washington a cependant tenu à affirmer mardi son "soutien absolu au droit de Charlie Hebdo" à publier cette Une.
La nouvelle caricature de Mahomet a en revanche déclenché la colère de l'Iran, de certaines instances musulmanes et de l'organisation Etat islamique. L'Iran a condamné mercredi la couverture "insultante" du magazine.
Al-Azhar, principale autorité de l'islam sunnite basée en Egypte, a estimé qu'elle allait "attiser la haine". L'instance représentant l'islam auprès des autorités égyptiennes, Dar al-Ifta, l'a qualifiée de "provocation". Et l'organisation EI a jugé "extrêmement stupide" la publication de nouvelles caricatures de Mahomet. "Il n'est ni raisonnable, ni logique, ni sage de publier les dessins et les films offensant le prophète ou attaquant l'islam", écrit de son côté l'Union mondiale des oulémas musulmans.
De leur côté, les responsables de l'islam de France ont appelé au calme, à la veille de la parution. En février 2006, Charlie Hebdo avait, comme plusieurs journaux européens, repris 12 caricatures de Mahomet publiées par le quotidien danois Jyllands-Posten, qui avaient suscité des manifestations violentes dans le monde musulman.
Depuis, le journal français, qui a continué de dessiner régulièrement Mahomet, était devenu une cible emblématique pour les intégristes.
"Notre Mahomet est vachement plus sympa que celui brandi par ceux qui ont tiré", se sont défendus les survivants du journal. "L'état d'esprit +Je suis Charlie+, cela veut dire aussi le +droit au blasphème+", a résumé leur avocat, Richard Malka.
"Si on peut faire vivre nos idées partout dans le monde, on aura vraiment gagné", a lancé Gérard Biard, le rédacteur en chef du journal. En riposte aux attentats, qui ont fait 17 morts, le Premier ministre Manuel Valls a annoncé mardi "des mesures exceptionnelles" pour mieux détecter de potentiels jihadistes. Le délit de "blasphème n'est pas dans notre droit" et "ne le sera jamais", a-t-il déclaré.
Funérailles et hommages
La semaine est également ponctuée par les funérailles des 17 victimes et les hommages des autorités françaises, qui poursuivent la traque d'éventuels complices des tueurs de Charlie Hebdo. Le dessinateur Cabu a été inhumé à Châlons-en-Champagne dans l'intimité. Cabu, 76 ans, laisse derrière lui, après 60 ans de carrière, plus de 35.000 dessins.
Par ailleurs, environ 700 personnes ont assisté mercredi à Clermont-Ferrand aux obsèques de Michel Renaud, fondateur du festival Rendez-vous du Carnet de Voyage, tué la semaine dernière à Charlie Hebdo, où il rendait des dessins à Cabu.
Un hommage à Charb est rendu vendredi à Pontoise, ville dont il était originaire.
Les Unes des Inrockuptibles et du Canard Enchaïné
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